Cameroun : intégrer les enfants réfugiés et déplacés dans le système éducatif

<p>Découvrez comment le GPE aide le Cameroun à relever les défis éducatifs auxquels sont confrontés les réfugiés, les populations déplacées internes et les communautés d'accueil en raison des crises de Boko Haram et de la République centrafricaine.</p>

Cameroun : intégrer les enfants réfugiés et déplacés dans le système éducatif

Public Primary school Mandjou 1A, East region. Credit: World Bank Cameroon
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Points clés

  • Le Cameroun compte un nombre croissant de réfugiés en provenance de la République centrafricaine et du Nigéria, ainsi que des personnes déplacées internes (PDI) en provenance de régions en proie à des conflits, dont beaucoup sont des enfants d'âge scolaire.
  • Le gouvernement s'est engagé à garantir un accès équitable à une éducation de qualité pour tous les enfants dans les communautés accueillant des réfugiés et des personnes déplacées internes.
  • Un programme financé par le GPE contribue à améliorer la qualité de l'enseignement dans 300 écoles des communautés qui accueillent des réfugiés et 200 écoles des communautés qui accueillent des enfants déplacés internes.
Carte du Cameroun

Cet article a été rédigé en collaboration avec la Banque mondiale.

En cette belle matinée ensoleillée à Mandjou, dans une petite ville de la région de l’Est du Cameroun, une longue journée d'instruction attend Florence Obossok Hend, enseignante de première année, et ses élèves de l'école primaire publique de Mandjou 1A.

Comme il n'y a pas assez de manuels pour les 129 élèves, cinq élèves doivent partager un manuel. Mais, Florence a l'habitude de faire travailler les enfants en groupes. Le véritable défi, c'est que presque 20 % des élèves sont des réfugiés.

Avant d'aller à l'école au Cameroun, de nombreux élèves réfugiés avaient été déscolarisés pendant une longue période, car ils avaient fui avec leurs familles le conflit en République centrafricaine.

Les élèves de première année ont en moyenne 6 ans, mais certains des élèves réfugiés de Florence ont 7 ou 8 ans.

Beaucoup ont oublié ce qu'ils ont appris dans leur école précédente, certains n'ont jamais été à l'école et la plupart ne parlent pas le français, qui est la langue d'enseignement à Mandjou 1A. « Il est toujours difficile, en tant qu'enseignante, de travailler avec des enfants qui, à cause de la barrière de la langue, ne comprennent pas ce que l'on attend d'eux ».

  • Florence Obossok Hend, enseignante, dans sa salle de classe à l'école primaire publique de Mandjou 1A au Cameroun.
    Crédit : Banque mondiale/O. Hebga

  • Des élèves de première année à l'école primaire publique de Mandjou 1A au Cameroun.
    Crédit : Banque mondiale/O. Hebga

Les familles des élèves de Mandjou 1A mentionnent d'autres défis auxquels leurs enfants sont confrontés en tant qu'élèves réfugiés, tels que des difficultés d'intégration, des traumatismes et l'absence des documents requis.

Alima Toudja

« Les principales difficultés rencontrées par mes enfants sont le fait de ne pas avoir d'acte de naissance [dont ils ont besoin pour poursuivre leurs études dans le premier cycle du secondaire], le manque de ressources, qui fait que mes enfants vont à l'école l'estomac vide, et les traumatismes. Mes enfants ont été témoins de la guerre et de l'assassinat de leur père. Nous avons dû fuir notre pays à pied et vivre dans un camp de réfugiés. »

Alima Toudja
Mère de 4 enfants scolarisés à l'école publique de Mandjou 1A
Paul Abdallah Kossi

« Les principales difficultés rencontrées par mes petits-enfants à l'école ont été le stress lié au fait de se trouver dans un nouvel environnement et le fait de devoir apprendre et chanter l'hymne national d'un pays étranger. »

Paul Abdallah Kossi
Grand-père de 4 enfants scolarisés à l'école publique de Mandjou 1A
Bello Mohamadou Zainoun

« Les principales difficultés pour mes enfants sont le fait de ne pas avoir d'acte de naissance [dont ils ont besoin pour poursuivre leurs études dans le premier cycle du secondaire], la difficulté de s'intégrer dans une nouvelle école et le traumatisme lié à la guerre, au fait d'avoir dû fuir notre pays et vivre dans un camp de réfugiés. »

Bello Mohamadou Zainoun
Père de 4 enfants scolarisés à l'école publique de Mandjou 1A

Réfugiés et personnes déplacées internes au Cameroun

En plus des réfugiés fuyant le conflit et l'insécurité en République centrafricaine, un afflux de réfugiés venus du Nigéria dû à la crise de Boko Haram a provoqué une crise humanitaire dans les régions de l'Est, de l'Extrême-Nord, du Nord et de l'Adamawa au Cameroun.

Les affrontements entre les forces de sécurité gouvernementales et les groupes armés dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest ont davantage fragilisé la paix, la stabilité et la fourniture de services dans le pays.

Selon le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, en août 2023, le Cameroun comptait plus de 473 000 réfugiés et 1 million de personnes déplacées internes, dont beaucoup d'enfants d'âge scolaire.

Le GPE travaille avec le gouvernement du Cameroun pour renforcer le système éducatif dans les zones touchées par la crise.

Un financement de 53,8 millions de dollars pour la période 2021-2027, mise en œuvre par la Banque mondiale, a permis d'améliorer l'environnement d'apprentissage et la qualité de l'éducation dans 300 écoles de communautés accueillant des réfugiés et 200 écoles de communautés accueillant des personnes déplacées internes.

Soutien aux écoles des communautés d'accueil

Florence Obossok Hend

« J'ai participé à une formation psychosociale pour mieux comprendre comment je devais travailler avec les enfants vulnérables. Cette formation m'a beaucoup aidée, et maintenant je sais comment leur accorder une attention particulière en classe. »

Florence Obossok Hend
Enseignante à l'école publique de Mandjou 1A, dans la région de l'Est, Cameroun

Dans le cadre du programme financé par le GPE, le gouvernement a élaboré un plan d'intervention d'urgence et un guide à l'intention des enseignants qui travaillent dans un contexte d'urgence.

En outre, 1 650 enseignants, 150 membres du personnel pédagogique et 350 membres des communautés locales ont participé à une formation sur la manière d'apporter un soutien psychosocial aux enfants réfugiés et déplacés internes.

Les écoles éligibles accueillant des personnes réfugiées et des déplacées internes ont reçu des financements en complément des allocations gouvernementales ou des contributions des parents.

Ces financements permettent de couvrir les coûts d'amélioration de l'école, tels que l'amélioration de l'accès à l'eau potable, l'installation d'une clôture de sécurité et l'achat de manuels scolaires.

À ce jour, 222 écoles primaires accueillant des réfugiés et 175 écoles primaires accueillant des personnes déplacées internes ont reçu un financement du GPE.

Josiane Nnanga

« Notre école compte 1 033 élèves cette année, dont 902 réfugiés. »

Josiane Nnanga
Directrice de l'école publique de Bindia dans la région de l'Est, Cameroun

L'école primaire publique de Bindia, située dans la région de l'Est du Cameroun, accueille les enfants réfugiés et les dispense de frais de scolarité.

La directrice de l'école, Josiane Nnanga, sensibilise beaucoup les parents réfugiés pour s'assurer qu'ils sont au courant des possibilités d'éducation offertes à leurs enfants. L'école a créé une petite ONG appelée Mother-Daughter qui encourage les mères à envoyer leurs filles à l'école.

L'école apporte également un soutien administratif aux parents des enfants réfugiés qui n'ont pas d'acte de naissance, en particulier les élèves de CM1 et CM2, car ce document est nécessaire pour poursuivre leurs études au premier cycle du secondaire au Cameroun.

  • Des élèves de 6e année de l'école primaire publique de Bindia au Cameroun.
    Crédit : Banque mondiale/O. Hebga

  • Cesar Gouye, enseignant de 6e année à l'école primaire publique de Bindia, pendant une leçon.
    Crédit : Banque mondiale/O. Hebga

L'école primaire publique anglophone de Ndogpassi 3A, située à Douala dans la région du Littoral, compte 530 élèves, dont 138 sont des personnes déplacées internes originaires des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest.

Marie Claire Kuni

« Je suis confrontée à plusieurs défis avec mes élèves déplacés internes. La plupart d'entre eux arrivent à l'école le matin le ventre vide. Certains sont traumatisés par la perte d'un parent, d'un frère ou d'une sœur, qu'ils ont peut-être vu mourir. Ils ont aussi des difficultés à lire. La formation m'a aidée à comprendre que je ne devais pas crier. Je dois les inclure dans les activités de groupe et les encourager à participer en classe. »

Marie Claire Kuni
Enseignante de CE2 à l'école publique anglophone de Ndogpassi 3A à Douala au Cameroun
  • Des élèves de 4e année de l'école primaire publique anglophone de Ndogpassi 3A à Douala au Cameroun.
    Crédit : Banque mondiale/O. Hebga

  • Des élèves de 6e année de l'école primaire publique anglophone de Bonamatoumbe à Douala au Cameroun.
    Crédit : Banque mondiale/O. Hebga

À l'école primaire publique anglophone de Bonamatoumbe à Douala, dans la région du Littoral, plus d'un quart des élèves sont des déplacés internes.

Samuel Orang Ntow, enseignant dans cette école, a 53 élèves dans sa classe de 6e année, dont 32 sont des déplacés internes. La plupart d'entre eux ont un retard à rattraper et ont du mal à se concentrer en classe.

Samuel Orang Ntow

« La formation m'a appris des techniques de sensibilisation et des activités pour impliquer les enfants. J'ai également appris à identifier les traumatismes et à utiliser le théâtre et le jeu pour leur offrir un soutien psychologique. »

Samuel Orang Ntow
Enseignant de 6e année à l'école publique anglophone de Bonamatoumbe à Douala au Cameroun

Un accès équitable à l'éducation

En plus de soutenir les communautés d'accueil des réfugiés et des personnes déplacées internes, le programme financé par le GPE aide le Cameroun à améliorer l'accès équitable à l'éducation de base dans d'autres régions défavorisées du pays.

Le gouvernement a identifié des zones prioritaires (des régions et des quartiers de grandes villes) où le taux de scolarisation est faible et où les résultats d'apprentissage sont inférieurs à ceux du reste du pays.

Les actions au niveau national comprennent le recrutement et la formation des enseignants, l'augmentation du nombre de manuels scolaires et l'amélioration de la gestion des données relatives à l'éducation. Les actions au niveau local répondent aux besoins spécifiques des écoles et des communautés.

Le Cameroun, en partenariat avec le GPE et la Banque mondiale, veille à ce que les élèves camerounais et réfugiés puissent continuer à apprendre malgré la crise qui ne cesse d'évoluer.

Décembre 2023