La Journée internationale de l'alphabétisation est l'occasion de célébrer l'engagement des individus et des organisations qui luttent pour veiller à ce que tout le monde ait les compétences nécessaires afin d’être des citoyens actifs. C’est également l’heure de vérité, avec de nouvelles données de l'Institut de statistique de l'UNESCO (ISU), montrant que 757 millions d'adultes, dont 115 millions de jeunes âgés entre 15 et 24 ans, ne savent toujours ni lire ni écrire une phrase simple.
Ces nouvelles estimations soulignent les défis à venir alors que la communauté internationale s’engage à « veiller à ce que tous les jeunes et une partie importante des adultes, hommes et femmes, sachent lire, écrire et compter » en 2030 dans le cadre des Objectifs de développement durable (ODD). Les militants se sont battus pour cet objectif ambitieux que nous soutenons pleinement. Mais la bataille ne fait que commencer pour modifier le paradigme des politiques et des évaluations.
En premier lieu, nous pouvons définir une base de référence pour l'action fondée sur des données existantes tout en nous préparant pour la prochaine génération de statistiques. L’eAtlas sur l’alphabétisme de l'UNESCO présente une série de cartes et de graphiques interactifs pour aider à évaluer les progrès accomplis depuis 2000, lorsque le monde a défini un objectif d'alphabétisation internationale pour 2015, ainsi que les défis à relever pour atteindre la nouvelle cible des ODD d’ici 2030.
Quel est le chemin parcouru et que reste-t-il à parcourir?
Pour 2015, la communauté internationale s’était engagée à diviser par deux les taux d’analphabétisme des adultes par rapport à leurs niveaux de 2000 dans le cadre des objectifs de l’Éducation pour tous (EPT). Cependant, les projections de l’ISU montrent que la plupart des pays n’ont pas réussi à atteindre cet objectif.
Bien que les taux d'alphabétisation aient augmenté entre 2000 et 2015, seulement 39 pays atteindront probablement l’objectif et 24 autres pays seront à un point du pourcentage. La plupart des pays qui devraient atteindre l’objectif sont les États arabes, l’Europe centrale et orientale, l’Asie centrale, ainsi que l'Asie de l'Est et le Pacifique. Néanmoins, ces régions comprennent également des pays qui n’y parviendront pas.
Les données montrent que presque tous les pays qui ont atteint ou sont à la portée de l’objectif avaient des taux d'alphabétisation des adultes de plus de 80% en 2000. 33 pays disposant de données, la quasi-totalité situés en Afrique subsaharienne, risquent de manquer l’objectif de l'EPT de 10 points de pourcentage ou plus.
Régions avec la population analphabète LA PLUS NOMBREUSE et pays avec les taux d’alphabétisme LES PLUS FAIBLES
L’Asie du Sud et de l’Ouest abrite plus de la moitié de la population analphabète mondiale (51 %), suivie de 25 % en Afrique subsaharienne, 12 % en Asie de l’Est et dans le Pacifique, 7 % dans les États arabes et 4 % en Amérique latine et dans les Caraïbes. On estime que moins de 1 % de la population analphabète mondiale vit dans les régions restantes réunies.
Les taux d’alphabétisme nationaux les plus faibles sont observés en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud et de l’Ouest. Moins de la moitié de la population adulte ne sait ni lire ni écrire une phrase simple dans les pays suivants : l’Afghanistan, le Bénin, le Burkina Faso, la République centrafricaine, le Tchad, la Côte d’Ivoire, l’Éthiopie, la Guinée, Haïti, le Libéria, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Sénégal, la Sierra Leone et le Soudan du Sud.
Les taux d’alphabétisme des jeunes âgés entre 15 et 24 ans sont généralement supérieurs à ceux des adultes, reflétant l’accès accru à la scolarité des générations plus jeunes. Bien que le taux d’alphabétisme des jeunes ait régulièrement augmenté, il n’en reste pas moins faible en Afrique subsaharienne (70%) et en Asie du Sud et de l’Ouest (84%).
Deux personnes analphabètes sur trois sont des femmes, génération après génération
Les femmes représentent les deux tiers des adultes analphabètes (63%) et l’écart est presque aussi élevé chez les jeunes. Les femmes constituent 59% des 115 millions de jeunes analphabètes. Ainsi, malgré des progrès constants, les femmes restent les premières à être privées des compétences générales de base en éducation, génération après génération.
L’écart de genre est plus important en Asie du Sud et de l’Est ainsi qu’en Afrique subsaharienne, où les femmes âgées de 15 ans ou plus sont 24% moins susceptibles d’être alphabètes que les hommes de la même tranche d’âge. Les obstacles à l’encontre des femmes persistent dans les États arabes, avec un taux d’alphabétisme des femmes de 76% contre 86% pour les hommes.
Vers la nouvelle génération de données sur l’alphabétisation
Le nouvel objectif de l'alphabétisation exige une nouvelle approche de mesure globale, non seulement pour suivre les progrès, mais plus important encore, pour soutenir l'élaboration des politiques au niveau des pays. La communauté internationale travaille à développer les outils et les données nécessaires par les pays afin d’évaluer avec précision les compétences en lecture et en écriture, et utiliser ces informations pour mieux cibler les initiatives et les ressources vers ceux dont les besoins sont les plus importants.
L'Enquête internationale sur l'alphabétisation des adultes (EIAA) ainsi que l’Enquête sur l'alphabétisation et la compétence des adultes (EACA) ont été les premières tentatives à cette fin dans les années 1990. Le programme pour l'évaluation internationale des compétences des adultes (PEICA) et des Compétences vers l'emploi et la productivité (STEP) fournissent la dernière génération d'outils d'évaluation et l’EIAA permet désormais à quiconque de tester ses propres compétences. Ces programmes, qui sont techniquement rigoureux et respectés, sont conçus pour mesurer les compétences de haut niveau couramment associés aux environnements lettrés par opposition aux compétences d'alphabétisation de base des adultes et des jeunes dans de nombreux pays, en particulier les moins développés, là où l'accès à une éducation de qualité reste limitée.
Le Programme d'alphabétisation et de suivi de l’alphabétisation (LAMP), développé par l'ISU se concentre sur les niveaux plus fondamentaux des compétences en lecture et écriture. Cependant, les tests sur le terrain ont montré leurs limites, en particulier dans la mesure de l’extrémité la plus basse de l'échelle d’alphabétisation et dans la nécessité critique de tenir compte des différences culturelles.
Nous pouvons tirer les leçons des expériences actuelles et passées, afin d’élaborer des évaluations d'alphabétisation des adultes plus simples, qui peuvent être liées à des initiatives internationales existantes et répondre à la fois à la demande et à l'offre des compétences spécifiques à chaque pays. En fournissant une perspective globale de la gamme complète des niveaux de compétences au sein d'une population nationale, les données peuvent ensuite être utilisées pour veiller à ce que les différents groupes (par zone géographique, statut socio-économique, origine ethnique, etc.) puissent accéder au soutien et à la formation dont ils ont besoin, tout en favorisant les partenariats entre les secteurs public et privé, ainsi que le sens de la responsabilité collective dans le but d’améliorer les compétences et les possibilités d'emploi des individus.
Cette nouvelle approche nécessite des investissements considérables, mais qui seront infimes par rapport à leurs bénéfices, sous la forme de politiques plus efficaces et plus ciblées.