Concrétiser le droit de chaque enfant à bénéficier de 600 heures d’enseignement préscolaire

L'éducation préscolaire étant peu accessible dans les pays à faible revenu, le programme "Preschool Entitlement" de RTI International entend accélérer son expansion en aidant les décideurs politiques à planifier et financer l'accès à l'éducation préscolaire dans les contextes à faible revenu.

02 juin 2023 par Luis Crouch, RTI International, et Jan van Ravens
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Des élèves jouant avec des blocs et d'autres matériaux. École maternelle d'Aranaputa dans la région 9 au Guyana. Crédit : GPE/Kelley Lynch
Des élèves jouant avec des blocs et d'autres matériaux. École maternelle d'Aranaputa dans la région 9 au Guyana.
Credit: GPE/Kelley Lynch

La concrétisation du droit d'accéder à l'éducation préscolaire (Preschool Entitlement) est un nouvel instrument politique conçu pour les pays et les organisations internationales de développement qui souhaitent promouvoir l’enseignement préscolaire le plus rapidement possible tout en préservant la qualité de l’éducation et en respectant les politiques budgétaires des pays.

Il s’agit donc d’étendre l’offre éducative tout en comblant les lacunes en matière de qualité. Cet instrument est également décrit dans un article (en anglais) que nous avons publié en janvier.

Pourquoi les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire de la tranche inférieure ont-ils besoin de cet instrument ?

Plusieurs économistes de renommée (tel que James Heckman, prix Nobel d’économie) ont montré que l’enseignement préscolaire a un taux de rentabilité élevé pour la société - plus élevé que d’autres formes d’éducation et d’investissement.

Dispenser un enseignement préscolaire est un prérequis évident et reconnu par les pays et les agences de développement d’autant plus qu’il est une composante clé des objectifs de développement durable pour 2030 des Nations Unies.

L'accès à l’enseignement préscolaire et la qualité de ses prestations sont aussi deux indicateurs clé pour les agences de développement telles que le GPE.

En l’absence d’enseignement préscolaire public, les professionnels et les personnes qui ont des revenus convenables se tournent vers l’enseignement privé pour offrir à leurs enfants une éducation préscolaire.

Les économistes, l’ensemble de la société et les particuliers sont clairement d’avis que, tant d’un point de vue économique que moral, l’enseignement préscolaire est une bonne chose pour les enfants et les familles.

Mais malgré cela, l’offre d’enseignement préscolaire est particulièrement insuffisante ou peu sollicitée dans les pays à faible revenu ou à revenu intermédiaire de la tranche inférieure.

Selon la Banque mondiale, seuls 20 % des enfants sont scolarisés dans le préscolaire dans les pays à faible revenu et 58 % dans les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure, contre un taux de scolarisation de 100 % à l’école primaire - soit un écart de 45 points entre l’enseignement préscolaire et l’école primaire pour l’ensemble des deux groupes de pays. (Il s’agit ici de nos propres calculs basés sur les données d’EdStats).

Les dépenses consacrées à l’enseignement préscolaire sont également beaucoup plus faibles : les gouvernements des pays à revenu faible ne dépensent que 7 % de ce qu’ils allouent à l’enseignement primaire alors qu’en principe, la durée de l’enseignement préscolaire représente au moins la moitié (trois ans en moyenne) de la durée de l’enseignement primaire (six ans en moyenne). (Il s’agit une fois de plus des calculs des auteurs qui se sont basés sur les données téléchargées sur EdStats).

Les parents et les tuteurs prennent le reste en charge : environ 30 % de l’offre préscolaire dans les pays à faible revenu est privée contre seulement 8 % pour le primaire (voir le Rapport mondial de suivi sur l’éducation 2022, à partir de la page 136). Ces faits s’opposent diamétralement aux impératifs économiques et moraux évoqués précédemment.

Pourquoi cette situation contradictoire existe-t-elle et que peut-on faire pour y remédier ?

Premièrement, si l’on considère les travaux de Heckman, parmi d’autres, on peut avancer l’idée selon laquelle les décideurs politiques pensent souvent que les bénéfices de l’enseignement préscolaire ne sont réalisés qu’à long terme, et qu’ils sont intrinsèquement d’ordre social plutôt que budgétaire, ce dernier étant la préoccupation principale des ministères des Finances.

Deuxièmement, certains estiment que l’enseignement primaire est déjà touché par une crise de l’apprentissage et qu’à ce titre, il a besoin de solutions immédiates, repoussant à plus tard les préoccupations relatives à l’enseignement préscolaire. Conscients de ces problèmes, les autorités budgétaires sont réticentes à rendre l’enseignement préscolaire obligatoire et gratuit, ou du moins, à le financer davantage.

Mais leurs craintes nous paraissent infondées pour deux raisons :

Tout d’abord, parce que l’enseignement préscolaire peut améliorer l’efficacité de l’école primaire à court terme, et ensuite, parce qu’il existe des moyens de résoudre les questions de la qualité et de l’accessibilité financière.

Si l’offre préscolaire est de qualité raisonnable et conçue comme un élément essentiel à l'amélioration de l’apprentissage fondamental visée lors du Sommet des Nations Unies sur la transformation de l’éducation en 2022, alors l’efficacité se traduit par une réduction du taux de redoublement, la prévention du décrochage scolaire et l’augmentation des taux d'achèvement.

Nous savons que malgré un taux de scolarisation qui a nettement augmenté par rapport à l’enseignement préscolaire, les écoles primaires dans les pays à faible revenu ou à revenu intermédiaire de la tranche inférieure, voient leurs taux d'achèvement stagner à un très faible niveau à cause des redoublements et de l’abandon scolaire, liés en partie au fait que les enfants commencent l’école alors qu’ils sont peu ou mal préparés, et ce, dû aux défaillances de l’offre éducative en matière d’enseignement des compétences de base.

Nous souhaitons préciser que nous proposons pas une simple réduction de l’étendue du système d’enseignement primaire, surtout s’il est inefficace et de mauvaise qualité, puisque cela ne ferait qu’aggraver le problème et ne serait pas dans l'intérêt public.

Un instrument politique pour développer l’enseignement préscolaire

Étendre l'éducation préscolaire d'une manière progressive qui est facultative en termes d'optimisation des ressources à chaque étape peut être réalisée de la manière suivante :

  • Ne générer que peu de nouveaux mécanismes bureaucratiques, voire aucuns ;
  • Respecter les prestations non-étatiques à but non lucratif déjà existantes dans le secteur - une offre très attrayante pour les parents - et ne pas les perturber ;
  • Concevoir une gestion et une gouvernance peu complexes afin de pouvoir décentraliser les processus si nécessaire, selon les capacités des pays ;
  • Adopter une approche de gouvernance et de gestion faciles par le biais de contrôles très simples des intrants et des processus ;
  • Mettre en place des contrôles de qualité et un seuil minimum au-dessous duquel aucun prestataire n’aurait le droit de tomber s’il bénéficie de subventions ;
  • Établir un développement ciblé pour permettre un accès séquentiel à l’enseignement préscolaire, à commencer par ceux qui n’en ont pas les moyens.

L’instrument politique du droit à l’enseignement préscolaire est conçu pour que les pays puissent mettre en œuvre les éléments ci-dessus en les aidant à déterminer le niveau minimum et raisonnable de qualité et d’intensité de l’offre d’enseignement préscolaire qui permettrait à tout prestataire (étatique ou non) répondant à ces conditions de bénéficier d’une subvention par rapport au nombre d’enfants.

Ce droit s'élèverait à 600 heures par an (soit 3 heures par jour, 5 jours par semaine, 40 semaines par an, pendant deux ans, voire trois ans, avant l’entrée en première année du primaire). Notre article indique que c’est le temps nécessaire pour préparer les enfants à leur entrée en première année.

Les recherches citées dans l’article indiquent également qu’une prestation de services d’enseignement préscolaire de bonne qualité suffit à assurer une transition réussie vers la première année.

On espère que ce niveau minimum requis déclenchera, à l’échelle locale, des initiatives pour développer un programme préscolaire par le biais de frais de scolarité, d'impôts locaux ou grâce à la philanthropie, pour offrir des heures supplémentaires de garderie pour les familles qui en ont besoin.

Les 600 heures peuvent être entièrement ou partiellement subventionnées selon les niveaux de pauvreté. Le niveau raisonnable de qualité, à un coût raisonnable pour chaque pays, se détermine en étudiant et en identifiant le « point idéal » entre le niveau de qualité et les coûts engendrés par les prestataires actuels, qu’ils soient étatiques ou non, et ce, mesurés de manière objective et impartiale par des tierces parties.

Le niveau de qualité peut être déterminé à l’aide d’une liste de contrôle empirique de l’examen de la qualité, des inscriptions et/ou des accréditations continues (basées sur la documentation et sur les bonnes pratiques en place dans le pays), qui peuvent servir à étudier la situation initiale pour ensuite déterminer les critères à remplir pour bénéficier d’une subvention.

Cette approche fera partie intégrante de l’instrument politique et contribuera à garantir le développement d’une offre de qualité.

Le gouvernement peut ensuite proposer cette subvention aux prestataires nouveaux ou existants qui souhaitent s’engager à fournir des services éducatifs dotés d’un gage de qualité en se soumettant aux exigences de qualité requises. Les prestataires qui remplissent des critères de qualité moins élevés pourront bien entendu continuer à dispenser leurs services, mais ne pourront pas prétendre à la subvention.

Un élément clé de cette approche consiste au fait que le dosage ou l’intensité de la prestation peut aussi être ciblé selon le niveau de pauvreté ou le quartier d’implantation. Par exemple, il pourrait y avoir une garantie d’heures (par jour) et de jours (par an) supplémentaires dans les zones les plus défavorisées.

Cibler l’intensité de l’offre peut permettre de développer le système d’enseignement préscolaire à un rythme financièrement abordable, sans mettre trop de pression sur les autorités budgétaires, puisque ceux qui en ont les moyens continueraient de payer dans l’immédiat et peut-être de manière permanente.

Cette approche permet également de contrôler le développement de l’offre en fonction des moyens disponibles, tout en garantissant plus ou moins automatiquement, que l’offre sera optimale en termes de rapport qualité-prix et d’inclusion sociale.

En résumé, nous proposons un instrument politique qui peut permettre de développer l’enseignement préscolaire afin d’améliorer la vie des enfants et les résultats de l’apprentissage fondamental dans les écoles primaires, sans compromettre la qualité de l’enseignement ni surcharger le système fiscal.

Nous espérons que les pays envisageront cet outil au travers d’un dialogue politique avec les agences de développement et dans le cadre de discussions politiques internes et de recherche-action.

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Nous disons vraiment merci de toutes les recherches menées par le GPE sur l'éducation de base et l'éducation de petite enfance qui nous mettent au courant des nouvelles stratégies pour mieux comprendre et aborder cet enseignement , Alors pour nous autres voudrions soumettre des projets qui vont servir nos enfants : vulnérables , déplacés interne et les enfants réfugiés Rwandais sont entrain de souffrir dans notre pays et surtout ici à l'Est du pays ; merci bonne compréhension et continuité .
Pour L'IJDHD
ASHINGINYI BALANGA ASBA Ier
Depuis KAYUMBA RDC

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