Zimbabwe : le dévouement exemplaire d’une enseignante envers l’éducation de la petite enfance
Points clés
- Spécialiste du développement de la petite enfance, Ellen Gava enseigne à l’école primaire Seke 7 à Chitungwiza, une banlieue à forte densité et l’une des plus grandes agglomérations urbaines au Zimbabwe.
- Avec son école, Ellen met tout en œuvre pour que les enfants bénéficient d’un accès équitable à un apprentissage précoce de qualité et acquièrent les compétences fondamentales qui seront déterminantes pour tous leurs autres apprentissages.
- Le GPE soutient l’apprentissage précoce au Zimbabwe, grâce à la formation professionnelle des enseignants, à la production de matériel d’apprentissage et à des activités de mobilisation communautaire.
Cet article a été rédigé en collaboration avec le bureau de l’UNICEF au Zimbabwe.
Enfant, Ellen Gava aimait bien jouer le rôle de l’enseignante pour s’amuser. Ces premiers jeux sont devenus une joyeuse réalité. Dans sa classe pleine de vie, 37 élèves âgés de 4 et 5 ans débordent d’énergie et d’une insatiable curiosité.
« Je suis née pour enseigner », déclare-t-elle.
Malgré la difficulté de gérer une classe aussi chargée, cette enseignante de 37 ans, spécialiste du développement de la petite enfance (DPE), attaque chaque journée animée d’un dévouement indéfectible.
Elle prépare les leçons avec rigueur en suivant une méthode basée sur le jeu à la fois amusante et inclusive, de manière à créer un environnement d’apprentissage dynamique et enrichissant.
Devenir enseignante
En 2009, Ellen a obtenu son diplôme en éducation, avec une spécialisation en developpement de la petite enfance (DPE), au Morgenster Teachers College. En 2011, elle est devenue enseignante en DPE à l’école primaire de Seke 7 à Chitungwiza, une banlieue densément peuplée située à 20 kilomètres de la capitale du Zimbabwe, Harare.
En 2016, tout en enseignant, Ellen s’est lancé le défi de financer elle-même sa licence en éducation de la petite enfance à l’Université du Zimbabwe. Malgré d’importantes contraintes financières, surtout en tant que mère célibataire, elle a persévéré et c’est en 2020 qu’elle a obtenu son diplôme.
Cliquez sur la photo pour découvrir comment Ellen soutient chaque élève.
« Alors que j’étais encore une jeune enseignante en formation, j’ai appris que le développement de la petite enfance ciblait le développement des enfants de 0 à 8 ans. Aujourd’hui, je sais que l’épanouissement et le développement des tout-petits dépendent beaucoup de l’attention que leur accordent leurs éducateurs, leurs enseignants et leurs parents.
J’ai pu constater à quel point un attachement sain aux éducateurs peut avoir un effet positif sur les élèves, tant à l’école qu’à la maison. Pour les enseignants en DPE, ce n’est pas uniquement une question de transmission des savoirs, mais également d’attention, de soutien et d’amour.
J’ai vu à quel point les activités de DPE, c’est-à-dire les jeux, le théâtre, la narration orale et la reformulation, contribuent à forger l’estime de soi et la confiance des élèves, ce qui sera essentiel plus tard dans leurs apprentissages.
Yvonne est arrivée dans ma classe quand elle avait cinq ans. Pendant près de six mois, je ne l’ai pas entendue prononcer un mot en classe. C’est pendant une scène de théâtre que je l’ai vue sourire pour la première fois. Après cela, elle s’est ouverte et s’est mise à participer activement en classe. Quel bonheur de la voir s’épanouir ainsi ! »
« L’apprentissage précoce étant le véritable socle du développement de la personnalité, du talent et des compétences de chaque enfant, je pense qu’on devrait donner la priorité aux programmes de DPE. Ces programmes sont le fondement de l’apprentissage tout au long de la vie : ils préparent les enfants aux matières qu’ils étudieront plus tard dans leur scolarité.
Comblant l’écart entre la maison et l’école, le DPE constitue un stade porteur de transformation dans l’éducation d’un enfant. L’enfant opère la transition de la dépendance à l’autonomie, ce qui s’effectue en grande partie grâce à l’acquisition de compétences d’autoassistance, comme l’apprentissage de l’hygiène et des aptitudes sociales.
Pour réussir au primaire et par la suite, il est nécessaire d’acquérir des compétences en motricité fine et globale, ainsi qu’en discrimination visuelle et auditive, entre autres.
Désiré est arrivé à 4 ans à l’école sans être propre. Il était très timide et ne s’exprimait pas du tout. C’est à force de patience, d’amour et d’attention, et grâce à l’interaction avec ses camarades de classe, qu’il a fini par devenir propre. »
« L’implication des parents est importante pour que l’apprentissage soit possible. Un enfant est comme une marmite sur un feu à trois pieds : chacun des trois pieds représentant le parent, l’enseignant et le personnel administratif de l’école. Si l’un des pieds est négligent ou défaillant, cela compromettra la qualité de l’éducation et du développement holistique des élèves.
À l’école, je joue le rôle à la fois d’enseignante et d’éducatrice dans mon accompagnement des élèves. Mon but est de veiller à leur bien-être. Les enseignants en DPE peuvent aider les parents à comprendre ce qui favorisera le plus l’épanouissement et le développement de leurs enfants, comme la participation à des activités extracurriculaires. Les parents ne sont pas toujours d’accord avec moi sur certains points, mais cela ne changera rien à l’amour et à l’attention que j’accorde à leurs enfants dans la classe.
J’avais un élève qui avait passé une grande partie de ses premières années à regarder des dessins animés et à imiter les comportements qu’il voyait. Sachant cela, je le lui ai donné la possibilité de s’exprimer, tout en l’amenant progressivement à atteindre les objectifs pédagogiques. Voilà un exemple de la manière dont le développement de la petite enfance peut aider à combler le fossé entre un enfant qui quitte la maison pour commencer sa scolarité. »
S’engager à changer les choses
Ellen vit et enseigne dans une communauté marquée par les privations économiques. Beaucoup de ses élèves sont issus de foyers vulnérables, ce qui complique leur accès à une éducation de qualité.
Convaincue du pouvoir de l’apprentissage fondamental, Ellen est résolue à ce que chaque enfant bénéficie d’un programme de DPE, même si elle doit, pour cela, aller plus loin que son simple devoir.
Ellen collabore avec les parents et les éducateurs pour mieux comprendre la situation et les besoins de ses élèves. Une fois, elle a prêté assistance à une enfant qui vivait avec sa grand-mère, qui n’avait aucune source de revenus.
Ellen n’a pas ménagé ses efforts pour lui trouver une aide alimentaire auprès d’une ONG locale puis elle a inscrit l’enfant au Module d’assistance à l’enseignement de base (Basic Education Assistance Module ou BEAM), un projet de régime amélioré de protection sociale mis en place par le gouvernement pour éliminer les frais de scolarité.
Même si elle ne peut pas prendre chaque enfant par la main, elle est une petite pièce dans un grand puzzle qui veille à ce que les élèves bénéficient de l’attention et des soins dont ils ont besoin à ce stade critique de leur développement.
À mon école, on ne laisse aucun enfant de côté
« L’inclusivité doit être une priorité dès le début du parcours scolaire de l’enfant. Je suis fière que mon école veille à ce que tous les enfants, qu’ils aient des handicaps, des difficultés d’apprentissage ou un certain statut socioéconomique, aient les mêmes chances d’apprendre.
Les élèves économiquement vulnérables sont inscrits au BEAM. L’école leur fournit leurs uniformes et leur matériel d’apprentissage, notamment les livres, les stylos, les crayons, les crayons de couleur, les jeux et les manuels scolaires.
Actuellement, nous avons trois jeunes enfants qui présentent des difficultés d’apprentissage. À 7 ans, si les difficultés persistent, ils passeront un test pour savoir s’ils sont en situation de handicap et bénéficier du meilleur placement possible. En fonction de ses besoins, l’enfant se verra attribuer les ressources nécessaires ou il sera aiguillé vers un service d’assistance. »
Qu’est-ce qui rend une classe inclusive ?
« Les classes de DPE devraient être physiquement accessibles, pour garantir la sécurité et le confort des enfants. Les enseignants jouent un rôle essentiel dans la création d’un environnement d’apprentissage inclusif en reconnaissant et en évaluant les besoins individuels des enfants, de même qu’en adaptant l’instruction et en veillant à ce que tous les élèves aient un accès équitable aux ressources. Les enseignants devraient se tenir au courant des dernières pratiques inclusives.
Le matériel d’apprentissage doit refléter tout un éventail d’aptitudes, de cultures et de structures familiales pour que tous les enfants se sentent les bienvenus et aient la possibilité de développer leurs compétences.
La véritable inclusivité permet de lutter également contre les stéréotypes et la discrimination. Les élèves qui exercent de la discrimination à l’égard d’autres élèves doivent rendre compte de leurs actes. Tous les élèves ont besoin d’être éduqués à la pluralité des origines et des identités. L’environnement devrait reconnaître et valoriser la diversité des apprenants, et non la réprimer.
Dans un cadre inclusif de développement de la petite enfance, il y a des toilettes et du mobilier adaptés aux enfants, des installations de jeux extérieurs et une grande variété de jouets, ainsi que des aménagements comme des rampes et des portes de toilettes accessibles pour les apprenants à mobilité réduite. Les centres d’apprentissage devraient favoriser la créativité, la réflexion critique et les compétences en résolution de problèmes chez tous les apprenants. »
Le ministère de l’éducation a mis au point la Politique d’éducation inclusive qui vise à éliminer toutes formes de barrières à l’apprentissage et à garantir le droit fondamental à l’éducation pour tous.
Tout en plaidant en faveur de l’adoption de cette politique auprès du gouvernement du Zimbabwe, le ministère de l’Éducation a créé un manuel d’éducation inclusive qu’il a distribué dans toutes les écoles. Ce manuel sert de référence pour mettre en œuvre la politique d’éducation inclusive.
De plus, certains inspecteurs, directeurs d’école et enseignants, dont Ellen, ont suivi une formation sur l’enseignement et l’encadrement des élèves ayant des besoins particuliers.
Développement professionnel et orientation des autres enseignants
Depuis sa promotion au poste d’enseignante responsable du service des tout-petits à l’école primaire de Seke 7 en 2024, Ellen est chargée d’encadrer les autres enseignants en DPE et d’organiser des ateliers de développement professionnel du personnel. Elle est également la coordinatrice désignée des programmes de formation du ministère de l’Enseignement primaire et secondaire.
Lors de sa dernière formation, Ellen a appris à aider les enseignants à établir le profil des apprenants. L’exercice vise à créer une base de données complète des apprenants au Zimbabwe.
Ce système centralisé contient des données sur les profils des apprenants qui aideront le gouvernement à prendre des décisions éclairées en matière de politiques sociales et éducatives.
Le travail d’Ellen fait ressortir le rôle intégral que jouent les enseignants dans la mise en œuvre des initiatives du gouvernement et la nécessité d'assurer une formation continue des enseignants.
Ma mission
« Mon but, en tant qu’enseignante en DPE, est de créer un environnement d’apprentissage inclusif qui favorise le développement global de mes élèves, notamment leur épanouissement sur le plan physique, social, mental et émotionnel.
Mon approche consiste à offrir un enseignement aux élèves qui tienne compte de leurs capacités et besoins uniques. J’utilise des approches centrées sur l’apprenant, des stratégies novatrices d’enseignement et tout un éventail de tactiques qui permettent à mes élèves de rester impliqués. Tout cela nécessite un travail rigoureux de préparation et une solide connaissance du contenu, avant même de prendre les rênes de la classe.
Je crois fermement à l’importance de l’implication des enseignants. C’est en imitant que les enfants apprennent le mieux. Si vous leur demandez de sauter, sautez avec eux. Vous les inciterez ainsi à participer!
Je suis consciente que mes élèves viennent de divers horizons et je m’occupe de chacun d’eux, peu importe leur religion ou leur situation sociale. Je réunis des renseignements de base sur mes élèves dès le début, en m’en servant pour améliorer leur expérience d’apprentissage et créer un environnement propice à leur épanouissement.
Ces 13 dernières années ont été riches en aventures et j’ai la chance d’avoir pu évoluer au sein de l’établissement. Mon rêve est de décrocher un doctorat et de contribuer encore davantage au développement de la petite enfance dans mon pays. »
L’approche de partenariat du Zimbabwe pour une éducation équitable et de qualité
Pour garantir un accès équitable à une éducation de qualité grâce à l’apprentissage fondamental, il est essentiel d’avoir une approche collaborative. En finançant la formation des enseignants, la production de matériel d’apprentissage et des activités de mobilisation communautaire, le GPE constitue un partenaire majeur du gouvernement du Zimbabwe dans l’appui apporté au DPE.
Depuis 2014, l’UNICEF a travaillé en étroite collaboration avec le gouvernement ainsi que ses autres partenaires dans le but de mettre en œuvre des financements du GPE visant à transformer la vie des enfants dans tout le pays, d’un montant total de plus de 90 millions de dollars : 23,6 millions de dollars (2014-2016), 42,2 millions de dollars (2016-2022) et 32,2 millions de dollars (2023-2026).
Ces fonds ont contribué à créer un système éducatif plus équitable et plus inclusif, offrant de meilleures opportunités de vie et d’apprentissage pour les enfants du Zimbabwe.