Tchad : la technologie au service de l’apprentissage
Points clés
- Le Tchad accueille 1,3 million de personnes déplacées, dont plus d'un million de réfugiés originaires du Soudan, de la République centrafricaine, du Cameroun et du Nigeria, et ces chiffres devraient augmenter.
- Cette crise des réfugiés augmente la pression sur le système éducatif déjà sous-financé du Tchad.
- Le Partage de connaissances et d'innovations (KIX) du GPE a mené des recherches sur des programmes d'usage des technologies à grande échelle pour éduquer les réfugiés, qui peuvent être utilisées dans d'autres pays confrontés à des conflits et à des situations d'urgence..
Ce récit a été rédigé en collaboration avec le CRDI, le JRS et War Child.
Les enfants représentent 54 % de la population déplacée au Tchad. Une situation qui exerce une pression considérable sur le système éducatif du pays. En raison du financement limité dans le secteur de l'éducation, des classes surchargées et d’une pénurie d'enseignants qualifiés, des centaines de milliers d'enfants, y compris les réfugiés, ont un accès limité à l'éducation.
Pour relever ces défis, War Child, financé par le programme de Partage de connaissances et d'innovations du GPE (une initiative de collaboration entre le GPE et le Centre de recherches pour le développement international du Canada), a entrepris des recherches sur les moyens d'accroître l'impact de la technologie au service de l'éducation au Tchad, au Soudan et en Ouganda.
Le programme de Partage de connaissances et d'innovations du GPE vise à explorer comment des programmes technologiques tels que Can’t Wait to Learn peuvent être mis à l'échelle, avec pour objectif général d'améliorer la qualité de l'éducation pour les enfants réfugiés et déplacés.
Can’t Wait to Learn - Une plateforme éducative stimulante
En 2019, War Child a lancé Can’t Wait to Learn au Tchad et a introduit une plateforme éducative stimulante diffusée via des tablettes et des appareils mobiles. Cette technologie suit le programme scolaire national et est conçue pour couvrir les années de scolarité 1 à 3 (élèves âgés de 5 à 14 ans).
Elle offre aux enfants réfugiés et déplacés à l'intérieur de leur pays la possibilité de poursuivre leur parcours d'apprentissage, en progressant à leur propre rythme à l'école et chez eux, tout en obtenant des crédits au sein du système éducatif d'accueil qui leur permettent une transition plus harmonieuse vers l'enseignement formel.
Le programme se distingue par l'implication des apprenants locaux dans sa création : War Child a organisé des ateliers dans les communautés locales avec des sessions artistiques pour que les enfants puissent partager leurs histoires et leurs idées avec des artistes locaux. Ces récits et ces dessins ont ensuite été intégrés au programme Can’t Wait to Learn, l'enrichissant ainsi du point de vue et de la créativité des enfants.
Le programme joue un rôle essentiel dans le renforcement des compétences et des connaissances fondamentales en mathématiques et en alphabétisation. Et au fur et à mesure que les élèves maîtrisent de nouvelles compétences en lecture, écriture et calcul, ils accèdent à des niveaux plus exigeants.
Reconnaître leur propre communauté et leur contexte dans le contenu de l'apprentissage est un aspect très significatif et motivant pour les enfants, ce qui explique en grande partie le succès de ce programme.
La stratégie pour l’éducation des réfugiés au Tchad pour la période 2018-2019 a mis en avant le programme Can’t Wait to Learn comme une réalisation notable dans le secteur de l'éducation.
Nour a fui le Soudan en 2003 en raison d'une attaque sur la région où elle vivait. Résidant actuellement dans le camp de Djebel au Tchad avec son mari et ses enfants, elle a observé un changement positif depuis l'introduction du programme Can’t Wait to Learn.
Son fils, qui aspire à devenir comptable ou pilote, a retrouvé son enthousiasme à apprendre et il s’efforce obstinément chaque jour pour être le premier en classe. Nour a constaté un changement significatif : non seulement les enfants apprennent davantage, mais ils sont aussi visiblement plus heureux et plus motivés en dehors des cours.
Fournir des solutions durables en matière d'éducation
La recherche soutenue par le programme de Partage de connaissances et d'innovations du GPE vise à explorer, étendre et intégrer les rôles des multiples parties prenantes (y compris les responsables d'enfants, la communauté, les enseignants et les éducateurs, les établissements scolaires, les organisations de mise en œuvre et les décideurs politiques) afin d'offrir une éducation durable et de fournir des programmes de technologie de l'éducation fondés sur des données probantes.
Au Tchad, la recherche a produit des analyses et des outils pour soutenir l'adoption de Can’t Wait to Learn par les partenaires et développer son impact durable à grande échelle. Cela inclut des entretiens avec des membres clés du gouvernement et des entreprises privées, l'analyse de documents organisationnels ainsi que l’analyse des réseaux sociaux parmi les acteurs du monde technologique.
À l'aide de l'évaluation internationale des compétences en calcul, War Child et le programme de Partage de connaissances et innovations du GPE ont également analysé les acquis de plus de 800 élèves répartis dans 20 écoles de trois camps de réfugiés au Tchad : Djabal, Goz Amir et Goz Beïda.
Dans 11 de ces écoles, Can’t Wait to Learn représentait plus de la moitié des leçons de calcul chaque semaine. Dans les neuf autres écoles, l'enseignement s’est poursuivi comme avant.
Une meilleure qualité des apprentissages
Les résultats suggèrent qu'entre novembre 2021 et mars 2022, les enfants participant au programme Can’t Wait to Learn ont montré des acquis scolaires sensiblement meilleurs que ceux du groupe témoin.
- Les enfants qui ont utilisé Can’t Wait to Learn ont acquis 50 % de plus de connaissances que les enfants qui ne l’ont pas utilisé.
- Les filles ont acquis quatre fois plus de connaissances que les garçons.
- Les filles ont commencé le programme avec moins de compétences en calcul que les garçons, mais elles ont rattrapé leur retard en seulement 4 à 4,5 mois.
Ces résultats sont significatifs au regard du taux de la pauvreté des apprentissages au Tchad (incapacité à lire et à comprendre un texte simple à l'âge de 10 ans) qui s'élève à 98 % pour les enfants qui terminent l'école primaire.
Les résultats suggèrent qu'avec un soutien adéquat, les initiatives technologiques telles que Can’t Wait to Learn peuvent contribuer à combler les disparités entre les genres en matière d'enseignement et à améliorer l'enseignement des enfants réfugiés au Tchad.
En ce qui concerne la recherche au sens large, Jasmine Turner, de War Child, a mis en lumière une idée cruciale concernant les stratégies de déploiement, en soulignant qu'une approche « unique » ne peut s'appliquer universellement.
Dans certains contextes, les gouvernements adoptent volontiers les programmes technologiques, tandis que dans d'autres, les ONG et les entreprises privées sont mieux équipées pour faciliter les efforts de développement à grande échelle.
Le ministère de l'Éducation du Tchad a approuvé l’étude de War Child et a demandé aux ONG de soutenir le déploiement de Can’t Wait to Learn dans le pays.