Trop jeune pour être mère : réflexion d’une jeune leader du GPE sur le mariage, les grossesses précoces et les déplacements forcés

À travers son histoire personnelle, une jeune leader du GPE dresse un tableau saisissant des difficultés que rencontrent de nombreuses jeunes filles lorsqu’elles sont forcées de se marier, et présente les raisons pour lesquelles il est urgent de lutter contre cette pratique néfaste et la manière dont l’éducation peut contribuer.

17 mars 2025 par Faridah Luanda, Global Refugee Youth Network
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Lecture : 5 minutes
Une élève prenant des notes à l'école primaire de Katambayi à Kananga, en République démocratique du Congo. Crédit : Banque mondiale/Vincent Tremeau

Une élève prenant des notes à l'école primaire de Katambayi à Kananga, en République démocratique du Congo.

Credit: Banque mondiale/Vincent Tremeau

Chaque année, 12 millions de filles sont privées de leur droit à l’éducation à cause de mariages et de grossesses précoces, se retrouvant ainsi piégées dans des cycles de pauvreté et d’inégalité. J’étais l’une d’entre elles.

Mon histoire est le récit bouleversant des difficultés que nombre de jeunes filles traversent lorsqu’elles sont forcées à se marier. Très jeune, j’ai perdu ma mère à cause du conflit en République démocratique du Congo et j’ai été confiée à mon oncle.

La tragédie a frappé lorsque mon oncle m’a forcée à épouser un homme de 45 ans – un parfait étranger pour moi – en échange d’une dot qui le soulagerait de ses problèmes financiers.

Ce mariage a brisé mes espoirs d’un avenir meilleur et m’a privée de mon enfance et de mes rêves. À 15 ans, j’ai accouché, avec de nombreuses complications en raison de mon jeune âge.

Après avoir vécu dans le camp de refugiés Kyaka II, j’ai eu la chance d’être réinstallée au Suède à travers le processus de réinstallation du HCR. En Suède, j’ai pu reprendre mon éducation et je me suis inscrite dans un programme professionnel pour poursuivre un diplôme de cuisine.

À côté de mes études, je continue à défendre les droits des filles refugiées d’accéder à l’éducation , que ça soit dans les systèmes formels ou dans des contextes informels pour qu’elles puissent continuer à apprendre n’importe leurs circonstances.

Mon expérience vécue est un rappel brutal du besoin urgent de lutter contre cette pratique néfaste du mariage précoce et de protéger les droits des jeunes filles dans les communautés marginalisées.

Les filles déplacées sont particulièrement vulnérables. Elles sont confrontées à des risques accrus de mariage forcé et de maternité précoce en raison des difficultés économiques, des possibilités limitées et des normes culturelles qui font du mariage une priorité aux dépens de leurs droits et de leur avenir.

L’éducation est essentielle pour résoudre ces deux problèmes. En effet, l’absence de scolarisation est à la fois une cause et une conséquence de ces pratiques préjudiciables.

Les filles qui sont retirées de l’école sont plus susceptibles de devenir des épouses enfants, et celles qui sont forcées à se marier font face à des obstacles les empêchant de poursuivre leurs études.

Le mariage forcé des enfants est une violation grave qui prive les jeunes filles de leur éducation, de leur autonomie et de leur enfance, tout en perpétuant des normes de genre néfastes.

De plus, cette pratique conduit souvent à des grossesses précoces qui entraînent de graves risques pour leur santé, notamment des complications et une mortalité maternelle plus élevée, tandis que leurs enfants sont plus susceptibles de connaître des problèmes de développement – autant de cycles de pauvreté qui se perpétuent.

Dans les situations de déplacement telles que les camps de réfugiés, l’absence d’éducation, de soins de santé et de services de protection exacerbe ces risques.

En outre, le mariage des enfants prive les filles de la possibilité de prendre des décisions concernant leur avenir, notamment le fait de poursuivre leurs études, limitant ainsi leurs possibilités de développement personnel et économique.

Cependant, l’éducation est un moyen de protéger les droits des filles et de briser les cycles de pauvreté et d’inégalité.

Ce qui peut être fait pour mettre fin aux mariages précoces dans les contextes fragiles

Des organisations comme le Global Refugee Youth Network - GRYN (Réseau mondial des jeunes réfugiés) sont essentielles pour donner aux jeunes réfugiés les moyens de plaider en faveur de la prévention du mariage et des grossesses précoces, s’attaquant directement aux principaux obstacles auxquels les filles sont confrontées pour accéder à l’éducation.

Le Global Refugee Youth Network investit également dans les « organisations dirigées par des jeunes réfugiés » (RYLOS). Ces organisations amplifient la voix des jeunes défenseurs des droits humains, eux-mêmes réfugiés, tout en favorisant un sentiment d’appropriation et d’autonomisation parmi les populations de jeunes marginalisés ayant le statut de réfugié.

Ces organisations dirigées par des jeunes peuvent jouer un rôle crucial en veillant à ce que les filles vivant comme réfugiées aient accès à une éducation et à des services de protection, lesquels sont particulièrement rares dans les situations de déplacement.

En dotant les jeunes des ressources et du soutien requis, le Global Refugee Youth Network permet de créer des solutions durables pour protéger les filles réfugiées contre les pratiques préjudiciables, promouvoir leurs droits et leur bien-être, et veiller à ce qu’elles aient la possibilité de poursuivre leur éducation et de s’épanouir.

La collaboration et l’engagement avec les jeunes leaders réfugiés assurent une utilisation efficace des financements, permettant ainsi d'avoir un impact réel sur la vie des adolescentes et des survivantes déplacées.

Les organisations dirigées par des jeunes réfugiés sont présentes au sein de la communauté des réfugiés 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Ce sont des jeunes issus de la même culture. Et ils comprennent les défis auxquels leur communauté est confrontée.

Il est nécessaire d’accroître le financement, le soutien et le renforcement des capacités des organisations dirigées par des jeunes réfugiés. Pour cela, mettre ces organisations en relation avec le secteur de la protection de l’enfance d’un pays est un excellent moyen d’y parvenir.

Une autre limitation réside dans le fait que les jeunes réfugiés, bien qu’ils soient souvent des acteurs de première ligne en cas de crise au sein de leurs communautés, ne reçoivent que rarement des financements directs de la part des bailleurs de fonds et sont souvent exclus des processus décisionnels.

Il est essentiel de renforcer les capacités des organisations dirigées par des jeunes réfugiés au niveau communautaire. Il faut également reconnaître et financer leur travail.

Enfin, il est important de les mettre en relation avec le système plus vaste de la protection de l’enfance, ce qui permettra d’établir des priorités et de pleinement assurer la protection des enfants et leur accès à l’éducation au niveau communautaire.

Le financement de ces organisations au sein des communautés de réfugiés réduira la fragilité et favorisera les avancées en matière de développement, en particulier en améliorant l’accès à l’éducation pour les filles réfugiées.

Comment protéger les jeunes filles et les femmes réfugiées ainsi que leur droit à l’éducation : un appel à l’action

Il est temps de travailler ensemble pour soutenir les efforts existants visant à protéger les adolescentes exposées au risque de mariage et de grossesse précoces, en particulier dans les situations de déplacement forcé, notamment en luttant contre les normes sociales préjudiciables et la violence sexiste.

Voici comment nous pouvons faire une réelle différence dans la vie des filles vulnérables et contribuer à bâtir des communautés et des systèmes éducatifs plus inclusifs :

  1. Travailler avec les organisations dirigées par des jeunes réfugiés et par des femmes qui dispensent des services holistiques de protection de l’enfance. Les organisations dirigées par des jeunes réfugiés possèdent les partenariats stratégiques, la légitimité et la capacité nécessaires pour atteindre les communautés les plus marginalisées et les plus vulnérables. Aujourd’hui plus que jamais, ces organisations ont besoin de soutien.
  2. Investir dans des initiatives dirigées par des jeunes et des femmes qui autonomisent les jeunes leaders et assurent une protection durable aux adolescentes à risque dans les communautés de réfugiés.
  3. Investir dans la formation et le développement professionnel des enseignantes réfugiées pour développer leurs compétences et les aider à obtenir une certification formelle au sein du système éducatif national du pays d’accueil. Les enseignantes réfugiées sont particulièrement bien placées pour servir de modèles et défendre l’accès des filles à une éducation de qualité dans les situations de déplacement.
  4. Promouvoir la collaboration et favoriser le partenariat entre les bailleurs mondiaux, les organisations et les groupes locaux de jeunes pour mettre à profit l’expertise et les ressources collectives. En unissant nos efforts, nous pouvons mettre sur pied une réponse mieux coordonnée aux besoins des adolescentes et des survivantes dans les situations de déplacement.
  5. Souligner l’importance de la redevabilité et de la transparence dans les processus de financement en exigeant des rapports réguliers, ainsi qu’un suivi et une évaluation rigoureux des initiatives soutenues.

Investir dans l’éducation des filles réfugiées n’est pas uniquement un acte de soutien. C’est investir dans l’avenir de communautés entières.

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