Yémen : assurer la continuité de l’éducation malgré les conflits

<p>Le GPE s’est adapté à l’évolution des besoins du système éducatif yéménite en dépit des conflits qui sévissent dans ce pays depuis plus de sept ans, et a ainsi contribué à ce que les élèves poursuivent leur scolarité malgré l’une des crises humanitaires les plus graves au monde.</p>

Yémen : assurer la continuité de l’éducation malgré les conflits

First grader at Al-Hamzi school, smiling to the camera, Hajjah, March 2021. Credit: UNICEF/UN0459559/Marish
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Points clés

  • Le GPE s’est adapté à l’évolution des besoins du système éducatif yéménite en dépit des conflits qui sévissent dans ce pays depuis plus de sept ans, et a ainsi contribué à maintenir l’accès à l’éducation et à éviter l’effondrement du système.
  • Le GPE a soutenu les efforts déployés par le Yémen pour élaborer un plan de transition de l’éducation et améliorer la coordination sectorielle ainsi que le lien entre aide humanitaire et aide au développement, grâce à la mobilisation de tous les partenaires de l’éducation.
  • Les moyens dont dispose le partenariat ont permis de mobiliser des ressources indispensables à la réalisation des objectifs du Yémen : maintenir les écoles ouvertes et veiller à ce que les élèves puissent apprendre en toute sécurité.
Carte du Yémen

Ce récit a été rédigé en collaboration avec le bureau de l'UNICEF au Yémen.

Les conflits qui ont éclaté au Yémen en 2015 ont privé plus de 2 millions d’enfants de la possibilité d’aller à l’école ; et perturbé l’apprentissage de millions d’autres.

Les attaques contre les élèves, les enseignants et les infrastructures éducatives ont eu des effets dévastateurs sur les possibilités d’apprentissage des enfants.

Fin octobre 2022, 2 916 écoles au Yémen – soit au moins une école sur quatre – étaient inutilisables en raison du conflit car détruites, endommagées, abritant des familles déplacées ou étant utilisées à des fins militaires.

La poursuite des conflits, les déplacements forcés et les écoles ne pouvant être utilisées à des fins pédagogiques sont autant de facteurs qui ont contribué à la désorganisation du système éducatif.

  • Ahmed, 12 ans, assis sur les décombres de l’école Al-Hamzi, à Hajjah, au Yémen.
    Crédit : UNICEF/UN0459558/Marish

Le Yémen a été l’un des premiers pays à devenir membre du GPE. Depuis 2003, le GPE lui a alloué 187 millions de dollars de financements.

L'aide apportée au Yémen durant le conflit lui a permis d'éviter l'effondrement complet du système éducatif et de rester suffisamment souple pour faire face aux besoins immédiats du secteur dans un pays politiquement divisé et instable.

Ainsi les activités couvertes par les financements qui avaient débutées en 2014 ont été réévaluées en 2015 pour permettre de réhabiliter les écoles endommagées par les conflits armés, d’assurer un soutien psychosocial aux élèves et de distribuer des fournitures de base aux écoles.

Le modèle de partenariat du GPE réunit les principales parties prenantes, notamment les autorités nationales, les partenaires de développement de l’éducation et les organisations de la société civile, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays, afin d’apporter un soutien indispensable aux enfants yéménites.

  • Des élèves dans leur salle classe à l'école Al-Hamzi à Hajjah au Yémen.
    Crédit : UNICEF/UN0459555/Marish

  • Des élèves dans leur salle de classe à l’école Al Tadhamoun à Sana'a, au Yémen.
    Crédit : UNICEF/UN0616922/Haleem

Réhabiliter les écoles et aider les élèves

Les financements du GPE, dont les activités ont été supervisées par l’UNICEF, ont permis de réhabiliter 247 écoles, et de fournir plus de 46 500 nouveaux pupitres à plus de 500 établissements scolaires.

Plus de 98 000 élèves ont bénéficié d'un soutien psychosocial, 86 800 élèves ont reçu des fournitures scolaires de base et 10 400 élèves ont pu manger des repas équilibrés tous les jours.

  • L’UNICEF organise des programmes de formation au soutien psychosocial à l’intention d’animateurs afin de leur permettre de dispenser ces services aux jeunes déplacés à Marib, au Yémen.
    Crédit : UNICEF/UN0674352/Alsharabi

Par ailleurs, des subventions de 1 500 dollars ont été versées à plus de 6 870 écoles ainsi qu’à leurs communautés pour financer de petites réparations et des travaux d’entretien, l’achat de fournitures et de matériels pédagogiques, d’apprentissages et récréatifs.

Ces aides sont essentielles pour permettre aux écoles de rester ouvertes et de fonctionner.

  • Nouveaux articles de papeterie distribués grâce au soutien de l’UNICEF à l’école Al Tadhamoun de Sana'a, au Yémen.
    Crédit : UNICEF/UN0616952/Haleem

Malak, a 16-year-old secondary school student, reads a book in the library of Aden Model School, which received a school grant, in Aden, Yemen. Credit: UNICEF/UN0620706/Fuad
« L’environnement scolaire s’est fortement amélioré depuis le début de ce projet. Désormais, nous avons de l’eau dans les toilettes et tout ce dont nous avons besoin pour étudier. »
Malak
16 ans, élève à l'Aden Model High School

Permettre aux filles de poursuivre leur scolarité

La plupart des enfants non scolarisés actuellement au Yémen sont des filles. Ceci est particulièrement vrai dans les zones rurales isolées.

L'accès à l'éducation, déjà limité par les conflits, est encore plus difficile pour les filles qui doivent faire face à d'autres obstacles, comme le mariage précoce.

Dans certains gouvernorats, deux tiers des filles se marient avant d’avoir 18 ans, ce qui anéantit souvent leurs espoirs de poursuivre leurs études.

Eman, a teacher at Al-Haj Naser Muthana School for girls in AlDhale’e Governorate, Yemen. Credit: UNICEF/UN0550367/Hayyan
« J’ai rencontré une fillette, mariée, alors qu’elle n’avait guère plus de 12 ans. Elle a arrêté ses études à cause de ce mariage, mais a ensuite divorcé. Lorsque je l’ai rencontrée et qu’elle m’a raconté son histoire, j’ai cherché à la convaincre de reprendre ses études. Elle l’a fait, et elle est maintenant au lycée. »
Eman
Enseignante à l'école pour filles Al-Haj Naser Muthana, dans le gouvernorat d'AlDhale'e

Les parents sont également réticents à l’idée d’envoyer leurs filles à l’école, à cause de l’insécurité ambiante, du manque d’enseignantes et des longues distances à parcourir entre le domicile et l’école.

Jawaher Mohammed, a 16-year-old secondary school student, in class at Al-Haj Naser Muthana School for girls in Al Dhale’e Governate, Yemen. Credit: UNICEF/UN0550366/Hayyan
« Beaucoup de mes amies ont arrêté leurs études parce que l’école était trop éloignée. La plupart des parents ne souhaitent pas que leurs filles aient des hommes comme enseignants. »
Jawaher
16 ans, élève à l'école pour filles Al-Haj Naser Muthana, dans le gouvernorat d'AlDhale'e

Le programme du GPE a mis l’accent sur le manque d’éducatrices au Yémen, en particulier dans les zones rurales, car cette situation empêche les filles d’apprendre et de s’épanouir.

Les financements du GPE ont permis de recruter 2 162 enseignantes pour travailler dans des zones isolées, ce qui a favorisé la scolarisation des jeunes filles.

Le programme avait initialement pour objectif de venir en aide à 1 600 enseignantes rurales, en aidant à convertir leur contrat de travail temporaire en contrat permanent dans le budget du gouvernement. Le conflit en cours a empêché leur recrutement en tant qu’enseignantes titulaires.

Le financement du GPE a permis de poursuivre le soutien aux 1 600 enseignantes pendant 8 ans, et d’aider 700 autres enseignantes qui risquaient de perdre leur salaire suite à la suspension d’un programme de la Banque mondiale.

Modèles à suivre dans les communautés rurales, les enseignantes jouent un rôle déterminant dans le plaidoyer et la sensibilisation des familles, ce qui est essentiel pour lever les obstacles à l’éducation des filles. De nouveaux financements du GPE permettront de poursuivre le soutien apporté à ces enseignantes pendant les trois prochaines années.

  • Des élèves lèvent la main pendant une leçon dans une école dans la ville de Taizz au Yémen en 2021.
    Crédit : UNICEF/UN0460333/Al-Basha

Produire des données et des éléments probants pour renforcer la planification

Le Yémen doit disposer de données et d’éléments probants fiables et opportuns, et être en mesure de les utiliser, s’il entend dispenser une éducation de qualité et procéder aux ajustements nécessaires malgré l’instabilité du contexte.

Les autorités nationales se sont appuyées sur des consultations menées auprès de partenaires clés, dont l’UNICEF, l’UNESCO et le Programme alimentaire mondial, et sur un financement du GPE, pour élaborer un plan d’action stratégique et une feuille de route visant à renforcer la collecte de données et la planification fondée sur des éléments probants. Le pays est en train d’organiser sa première collecte de données sur l’éducation depuis 2015.

À ce jour, 14 bureaux d’éducation de gouvernorat et 63 circonscriptions scolaires ont reçu du matériel pour le système d’information pour la gestion de l’éducation (SIGE). Des panneaux solaires ont également été installés pour faire fonctionner les équipements dans les districts confrontés à des coupures d’électricité.

Des spécialistes ont été formés au niveau central, à celui des bureaux d’éducation des gouvernorats et des circonscriptions scolaires pour utiliser des logiciels de ressources humaines, de cartographie scolaire, de statistiques et de programmation du SIGE.

Renforcer les capacités nécessaires à la prestation de services éducatifs

Le système éducatif repose sur un plan sectoriel qui présente les politiques et les stratégies de la réforme de l’éducation nationale. Si le pays traverse une crise et n’est pas en mesure de préparer un plan à long terme, il élabore un plan de transition à court terme permettant de jeter les bases d’un plan complet et de faire fonctionner le système à court terme.

Le GPE, la Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ) et l'UNESCO ont apporté une assistance technique et financière au Yémen pour développer et mettre en œuvre un plan de transition sur trois ans, qui a été approuvé par les autorités nationales et endossé par les partenaires de développement de l'éducation.

Le plan de transition de l’éducation 2019-2021 du Yémen présente une vision stratégique pour le secteur de l’éducation du pays ainsi qu’un cadre permettant de renforcer la coordination et la supervision de la mise en œuvre de l’éducation.

Ce plan privilégiait l’accès, la qualité et la gestion de l’éducation, énonçait les stratégies permettant de faire face aux difficultés posées par la crise persistante et mettait l’accent sur le maintien de l’éducation de base et secondaire.

  • Réunion des membres du groupe local des partenaires de l’éducation du Yémen en octobre 2022 au Caire, en Égypte.
    Crédit : GPE/Muhammad Tariq Khan

Renforcer la coordination sectorielle

Les partenaires du secteur de l’éducation du Yémen ont pu se réunir régulièrement malgré l’intensification du conflit en 2015, notamment grâce au soutien du GPE, et ont poursuivi leurs activités même si certains ont dû suspendre leurs opérations dans le pays.

Ils ont apporté leurs éclairages concernant la meilleure façon de restructurer le financement accordé par le GPE pour faire face à la crise de l’éducation, et ont contribué ainsi à maintenir le bon fonctionnement du système scolaire.

Cette coordination constante a également incité d’autres partenaires à débloquer des fonds supplémentaires pour soutenir l’éducation au Yémen.

La déclaration commune faite en 2018 par les membres du groupe local des partenaires de l'éducation, le GPE et l'Éducation sans délai pour attirer l'attention sur les graves difficultés rencontrées par les enseignants yéménites qui ne percevaient plus leur salaire depuis 2 ans illustre également la solidité de cette coordination sectorielle.

En quelques semaines, cette initiative a permis de lever de nouveaux fonds pour financer des mesures incitatives aux enseignants. La plupart des bénéficiaires ont indiqué que ces mesures leur avaient permis de réduire leurs absences, et plus de la moitié ont déclaré qu’elles avaient également contribué à améliorer l’assiduité de leurs élèves.

Il est essentiel de renforcer la coordination sectorielle et la planification conjointe si l’on veut lever les obstacles qui menacent les avancées réalisées en vue de renforcer le système éducatif du Yémen.

Les parties prenantes du secteur de l’éducation continuent, envers et contre tout, à se battre pour permettre aux écoles de rester ouvertes, afin que des élèves comme Malak et Jawaher puissent étudier en toute sécurité.

Novembre 2022