Helen Dabu est la Secrétaire générale de l’Association d’Asie-Pacifique sud pour l’éducation de base et des adultes (ASPBAE).
Laura Giannecchini est la coordonnatrice du développement institutionnel de la Campagne latino-américaine pour le droit à l'éducation (CLADE).
Toutes deux sont d'anciennes membres du Conseil d'administration du GPE, au sein duquel elles représentaient les organisations de la société civile actives dans les pays partenaires du GPE.
1. Le thème central de la Semaine d’action mondiale pour l’éducation cette année était le financement de l’éducation. Quel rôle joue les coalitions nationales et régionales, comme l'ASPBAE et la CLADE, pour pousser les pays à augmenter leur financement national de l'éducation ?
Helen Dabu : l'ASPBAE et la CLADE, de manière conjointe avec la CME et d'autres coalitions nationales et régionales d’actions en faveur de l'éducation, jouent un rôle essentiel en mobilisant les gouvernements, notamment ceux des pays en développement, en leur demandant de préserver et d’augmenter progressivement les budgets de l'éducation.
Vu l'impact de la pandémie de COVID-19 sur le financement de l'éducation, avec la CME et le GPE, nous avons lancé un appel aux dirigeants à l’occasion de la semaine d’action mondiale pour l’éducation cette année.
En tant qu'organisations de la société civile impliquées dans les politiques et le financement de l'éducation aux niveaux national et régional, nous soutenons l’existence de systèmes éducatifs transparents et responsables qui contribueront à réaliser le droit à l'éducation et à mettre en œuvre le programme ODD 4 / Éducation 2030.
Laura Giannecchini : en adoptant l'Agenda Éducation 2030, les gouvernements ont convenu d'atteindre la référence mondiale qui demande aux pays d’allouer 20 % de leur budget national et 6 % de leur PIB à l'éducation.
L’un des principaux moyens d’augmenter le budget de l’éducation consiste à adopter des mécanismes de justice fiscale. Ainsi, les coalitions nationales font également campagne et plaident en faveur de l'adoption d'une fiscalité progressive - comme en Argentine et en Bolivie, où des mesures d'imposition des personnes riches ont été approuvées pendant la pandémie de COVID-19.
Les coalitions régionales encouragent ce type d'apprentissage entre pairs et incitent d’autres entités régionales et d'autres gouvernements à faire pareil.
2. Que perdra-t-on si le financement de l'éducation n’est pas pris en compte dans les programmes de riposte à la pandémie de COVID-19 et de reprise ?
Helen Dabu : ne pas inclure l'éducation et son financement dans les plans de riposte et de reprise post-pandémie sera dévastateur pour les pays et entraînera des inégalités profondes et graves qui perdureront. Nous avons toujours affirmé que financer l'éducation permettrait une reprise rapide et à long terme.
Renforcer la résilience des personnes et de la société en toute crise, comme celle de la COVID-19, suppose de financer des systèmes éducatifs publics plus solides.
Laura Giannecchini : l'éducation est un droit humain dont dépend la réalisation d'autres droits. Les gouvernements, en tant que garants de ce droit, doivent faire tout leur possible pour le respecter, même dans des situations aussi critiques.
Garantir un financement adéquat de l'éducation, en plus d'être un engagement juridique, éthique et moral, signifie : éviter l’aggravation des inégalités en matière d’éducation et sociales déjà inacceptables ; accélérer la reprise économique post-pandémie ; garantir l'amélioration de la santé et des conditions de vie des générations actuelles et futures ; et mieux préparer les populations aux crises futures.
3. Les revenus et les assiettes fiscales des pays d'Asie-Pacifique restent faibles et peu d'entre eux mettent en œuvre des politiques visant l'équité. Comment la COVID-19 a-t-elle aggravé cette situation, notamment les inégalités en matière d’éducation des filles et d’accès au numérique pour les enfants et les jeunes ?
Helen Dabu : les enfants, les jeunes et les adultes appartenant à des groupes marginalisés et exclus ont été touchés de manière disproportionnée par la COVID-19.
Cela a davantage révélé les problèmes d'équité, d'inclusion et de genre dans l'éducation car les pauvres, les enfants des zones reculées et rurales, les enfants handicapés, les enfants et les jeunes non scolarisés, les apprenants adultes marginalisés, les femmes et les filles, les réfugiés et les personnes vivant dans des contextes fragiles disposaient de peu ou pas de moyens d'accéder à l'éducation et d'apprendre, surtout lorsqu’il a fallu passer à l’apprentissage en ligne.
Rien qu'en Asie-Pacifique, environ 1,88 milliard de personnes, soit près de la moitié de la population, n'ont pas accès à Internet. Les systèmes fiscaux de la région doivent se transformer progressivement pour générer des revenus qui financeront des systèmes d'éducation publique inclusifs, sensibles au genre, résilients et durables.