Tchad : la technologie au service de l’apprentissage

<p>Face à la crise des réfugiés et la pression qu’elle impose au système éducatif tchadien, l'initiative de recherche menée par War Child et financée par le programme de Partage de connaissances et d'innovations du GPE, explore l'expansion de la technologie au service de l'éducation, notamment via le programme Can’t Wait to Learn (On n’attend pas pour apprendre). </p>

Tchad : la technologie au service de l’apprentissage

16-year-old student Sumaya Abdel Rahman Mahmoud Mohamad studies on a tablet, part of an EdTech program called Can’t Wait to Learn. Credit: GPE/Michael Knief
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Points clés

  • Le Tchad accueille 1,3 million de personnes déplacées, dont plus d'un million de réfugiés originaires du Soudan, de la République centrafricaine, du Cameroun et du Nigeria, et ces chiffres devraient augmenter.
  • Cette crise des réfugiés augmente la pression sur le système éducatif déjà sous-financé du Tchad.
  • Le Partage de connaissances et d'innovations (KIX) du GPE a mené des recherches sur des programmes d'usage des technologies à grande échelle pour éduquer les réfugiés, qui peuvent être utilisées dans d'autres pays confrontés à des conflits et à des situations d'urgence..
Carte du Tchad

Ce récit a été rédigé en collaboration avec le CRDI, le JRS et War Child.

Les enfants représentent 54 % de la population déplacée au Tchad. Une situation qui exerce une pression considérable sur le système éducatif du pays. En raison du financement limité dans le secteur de l'éducation, des classes surchargées et d’une pénurie d'enseignants qualifiés, des centaines de milliers d'enfants, y compris les réfugiés, ont un accès limité à l'éducation.

Saeed Farah, Secretary General of the Chadian Ministry of Education and Civic Promotion in Chad. Credit: GPE/Michael Knief
« Lorsque vous avez une importante population de réfugiés, avec près de 750 000 enfants qui frappent aux portes de votre pays, [vous pouvez] comprendre l'inquiétude qui règne aujourd'hui. »
Seid Farah
Secrétaire général du ministère de l'Éducation nationale et de la promotion civique

Pour relever ces défis, War Child, financé par le programme de Partage de connaissances et d'innovations du GPE (une initiative de collaboration entre le GPE et le Centre de recherches pour le développement international du Canada), a entrepris des recherches sur les moyens d'accroître l'impact de la technologie au service de l'éducation au Tchad, au Soudan et en Ouganda.

Le programme de Partage de connaissances et d'innovations du GPE vise à explorer comment des programmes technologiques tels que Can’t Wait to Learn peuvent être mis à l'échelle, avec pour objectif général d'améliorer la qualité de l'éducation pour les enfants réfugiés et déplacés.

Can’t Wait to Learn - Une plateforme éducative stimulante

En 2019, War Child a lancé Can’t Wait to Learn au Tchad et a introduit une plateforme éducative stimulante diffusée via des tablettes et des appareils mobiles. Cette technologie suit le programme scolaire national et est conçue pour couvrir les années de scolarité 1 à 3 (élèves âgés de 5 à 14 ans).

Elle offre aux enfants réfugiés et déplacés à l'intérieur de leur pays la possibilité de poursuivre leur parcours d'apprentissage, en progressant à leur propre rythme à l'école et chez eux, tout en obtenant des crédits au sein du système éducatif d'accueil qui leur permettent une transition plus harmonieuse vers l'enseignement formel.

  • Sumaya Abdel Rahman Mahmoud Mohamad, 14 ans, à gauche, étudiant sur une tablette.

    Crédit : GPE/Michael Knief

  • Des élèves participant à un cours dans le cadre du programme Can’t Wait to Learn, dans une école du camp de réfugiés de Djabel, dans l’est du Tchad.
    Crédit : GPE/Michael Knief

  • Saleh Omar Mohamad, enseignant, supervise les élèves qui étudient sur tablettes, dans le cadre du programme Can't Wait to Learn, dans une école du camp de réfugiés de Djabel, dans l'est du Tchad.

    Crédit : GPE/Michael Knief

Emmanuel Uwamungu, Project Lead, Can’t Wait to Learn, Jesuit Refugee Service
« Le programme Can’t Wait to Learn a pour but d'aider les enfants vivant dans des situations de conflit. Il a été conçu par les enfants eux-mêmes et s'inspire de leur quotidien. »
Emmanuel Uwamungu
Chef de projet, Can’t Wait to Learn, Service jésuite des réfugiés
Sumaya Abdel Rahman Mahmoud Mohamad - 14-year-old student
« À la maison, nous utilisons encore du papier et du crayon. Nous écrivons et nous mémorisons. Grâce à la tablette, il devient de plus en plus facile de lire et d'étudier. Ce programme est excellent et utile pour nous. »
Sumaya Abdel Rahman Mahmoud Mohamad
Élève, 14 ans

Le programme se distingue par l'implication des apprenants locaux dans sa création : War Child a organisé des ateliers dans les communautés locales avec des sessions artistiques pour que les enfants puissent partager leurs histoires et leurs idées avec des artistes locaux. Ces récits et ces dessins ont ensuite été intégrés au programme Can’t Wait to Learn, l'enrichissant ainsi du point de vue et de la créativité des enfants.

Le programme joue un rôle essentiel dans le renforcement des compétences et des connaissances fondamentales en mathématiques et en alphabétisation. Et au fur et à mesure que les élèves maîtrisent de nouvelles compétences en lecture, écriture et calcul, ils accèdent à des niveaux plus exigeants.

Reconnaître leur propre communauté et leur contexte dans le contenu de l'apprentissage est un aspect très significatif et motivant pour les enfants, ce qui explique en grande partie le succès de ce programme.

La stratégie pour l’éducation des réfugiés au Tchad pour la période 2018-2019 a mis en avant le programme Can’t Wait to Learn comme une réalisation notable dans le secteur de l'éducation.

Nour Haroun Babakar, Parent
« L'impact de ce programme sur les élèves est visible [...]. Ils ne manquent jamais un cours, surtout le jour où l'enseignement se fait via le dispositif. »
Nour Haroun Babakar
Parent d'élève et réfugiée
  • Nour Haroun Babakar, parent d'élèves, s'exprimant lors d'un entretien au camp de réfugiés de Djabal, dans l'est du Tchad.
    Crédit : GPE/Michael Knief

     

Nour a fui le Soudan en 2003 en raison d'une attaque sur la région où elle vivait. Résidant actuellement dans le camp de Djebel au Tchad avec son mari et ses enfants, elle a observé un changement positif depuis l'introduction du programme Can’t Wait to Learn.

Son fils, qui aspire à devenir comptable ou pilote, a retrouvé son enthousiasme à apprendre et il s’efforce obstinément chaque jour pour être le premier en classe. Nour a constaté un changement significatif : non seulement les enfants apprennent davantage, mais ils sont aussi visiblement plus heureux et plus motivés en dehors des cours.

  • Saleh Omar Mohamad et sa famille ont fui le Soudan pendant la guerre au Darfour. Actuellement, il enseigne aux élèves comment apprendre grâce au programme Can’t Wait to Learn.
    Crédit : GPE/Michael Knief

  • Sur la photo, l'école CEG de Djabel, le principal centre d'apprentissage pour les élèves du camp de réfugiés de Djabel, à l'est du Tchad.
    Crédit: GPE/Michael Knief

Fournir des solutions durables en matière d'éducation

La recherche soutenue par le programme de Partage de connaissances et d'innovations du GPE vise à explorer, étendre et intégrer les rôles des multiples parties prenantes (y compris les responsables d'enfants, la communauté, les enseignants et les éducateurs, les établissements scolaires, les organisations de mise en œuvre et les décideurs politiques) afin d'offrir une éducation durable et de fournir des programmes de technologie de l'éducation fondés sur des données probantes.

Au Tchad, la recherche a produit des analyses et des outils pour soutenir l'adoption de Can’t Wait to Learn par les partenaires et développer son impact durable à grande échelle. Cela inclut des entretiens avec des membres clés du gouvernement et des entreprises privées, l'analyse de documents organisationnels ainsi que l’analyse des réseaux sociaux parmi les acteurs du monde technologique.

À l'aide de l'évaluation internationale des compétences en calcul, War Child et le programme de Partage de connaissances et innovations du GPE ont également analysé les acquis de plus de 800 élèves répartis dans 20 écoles de trois camps de réfugiés au Tchad : Djabal, Goz Amir et Goz Beïda.

Dans 11 de ces écoles, Can’t Wait to Learn représentait plus de la moitié des leçons de calcul chaque semaine. Dans les neuf autres écoles, l'enseignement s’est poursuivi comme avant.

  • Une élève étudiant sur une tablette, dans le cadre du programme Can’t Wait to Learn, dans une école du camp de réfugiés de Djabel, dans l’est du Tchad.
    Crédit : GPE/Michael Knief

  • Saleh Omar Mohamad, enseignant, supervise le travail des élèves qui étudient sur tablettes dans une école du camp de réfugiés de Djabel, dans l'est du Tchad.
    Crédit : GPE/Michael Knief

Une meilleure qualité des apprentissages

Les résultats suggèrent qu'entre novembre 2021 et mars 2022, les enfants participant au programme Can’t Wait to Learn ont montré des acquis scolaires sensiblement meilleurs que ceux du groupe témoin.

  • Les enfants qui ont utilisé Can’t Wait to Learn ont acquis 50 % de plus de connaissances que les enfants qui ne l’ont pas utilisé.
  • Les filles ont acquis quatre fois plus de connaissances que les garçons.
  • Les filles ont commencé le programme avec moins de compétences en calcul que les garçons, mais elles ont rattrapé leur retard en seulement 4 à 4,5 mois.

Ces résultats sont significatifs au regard du taux de la pauvreté des apprentissages au Tchad (incapacité à lire et à comprendre un texte simple à l'âge de 10 ans) qui s'élève à 98 % pour les enfants qui terminent l'école primaire.

Les résultats suggèrent qu'avec un soutien adéquat, les initiatives technologiques telles que Can’t Wait to Learn peuvent contribuer à combler les disparités entre les genres en matière d'enseignement et à améliorer l'enseignement des enfants réfugiés au Tchad.

En ce qui concerne la recherche au sens large, Jasmine Turner, de War Child, a mis en lumière une idée cruciale concernant les stratégies de déploiement, en soulignant qu'une approche « unique » ne peut s'appliquer universellement.

Dans certains contextes, les gouvernements adoptent volontiers les programmes technologiques, tandis que dans d'autres, les ONG et les entreprises privées sont mieux équipées pour faciliter les efforts de développement à grande échelle.

Le ministère de l'Éducation du Tchad a approuvé l’étude de War Child et a demandé aux ONG de soutenir le déploiement de Can’t Wait to Learn dans le pays.

Janvier 2024.