Dans un blog datant de 2022, le Bureau pour l'Afrique de l’Institut international de planification de l'éducation estime que « plus de 8 enfants sur 10 n'acquièrent pas les compétences minimales en lecture et en mathématiques dans la région ». L'auteur pose la question suivante : « Pourquoi la massification rapide de l’éducation ne s’est-elle pas accompagnée d’un apprentissage de qualité pour tous et comment y remédier ? »
La réponse à cette question est toujours d'actualité. Elle alimentant bon nombre de débats et de décisions sur la question et les allocations de fonds au secteur dans le monde continuent d’en dépendre, comme c’est le cas depuis des décennies, suscitant également toujours une myriade de réponses diverses.
Il s’agit notamment de plusieurs « achats intelligents » qui, malgré les preuves convaincantes, peuvent encore donner des résultats décevants si les enseignants n’abandonnent pas quelques pratiques persistantes dans leur façon de dispenser des cours de lecture et, d’ailleurs, des cours pour toutes les matières.
Ce qui suit est un résumé de certaines habitudes pédagogiques profondément ancrées que j'ai observées au cours de ma carrière et qui expliquent, à mon avis, en grande partie pourquoi la plupart des élèves n'apprennent toujours pas à lire ou ne réussissent pas dans le reste du programme scolaire.
Obstacles pédagogiques persistants à l'apprentissage
- La répétition en chœur pour l'apprentissage et l'évaluation. Le fait que les enseignants guident les élèves pour qu'ils lisent ou répondent tous ensemble semble être une pratique courante dans les salles de classe du monde entier. L'idée est de consolider l'alphabétisation et l'apprentissage global. En même temps, en entendant des réponses correctes à gorge déployée, l'enseignant présume que tous ont atteint l'objectif d'apprentissage et qu'il peut poursuivre la leçon. Malheureusement, aucune de ces deux hypothèses n'est raisonnable. Un élève peut répondre correctement tout en ne comprenant que très peu ou pas du tout, se contentant de reproduire les propos des autres. L'enseignant peut entendre des réponses correctes dans la cacophonie, mais cela signifie rarement que tous les élèves ont appris ou même répondu correctement, car il ne peut pas identifier précisément les élèves qui ont répondu correctement et ceux qui ne l'ont pas fait.
- L’enseignement et l’évaluation « sentinelle ». Une autre pratique courante consiste à choisir un ou quelques élèves pour représenter l'apprentissage de l'ensemble de la classe, du moins en théorie. Si Mariam lit un passage avec fluidité, son enseignant semble supposer que tous les élèves peuvent en faire autant ou que ses performances cimenteront l'apprentissage de tous. En se basant uniquement sur cette donnée probante, il n'est pas possible d'obtenir une image complète des élèves qui éprouvent des difficultés à lire, ni de la manière dont ils les éprouvent. Une exception possible est le cas où l'enseignant choisit délibérément des « élèves plus lents » comme sentinelles pour indiquer les résultats de l'ensemble de la classe en matière de lecture.
- La stricte adhésion au programme d'études et aux manuels scolaires. À ce jour, personne dans aucun pays n'a encore contesté mon affirmation selon laquelle les enseignants se mettent généralement au travail dès le premier jour pour parcourir au pas de course le programme scolaire afin de le couvrir entièrement d'ici la fin de l'année. Malheureusement, fournir un déluge de contenu n’équivaut pas à un flot d’apprentissage. Au contraire, cela prive les enseignants du temps nécessaire pour contextualiser le contenu et rendre les leçons concrètes, tout en sapant leur capacité d'action et, je crois, leur efficacité. L'enseignement centré sur l'apprenant et l'évaluation formative continue sont des notions à peine effleurées. Alors que les enseignants se concentrent sur l'information, les élèves se contentent de copier et de répéter, en bachotant ce qu'ils s'attendent à trouver dans leurs examens de fin d'année, c'est-à-dire la « ligne d'arrivée ».
- La formation des enseignants peut concrétiser de mauvaises pratiques. Alors que les systèmes éducatifs et les partenaires promeuvent officiellement les « bonnes pratiques » établies et nouvelles, la formation initiale et continue formelle les présente généralement plus comme de la théorie que comme de la pratique. Or, comme je l'affirme fréquemment, ce n'est pas en assistant à un cours de deux heures sur la pédagogie centrée sur l'apprenant que les enseignants apprendront à utiliser des stratégies d'enseignement centrées sur l'apprenant. Les systèmes ne forment tout simplement pas les enseignants à concevoir et à dispenser des cours en utilisant les méthodes privilégiées, pas plus qu'ils ne modélisent ces méthodes dans le cadre de leur formation. Le fait que les enseignants eux-mêmes ne se sentent pas à l'aise dans les matières qu'ils enseignent peut nuire davantage à la qualité de leur enseignement et à l'apprentissage des élèves.
- Le manque d'opportunités de lire et d'écrire. Sans pratique, les apprenants n'ont guère l'occasion de perfectionner leur alphabétisation. Une fois qu'ils maîtrisent l'alphabet (ou les alphabets), les enfants apprennent à mieux lire, principalement en lisant davantage. Il en va de même pour l'écriture. Pourtant, dans la plupart des contextes à faibles revenus, les enfants trouvent rarement des documents intéressants et adaptés à lire, que ce soit à l'école ou chez eux.
- Les lacunes systémiques. Les effets des pratiques pédagogiques sont souvent aggravés lorsque les systèmes ne répondent pas aux exigences minimales d'un enseignement et d'un apprentissage efficaces. Il peut s'agir, par exemple, de classes surchargées, de manuels scolaires et d'autres ressources en nombre insuffisant, ou encore d'un corps enseignant épuisé qui ne parvient pas à retenir ses élèves à l’école. Quelle que soit la qualité d'un modèle pédagogique ou l'excellence d'un enseignant, il est difficile d'imaginer qu'un apprentissage solide puisse avoir lieu dans des classes souffrant de ces conditions.
Le fait de s'attaquer délibérément et stratégiquement aux obstacles les plus répandus permet de déterminer si la généralisation d'une innovation, indépendamment de sa réussite en tant que projet, se traduit par une amélioration de l'apprentissage pour tous. La question essentielle pour toutes les interventions doit être la suivante : « Comment le système peut-il aider les enseignants à utiliser l'intervention de manière compétente, cohérente et en toute confiance ? »
Les nouvelles approches peuvent être utiles, mais il est essentiel de ne pas oublier les principes de base.
S'attaquer aux obstacles de manière ciblée
Les innovations en matière d'éducation ne sont souvent pas entravées par des habitudes et des conditions bien ancrées. Dans le cadre de projets financés, les responsables de la mise en œuvre peuvent sélectionner des écoles et des classes dont les effectifs, le personnel, les installations et les ressources d'apprentissage sont acceptables, ce que j'appelle des projets de « fleurs en serre ».
Le programme Speed School que Geneva Global met en œuvre depuis 2011 en Éthiopie et depuis 2016 en Ouganda, offre un exemple de la manière dont on peut éliminer les obstacles à l'apprentissage.
Reconnu à l'échelle mondiale, le succès du modèle n'est que partiellement imputable à sa « pédagogie innovante ». Les méthodes d'enseignement du modèle sont plutôt celles auxquelles les pays et les partenaires internationaux ont formé les enseignants depuis des décennies, mais qui ressortent rarement dans la pratique des salles de classe.
Pourtant, les instructeurs de la Speed School les utilisent de manière cohérente et efficace. Pourquoi ? Je vous propose cinq raisons :
- En utilisant un programme condensé, les enseignants peuvent (et sont censés) enrichir les cours d'un contenu contextuel, d'applications pratiques et d'un développement ciblé des compétences personnelles.
- La formation se concentre sur l'utilisation des méthodes, et non sur les concepts et les techniques décontextualisées.
- Les instructeurs de la Speed School reçoivent l'attention des chefs d'établissement après la formation pour continuer à renforcer leur pratique tout en favorisant un état d'esprit de développement et une pratique réflexive.
- Le modèle place les enseignants sur des routes, et non sur des rails, leur permettant de faire appel à leur propre créativité et esprit d'initiative, seuls et collectivement, pour concevoir et dispenser des cours en utilisant les méthodes les plus appropriées.
- Nous ne travaillons pas dans des classes surchargées.
Toutes ces raisons mettent l'accent sur comment les enseignants peuvent réussir, indépendamment de ce qu'implique toute nouvelle approche. Si l'objectif est d'améliorer l'apprentissage, nous devons nous concentrer à nouveau sur l'amélioration des fondements de l'enseignement que reçoivent les enfants. Dit autrement, n'oubliez pas le comment.