De l’importance du leadership collectif : susciter la transformation dans l’ensemble des systèmes éducatifs

Du ministère jusqu’à la salle de classe, les comportements de leadership positif donnent le ton des stratégies de transformation de l’éducation déployées par les pays, permettant de rallier les partenaires derrière la vision nationale, de susciter des réformes, de réorienter la culture organisationnelle et de donner l’exemple dans la classe en faveur d’un apprentissage plus équitable.

24 juin 2024 par Carmela Salzano, GPE Secretariat, et Janne Kjaersgaard Perrier, GPE Secretariat
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Lecture : 6 minutes
Dirigeants du GPE, défenseurs de l’éducation, jeunes leaders et les ministres de l’Éducation de 15 pays partenaires se sont réunis au siège de l’UNESCO à Paris. Juin 2022
Dirigeants du GPE, défenseurs de l’éducation, jeunes leaders et les ministres de l’Éducation de 15 pays partenaires se sont réunis au siège de l’UNESCO à Paris. Juin 2022
Credit: GPE/Emmanuelle Jacobson-Roques

La mobilisation sociale, la collaboration radicale, l’engagement en faveur de l’innovation et la dynamique de partenariat sont autant de caractéristiques comportementales qui sont reconnues à la fois dans la pratique et la recherche en éducation pour leur impact considérable sur la rapidité, l’échelle et la durabilité de la transformation du secteur de l’éducation.

La présence de leaders investis et inspirants, à tous les échelons et dans tous les domaines, est tout aussi importante pour susciter et réaliser une vision porteuse de transformation. Un leadership investi est essentiel pour faire avancer tous les intervenants dans la direction du changement systémique et agir sur différents leviers de manière à remédier à des questions complexes en matière d’éducation.

Les chefs de file : les ambassadeurs de haut niveau

Les leaders au plus haut niveau anticipent les besoins du système éducatif, en articulant la vision et en établissant la stratégie qui permettront de répondre aux attentes futures sur le plan des apprentissages et des compétences, compte tenu de la croissance économique, de l’emploi, de la lutte de la pauvreté et de la résistance aux chocs climatiques.

Véritables ambassadeurs du changement, ces leaders bâtissent des campagnes et des mouvements de sensibilisation qui tournent autour de différentes dimensions du programme de transformation, inspirant les autres à leur emboîter le pas et à forger des coalitions, que ce soit parmi les décideurs, les responsables et les administrateurs, les enseignants, les organisations de la société civile, les partenaires de développement ou les partenaires non traditionnels comme les acteurs du secteur privé.

Ces leaders connaissent leur économie politique et leurs structures de gouvernance. Ils sont bien placés pour donner suite aux promesses de contribution en mobilisant le capital politique nécessaire pour opérer des changements sur le plan politique et dans la législation.

Le principal défi consiste à mobiliser une volonté politique qui permettra de concrétiser les choses. C’est là où il faut beaucoup de courage et d’implication.

Anwar Makarim, ministre de l’Éducation, Indonésie

Nadiem Anwar Makarim, ministre de l’Éducation de l’Indonésie, a mené la mise en place du changement systémique déployé à grande échelle dans le 4e plus important système éducatif au monde, aux termes d’une réforme complète intitulée Merdeka Belajar (apprentissage émancipé).

Cette réforme, qui semble avoir un impact sur les acquis scolaires des élèves et sur l'évolution générale des mentalités, a nécessité une campagne de grande envergure pour parvenir à un consensus et surmonter une résistance massive.

La réforme a également abouti à la création de 27 grandes politiques visant à soutenir la transformation scolaire et à veiller à ce que les diverses règles, réglementations et pratiques soient cohérentes dans tout le système et clairement communiquées.

Des leaders de haut niveau efficaces prennent également le temps de dialoguer avec les intervenants là où les effets de la politique sont les plus palpables, notamment les écoles, les communautés et les administrations de zones scolaires, afin de bien comprendre leurs différentes préoccupations et y répondre.

Ces traits et comportements se retrouvent également dans le dynamisme de leaders comme Awut Deng Acuil, la première ministre femme de l’Éducation au Soudan du Sud, qui défend ardemment une éducation inclusive et de qualité.

Elle s’est engagée à défendre une vision de la transformation du système en se lançant dans un plaidoyer national et international dans lequel elle explique que la priorité accordée par son pays à l’éducation inclusive est plus qu’une politique.

C’est vital sur le plan de la cohésion et de la justice sociale pour des milliers d’enfants qui sont touchés par les conflits armés et les déplacements, tout en constituant un engagement de rebâtir la nation grâce au pouvoir de l’instruction.

Awut Deng Acuil, première femme nommée ministre de l’Éducation du Soudan du Sud, et Charles North, directeur général adjoint du GPE. Avril 2023
Awut Deng Acuil, première femme nommée ministre de l’Éducation du Soudan du Sud, et Charles North, directeur général adjoint du GPE. Avril 2023
Credit:
GPE/Timo Diers

Orienter les capacités en vue du changement : la délicate position du leadership intermédiaire

Même si les leaders de niveau intermédiaire ne jouissent généralement pas de la visibilité dont disposent les décideurs situés plus haut dans la hiérarchie, leur rôle n’en est pas moins essentiel à la transformation du système.

Les leaders de niveau intermédiaire et les responsables au sein des autorités scolaires provinciales, régionales et centrales assument des responsabilités importantes en faisant le suivi des virages politiques audacieux et des réformes radicales.

Ils renforcent l’appropriation et l’adhésion dans toute la culture organisationnelle et réalisent un travail de coordination dans des écosystèmes complexes d’éducation pour faire les rapprochements nécessaires et garantir une prise de décision cohérente. Leurs relations avec le personnel de l’éducation, et en particulier les enseignants, sont essentielles pour mobiliser et susciter le soutien à l’égard des efforts de réforme.

En Côte d’Ivoire, le ministère de l’Éducation a renforcé le leadership institutionnel et le positionnement de l’Unité de soutien et de coordination en tant qu’acteur désigné pour assurer la surveillance du pacte de partenariat. Le but est que le leadership et les rôles et responsabilités en matière d’exécution soient clairement définis et compris.

À cette fin, les capacités en matière d’orientation technique, de coordination et de leadership sont en cours d’examen, en consultation avec les directorats concernés du ministère, le but étant de renforcer les capacités afin de pouvoir appliquer et surveiller la théorie du changement, et générer une prise de décision plus concertée dans les domaines prioritaires ciblés.

En Ouganda, les expériences de l’organisme non gouvernemental international STiR Education ont révélé l’existence d’un « chaînon manquant » entre les leaders/dirigeants de l’éducation et les enseignants, démontrant que d’étroites relations professionnelles étroites entre eux peuvent avoir une incidence sur les motivations intrinsèques des enseignants à soutenir la transformation du système.

Les partenariats de STiR avec le gouvernement ont fait ressortir le besoin de redéfinir les relations pour que les dirigeants puissent jouer un rôle plus dynamique de coach, de mentor, de facilitateur ou d’« ami à l’esprit critique » auprès des enseignants, et le besoin pour les enseignants et leurs pairs de réfléchir à leurs expériences, d’échanger sur leurs difficultés et de trouver des solutions créatives pour mener à bien la transformation du système.

Faire la différence dans les écoles et les salles de classe : les pratiques de direction dans l’éducation

Les rôles et les comportements des dirigeants au niveau des établissements scolaires ont de nombreux effets importants sur la culture scolaire et la qualité de l’instruction dispensée en classe.

Les chefs d’établissement ont pour rôle de garantir un milieu d’apprentissage efficient qui assure hygiène et sécurité, d’optimiser les ressources pour surmonter les difficultés du quotidien et de sensibiliser la communauté à l’importance de l’assiduité scolaire, en particulier dans le cas des filles.

De nombreux pays partenaires du GPE ont reconnu la nécessité de créer un changement pour renforcer les compétences des chefs d’établissement et leur apporter un soutien.

Nicola Johnson (au centre), responsable de la planification au ministère de l’Éducation du Guyana, travaille avec Kimberley Bakker (à gauche) et la directrice Rosemary George pour examiner les dossiers de l’école primaire Moco-Moco, dans la région 9 du Guyana.
Nicola Johnson (au centre), responsable de la planification au ministère de l’Éducation du Guyana, travaille avec Kimberley Bakker (à gauche) et la directrice Rosemary George pour examiner les dossiers de l’école primaire Moco-Moco, dans la région 9 du Guyana.
Credit:
GPE/Kelley Lynch

Au Guyana, le ministère de l’Éducation a placé au cœur de sa réforme prioritaire le renforcement d’un leadership pédagogique efficace et culturellement adapté, ainsi qu’une amélioration de la nécessité de rendre compte (aux niveaux de l’établissement et de la zone scolaire).

Ici, « leadership » est un concept général qui couvre plusieurs dimensions, notamment un leadership culturellement adapté, la planification des améliorations scolaires et un leadership pédagogique.

Tandis que de nombreuses approches en matière d’éducation intègrent des technologies et des pédagogies novatrices en vue d’améliorer les résultats d’apprentissage et la transformation des systèmes, un programme de leadership soutenu par le KIX au Nicaragua et au Honduras vise à donner les moyens aux chefs d’établissement et aux enseignants de privilégier l’innovation et le changement.

Ces programmes de leadership, faisant appel à l’apprentissage entre pairs fondé sur les pratiques, peuvent positivement influer sur les performances des écoles et contribuer à remédier aux préjugés liés au genre, à la violence à l’école, au manque de ressources et aux taux de décrochage.

Grâce à l’évolution des compétences en leadership des enseignants et aux changements connexes de la pédagogie et du programme scolaire, les élèves ont plus d’assurance et une plus grande envie d’apprendre.

Étant prouvé que la présence de femmes à la direction des écoles et dans le corps enseignant a une influence positive sur les résultats d’apprentissage des filles, le ministère de l’Éducation à Madagascar a décidé de mettre en place un cadre des compétences et des processus de développement professionnel plus structurés pour les dirigeantes d’établissements scolaires primaires.

L’initiative, soutenue aux termes du pacte de partenariat du pays, promet de contribuer à renverser les obstacles basés sur le genre qui empêchent les femmes d’accéder à des postes de direction dans les écoles.

En favorisant une culture du leadership partagé, les systèmes éducatifs peuvent gagner en résilience et en efficacité en répondant aux divers besoins de tous les apprenants.

Les leaders de haut niveau offrent la vision et le plaidoyer nécessaires pour amorcer le changement, et les leaders de niveau intermédiaire veillent à la mise en œuvre et la durabilité des réformes, tandis que les leaders au niveau des établissements relèvent les difficultés complexes qui se présentent dans le contexte quotidien de l’apprentissage.

Pour mener à bien la transformation du système, l’effet combiné de leurs actions est essentiel, de même que la volonté de munir ces différents leaders des moyens et des ressources qui permettront d’atteindre les objectifs de la réforme.

Ce blog fait partie d'une série sur la transformation des systèmes éducatifs mettant en évidence les voix et les idées de partenaires et de praticiens sur ce que nous apprenons sur la transformation des systèmes éducatifs dans différents contextes et ce que cela nécessite.

Lire aussi

Dans une vision systémique, le leadership partagé est en effet essentiel. Le GPE semble cependant adopter une approche descendante (top-down), et sesactivités se résumer au niveau central. Nous n'avons connaissance, par exempe, d'aucune activité concrète du GPE - dans les dix pays d'Afrique francophone où sont situées nos associations professionnelles - concernant la formation au leadership des gestionnaires locaux ou leur professionnalisation. Pourtant, comme le rappelait Jaime SAAVEDRA, Directeur Éducation, Banque Mondiale « Le domaine le plus souvent négligé en matière de politique éducative est sans doute la sélection et la formation des responsables éducatifs au niveau de l’école et du district, ceux qui sont les mieux à même de concrétiser la vision du gouvernement et de faire progresser l’acquisition des apprentissages fondamentaux. »
Nous sommes convaincus de l'importance pour le GPE d'adopter une approche hybride (descendante et ascendante) si elle veut, dans la réalité, favoriser l'émergence d'un leadership partagé.
Richard Charron
Administrateur ÉduGestion
richard.charron@edugestion.org

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