Mise en œuvre opérationnelle de la théorie du changement
Comment les pays passent-ils de la conception d’une théorie du changement à la réalisation d’impacts concrets au moyen d’actions du gouvernement et des partenaires, et comment mesurent-ils son succès ?
Pour que la théorie du changement soit un outil puissant, certains éléments doivent être en jeu :
1. Dialogue et conception participatifs
Lors de l’élaboration de la théorie du changement, les parties prenantes se concertent pour discuter des obstacles potentiels à la transformation du système, de leur origine afin d’en identifier les causes profondes, ainsi que des leviers indispensables pour les surmonter.
Des groupes constitutifs diversifiés apportent une réflexion nouvelle sur la manière dont les pays peuvent relever les défis complexes liés à la qualité de l’éducation, à l'accès à l’éducation et à l’apprentissage. Ces discussions peuvent aussi traiter des capacités et des incitations actuelles des parties prenantes et de leur impact sur la façon dont de nouvelles informations et initiatives sont mises en pratique, du niveau de préparation à l’innovation et du potentiel de changement durable et à grande échelle.
- Au Tchad, la théorie du changement élaborée a été le fruit de vastes discussions entre les acteurs locaux et nationaux, des organisations citoyennes et les bénéficiaires de services éducatifs à travers les 23 provinces du pays. Les conditions identifiées comme étant indispensables à la réalisation des objectifs de la réforme prioritaire du pays étaient : i) la participation étroite des autorités nationales par le biais de prise de décisions politiques et de leadership ; ii) la mobilisation des parties prenantes et des partenaires ; iii) des arbitrages budgétaires favorables ; et iv) la mutualisation de toutes les ressources et capacités des parties prenantes en vue de soutenir la mise en œuvre de la réforme.
2. Feuilles de route
Les feuilles de route illustrent la manière dont la théorie du changement sera mise en pratique, en confirmant les rôles et les responsabilités, en identifiant de nouveaux moyens d’obtenir des financements pour atteindre les objectifs d’équité et d’égalité des genres, et en fixant des jalons de progrès afin de s’assurer que la théorie du changement est sur la bonne voie.
- En Tanzanie (continentale), la feuille de route pour la réforme prioritaire de l’éducation a été soutenue par la création d’une « matrice des partenaires » qui décrit les engagements existants des partenaires en matière de financements et de programmes concernant les différents aspects des piliers prioritaires. Cette approche a permis d’évaluer dans quelle mesure il était possible d’optimiser les financements et les programmes en place, et de recenser les lacunes éventuelles à combler pour réaliser les objectifs de la réforme prioritaire.
3. Coordination
La coordination est une pièce maîtresse pour garantir que tous les éléments interagissent comme prévu afin de soutenir l’effort de réforme. Dans les domaines de l’enseignement et de l’apprentissage, des mécanismes de coordination spécifiques peuvent réunir des éléments à travers des réseaux de politiques, d’investissements, de dispositifs, de pratiques et de partenariats afin d’éviter la prise de décisions en silo et le cloisonnement des programmes des partenaires ainsi que de se prémunir contre le partage limité d’informations.
Entre les niveaux centralisé et décentralisé, l’action coordonnée permet également d’aligner les composantes interconnectées de la réforme à tous les niveaux de gouvernance.
- Au Tadjikistan, le pacte de partenariat a cherché à renforcer la cohérence du soutien des partenaires en matière d’enseignement axé sur les compétences, de normes d’apprentissage, de développement professionnel des enseignants, du programme scolaire et de l’évaluation des acquis scolaires. Avec le soutien du GPE, le ministère de l’Éducation a créé une Unité d’analyse et de coordination chargée du pilotage et du suivi des progrès, notamment par le biais d’un meilleur alignement entre les acteurs nationaux et les partenaires internationaux de développement qui interviennent à tous les niveaux du système d’éducation, et en créant des centres de coordination correspondants dans les provinces.
4. Apprendre et adapter
À mesure que les stratégies de transformation progressent, des flux réguliers et continus de retours d’information impliquant des enseignants, des élèves et d’autres parties prenantes concernées, permettent aux décideurs de mieux comprendre dans quelle mesure les intrants et les interventions génèrent l’impact souhaité et de faire le point sur les éventuels imprévus et contretemps.
Les parties prenantes peuvent alors identifier des mesures correctives ou des ajustements nécessaires pour accélérer la cadence ou se remettre sur la voie vers la réalisation de la réforme prioritaire.
Au moyen d’examens plus approfondis et périodiques, les décideurs peuvent aussi mieux appréhender : a) si les composantes du système, les relations et les interactions évoluent ; b) les domaines d’intervention qui génèrent le plus d’impact ; et c) les mesures d’adaptation et les investissements à plus long terme nécessaires pour des changements durables à grande échelle.
- Au Mozambique, les partenaires se sont efforcés d’extraire des connaissances au delà des indicateurs, notamment des informations permettant de répondre aux questions suivantes : dans quelle mesure utilisons-nous efficacement les ressources disponibles, et quels sont les résultats directs des activités mises en œuvre ? Quels sont les effets les plus importants et les plus durables de notre travail ? Les enseignements tirés des réponses à ces questions sont répertoriés et permettent aux partenaires de l’éducation d’affiner les objectifs, les outils et les activités de transformation.
- El Salvador est le premier pays partenaire du GPE à effectuer un examen de mi parcours de son pacte de partenariat, montrant ainsi que les enseignements tirés d’une théorie du changement peuvent servir à adapter les travaux de transformation du système. La théorie du changement concernant sa réforme pour l’éducation des jeunes enfants a non seulement servi à orienter les discussions avec un vaste échantillon de parties prenantes, mais elle a aussi pu être réexaminée sur la base de données probantes et des expériences vécues de la mise en œuvre et des ambitions de la réforme. À l’avenir, la théorie du changement sera développée davantage comme un outil collectif, et le suivi et l’évaluation seront renforcés avec le soutien de Social Impact (un partenaire technique financé par le GPE).