#Investinpeople fut un thème majeur de la réunion de printemps de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international, qui s’est tenue la semaine dernière. Au cœur de cette réunion a résonné un appel lancé par Bill Gates, Jim Kim, le Président de la Banque mondiale et Penny Mordaunt, La Secrétaire d’État au Développement international du R.-U. pour « investir dans l’humain— grâce à l’éducation, la santé, la nutrition, la protection sociale et l’emploi ».
Comme le montrent de nombreuses données empiriques, investir dans les populations nécessite des interventions dès les premières années. L’investissement dans la petite enfance demande une approche conjointe entre la santé, la nutrition, l’éducation, l’eau et l’hygiène, la protection sociale et le jeu. Or, nos nouvelles recherches publiées par l’organisme caritatif consacré aux enfants Theirworld révèle que l’aide des bailleurs de fonds à la petite enfance est inégale.
L’essentiel de l’aide pour la petite enfance est consacré à la santé et la nutrition
Nous constatons en effet que si l’aide au développement de la petite enfance a récemment connu une hausse, celle-ci est largement due aux augmentations de l’aide dans les secteurs de la santé et de la nutrition.
Les budgets d’aide ignorent presque totalement l’éducation des jeunes enfants, et nous constatons en effet qu’en moyenne, à peine 1 % de l'aide destinée aux enfants de moins de cinq ans est consacrée à l'éducation, un pourcentage qui reste largement stable.
Une des explications de l’augmentation dans les domaines de la santé et de la nutrition est l’efficacité de solides campagnes mondiales. Des initiatives mondiales célèbres récentes dans la santé et la nutrition ont influencé les États donateurs, et il s’agit d’un élément qu’il convient de reconnaître et soutenir.
Les campagnes mondiales réussies en faveur de la santé ont orienté les financements
Dans les années précédant 2015, plusieurs initiatives mondiales ont été mises en place dans le but de réduire la mortalité et la malnutrition des enfants de moins de cinq ans. Si ces domaines étaient jusqu’alors « à la traîne », les résultats constatés sont remarquables.
Les initiatives concernant la nutrition ont émergé au même moment que les crises financière et alimentaire mondiales, qui avaient entraîné une forte hausse du prix des produits alimentaires et suscité la préoccupation de la communauté internationale pour les populations les plus pauvres au monde. En termes de campagnes, c’était la réponse à la question la plus difficile : « Pourquoi maintenant ? ».
Cette attention a permis à une série influente en cinq volets sur la malnutrition et le développement de l’enfant de voir le jour dans The Lancet. Le Premier Ministre canadien a accueilli le sommet du G8, au cours duquel les bailleurs de fonds ont pris des engagements en faveur de l’Initiative de Muskoka sur la santé maternelle, néonatale et infantile (MSMNI), qui comprenait l’engagement pour une hausse du financement international dans ce domaine.
L’Initiative de développement de la nutrition a été lancée en 2010 et est toujours active, et en 2017, le gouvernement britannique et la Banque mondiale ont coanimé un événement mondial majeur intitulé « Le Défi de la nutrition ». Les organisations internationales telles que Save the Children ont privilégié les campagnes mondiales majeures traitant de la prévention de la mortalité infantile.
Un tel intérêt a permis d'attirer l’attention nationale et internationale sur les secteurs santé et nutrition du développement de la petite enfance – notamment par un financement accru. Ce type d’attention et de financement est indispensable. L’éducation de la petite enfance brille cependant par son absence, à la fois en termes d’attention de la communauté internationale et de soutien financier.
Les organisations internationales doivent faire davantage
Même la Banque mondiale, principal ambassadeur de l’éducation de la petite enfance, n’a consacré que 9 % de son financement du DPE à l’éducation en 2016, selon notre analyse des données communiquées au Système de notification des pays créanciers de l’OCDE (OCDE-SNPC).
Par ailleurs, l’UNICEF, autre agence multilatérale célèbre pour son action dans la petite enfance, a dépensé moins de 1 % de son financement de la petite enfance dans l’éducation, cette même année. Plus généralement, sur les 93 bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux communiquant des données à l’OCDE-SNPC, à peine plus d’un quart ont décaissé une APD destinée à l’enseignement préscolaire en 2016.
Si le Partenariat mondial pour l’éducation ne communique pas directement ses données à l’OCDE-SNPC, il semble être un bailleur de fonds relativement important pour l’enseignement préscolaire, comparé aux autres bailleurs, en termes de part du total de son APD dans ce sous-secteur :
sur près de 4,5 milliards de dollars de financement total du GPE depuis 2002, 4 % ont été destinés à l’enseignement préscolaire — soit environ 180 millions de dollars.
Si l’on compare cette somme au montant que chacun des 25 principaux bailleurs a décaissé au total pour l’enseignement préscolaire sur la période 2002 – 2016, le GPE est classé deuxième plus grand bailleur en volume après la Banque mondiale pour la période. En tant que fonds exclusivement dédié à l’éducation, le GPE pourrait toutefois faire davantage pour privilégier une orientation budgétaire vers l’éducation de la petite enfance, en particulier compte tenu de l’énorme manque à gagner en termes de financement, qui demeure indispensable pour toucher les enfants les plus à même d’être laissés pour compte.
Parvenir à un investissement plus équilibré dans la petite enfance
Nous pourrions être en train d’observer les prémices d’un changement. Les Objectifs de développement durable comprennent une cible explicite concernant l’éducation de la petite enfance. Et certains États donateurs regardent de très près comment est dépensé leur budget de l’éducation.
L’an dernier, les dirigeants du G20 ont convenu d’établir une Facilité internationale pour le financement de l’éducation, dont les travaux préparatoires sont en cours. Une focalisation sur les besoins préscolaires doit être au cœur des discussions sur la façon de privilégier la hausse attendue du financement grâce à ce mécanisme.
Il est désormais temps de regarder les chiffres en face et de s'engager à agir rapidement. Nous espérons que 2018 sera l’année où l’investissement dans l’enseignement préscolaire s’élèvera au niveau de la santé et de la nutrition pour parvenir à un investissement dans le développement de la petite enfance plus équilibré. Sinon, des millions d’enfants risquent de continuer à passer à côté de leur potentiel.