Pour les jeunes filles des pays en développement, ne pas savoir comment gérer ses règles peut constituer un obstacle à l’éducation. Les recherches menées par l'École des études orientales et africaines (SOAS) de l’Université de Londres démontrent que dans l’Ouganda rural, fournir aux élèves filles des produits sanitaires gratuits et des cours sur la puberté peut augmenter leur fréquentation scolaire.
La menstruation dans un contexte de pauvreté
Dans de nombreuses communautés défavorisées, la menstruation est souvent perçue comme un processus gênant, honteux et sale. Ces tabous signifient que de nombreuses adolescentes sont souvent peu préparées à avoir leurs règles et à savoir comment les gérer. Moins de la moitié des filles des pays à faible revenu ou à revenu intermédiaire ont accès aux produits élémentaires tels que les serviettes ou tampons hygiéniques, le savon et l’eau ou à des installations permettant de se changer, se nettoyer et se débarrasser des produits hygiéniques.
En Ouganda, seules 22 % des filles sont inscrites dans les établissements secondaires, comparé à 91 % dans le primaire, les filles vivant dans les zones rurales étant les moins susceptibles d’être scolarisées. Selon les chercheurs, le coût des produits d‘hygiène et les difficultés de gestion des règles jouent un rôle essentiel dans le fait que les filles n'aillent pas à l’école.
Des produits sanitaires gratuits et des cours sur la puberté peuvent améliorer la fréquentation
Un essai a été mené en partenariat avec Plan International Ouganda sur une période de 24 mois, dans huit écoles et avec 1 008 filles dans le district ougandais de Kamuli, une zone où avait été constatés un faible niveau d’apprentissage, ainsi que des disparités entre les sexes en matière de santé et d’éducation.
L’étude cherchait à savoir si la fréquentation scolaire s’améliorait lorsque les adolescentes bénéficiaient de serviettes hygiéniques réutilisables, de cours sur la santé reproductive, d’aucun des deux ou des deux ensemble. Les filles se sont ainsi vu distribuer des AFRIpads, serviettes réutilisables faites d’un tissu lavable produites en Ouganda, et des infirmières communautaires formées localement ont organisé des séances d’information sur les changements de la puberté, la menstruation et les grossesses précoces, ainsi que sur la prévention du VIH.
Les chercheurs ont constaté que sur deux ans, une meilleure prise en charge sanitaire et des cours sur la santé reproductive pour les élèves filles défavorisées semblaient améliorer la fréquentation scolaire. En moyenne, la fréquentation scolaire des filles a ainsi augmenté de 17 %, c’est-à-dire 3,4 jours par période de 20 jours.
Le projet de recherches a sensibilisé de façon significative à l’importance capitale de la fourniture à la fois de serviettes hygiéniques et de cours sur la puberté pour améliorer la fréquentation. Même en absence de ressources pour fournir des serviettes hygiéniques, les études recommandent, pour améliorer la fréquentation, l’inclusion dans le programme scolaire de cours appropriés sur la puberté intégrant la notion de genre.
Des organisations telles que l’UNICEF et l’ONG CARE ont utilisé ces données empiriques pour identifier des solutions aux obstacles à la scolarisation des filles associés à la puberté. Le projet a collaboré avec Save the Children, l’Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO), WaterAid et AFRIpads pour faire pression afin que la gestion de l’hygiène menstruelle soit intégrée comme indicateur dans les objectifs de durabilité post-2015.
D’autres collaborations s’appuient sur ces données, comme les actions menées avec Save the Children sur l’établissement d’un lien entre la distribution de produits sanitaires dans ses programmes en Afrique occidentale, et avec l’UNESCO sur une véritable programmation de cours sur la puberté et la gestion de l’hygiène menstruelle.
L’adjoint au Ministre de l’Éducation du Ghana a fait référence à ces recherches pour défendre sa décision d’allouer une partie du prêt de la Banque mondiale de 2014 au pays à la fourniture de serviettes aux élèves filles qui en ont besoin. Samuel Okudzeto Ablakwa a ainsi déclaré que lorsque les adolescentes ne pouvaient pas s'occuper correctement d’elles-mêmes en période de menstruation, cela avait un impact sur leur assurance et finissait pas les exclure de l’école.
L’hygiène féminine à l’ordre du jour au niveau mondial
L’équipe de chercheurs continue d’utiliser ces résultats afin de plaider pour la promotion de l'hygiène féminine à l’ordre du jour du programme mondial de développement. Les constats présentés dans les documents préparatoires destinés aux indicateurs du programme de suivi conjoint de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS)/UNICEF pour la gestion de l’hygiène menstruelle sont cités dans le rapport de l’UNESCO sur l’éducation à la puberté & la gestion de l’hygiène menstruelle, qui vise à promouvoir l’éducation sexuelle comme partie intégrante d'une éducation à la santé basée sur les compétences et destinée aux jeunes.
L’impact de ces recherches peut potentiellement aborder le bien-être psychosocial, la dignité, le confort et la capacité de gérer ses règles sans honte, des aspects tous essentiels pour les filles concernées par le défi de la menstruation dans un contexte de faible revenu.
Ce blog a été rédigé au nom de l’Initiative sur l’impact pour la recherche en matière de développement international. Cette initiative cherche à mettre en rapport des décideurs politiques et professionnels et la recherche de niveau mondial en sciences sociales soutenue par le Partenariat stratégique entre le Conseil de la recherche économique et sociale et le DFID, en optimisant l’accueil et l’influence des études du Fonds commun pour la recherche en matière de lutte contre la pauvreté et du Programme d’amélioration des résultats de l’apprentissage dans les systèmes éducatifs.
Lire l'histoire complète