Mais malgré cela, l’offre d’enseignement préscolaire est particulièrement insuffisante ou peu sollicitée dans les pays à faible revenu ou à revenu intermédiaire de la tranche inférieure.
Selon la Banque mondiale, seuls 20 % des enfants sont scolarisés dans le préscolaire dans les pays à faible revenu et 58 % dans les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure, contre un taux de scolarisation de 100 % à l’école primaire - soit un écart de 45 points entre l’enseignement préscolaire et l’école primaire pour l’ensemble des deux groupes de pays. (Il s’agit ici de nos propres calculs basés sur les données d’EdStats).
Les dépenses consacrées à l’enseignement préscolaire sont également beaucoup plus faibles : les gouvernements des pays à revenu faible ne dépensent que 7 % de ce qu’ils allouent à l’enseignement primaire alors qu’en principe, la durée de l’enseignement préscolaire représente au moins la moitié (trois ans en moyenne) de la durée de l’enseignement primaire (six ans en moyenne). (Il s’agit une fois de plus des calculs des auteurs qui se sont basés sur les données téléchargées sur EdStats).
Les parents et les tuteurs prennent le reste en charge : environ 30 % de l’offre préscolaire dans les pays à faible revenu est privée contre seulement 8 % pour le primaire (voir le Rapport mondial de suivi sur l’éducation 2022, à partir de la page 136). Ces faits s’opposent diamétralement aux impératifs économiques et moraux évoqués précédemment.
Pourquoi cette situation contradictoire existe-t-elle et que peut-on faire pour y remédier ?
Premièrement, si l’on considère les travaux de Heckman, parmi d’autres, on peut avancer l’idée selon laquelle les décideurs politiques pensent souvent que les bénéfices de l’enseignement préscolaire ne sont réalisés qu’à long terme, et qu’ils sont intrinsèquement d’ordre social plutôt que budgétaire, ce dernier étant la préoccupation principale des ministères des Finances.
Deuxièmement, certains estiment que l’enseignement primaire est déjà touché par une crise de l’apprentissage et qu’à ce titre, il a besoin de solutions immédiates, repoussant à plus tard les préoccupations relatives à l’enseignement préscolaire. Conscients de ces problèmes, les autorités budgétaires sont réticentes à rendre l’enseignement préscolaire obligatoire et gratuit, ou du moins, à le financer davantage.
Mais leurs craintes nous paraissent infondées pour deux raisons :
Tout d’abord, parce que l’enseignement préscolaire peut améliorer l’efficacité de l’école primaire à court terme, et ensuite, parce qu’il existe des moyens de résoudre les questions de la qualité et de l’accessibilité financière.
Si l’offre préscolaire est de qualité raisonnable et conçue comme un élément essentiel à l'amélioration de l’apprentissage fondamental visée lors du Sommet des Nations Unies sur la transformation de l’éducation en 2022, alors l’efficacité se traduit par une réduction du taux de redoublement, la prévention du décrochage scolaire et l’augmentation des taux d'achèvement.
Nous savons que malgré un taux de scolarisation qui a nettement augmenté par rapport à l’enseignement préscolaire, les écoles primaires dans les pays à faible revenu ou à revenu intermédiaire de la tranche inférieure, voient leurs taux d'achèvement stagner à un très faible niveau à cause des redoublements et de l’abandon scolaire, liés en partie au fait que les enfants commencent l’école alors qu’ils sont peu ou mal préparés, et ce, dû aux défaillances de l’offre éducative en matière d’enseignement des compétences de base.