Sortir de notre bulle pour transformer le financement de l’éducation

Un nouveau rapport d'ActionAid International montre l'ampleur de la transformation qui pourrait être réalisée si l’on mettait en œuvre les recommandations du Sommet sur la Transformation de l'éducation sur la fiscalité, la dette et l'austérité dans 89 pays partenaires et éligibles du GPE.

14 septembre 2023 par David Archer, ActionAid International
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Lecture : 4 minutes
Une élève de CP à l'école primaire Arapaima à Lethem, dans la région 9 au Guyana. Crédit : GPE/Kelley Lynch
Une élève de CP à l'école primaire Arapaima à Lethem, dans la région 9 au Guyana.
Credit: GPE/Kelley Lynch

Ce blog a été initialement présenté sur le World Education Blog.

Il y a un an, le Sommet sur la transformation de l’éducation (TES) réunissait un nombre inédit de chefs d’État autour des enjeux de la crise de l’éducation, marquant ainsi le premier rassemblement de cette envergure jamais consacré à l’éducation.

J’étais le coordinateur des parties prenantes pour le volet financier du sommet. À ce titre, j’ai participé à la rédaction et à l’édition du document de travail sur le financement, qui a bénéficié de la contribution de 193 États membres des Nations Unies.

Ce document a conduit à l’élaboration d’un Appel à l’action sur le financement de l’éducation , approuvé par le Secrétaire général des Nations Unies et lancé lors du Sommet, le 19 septembre 2022.

Un an plus tard, il apparaît clairement que la réalisation de ce programme de financement porteur de transformation sera essentielle pour atteindre l’Objectif de développement durable relatif à l’éducation d’ici à 2030.

Mais pour réaliser les avancées décisives nécessaires, la communauté éducative, aux niveaux national et international, doit sortir de sa bulle et s’engager dans un dialogue et une action beaucoup plus stratégiques autour de trois aspects essentiels : la justice fiscale, la justice de la dette et l'abandon du recours par défaut à des mesures d’austérité.

Acteur mondial le plus influent dans le domaine de l’éducation, le Partenariat mondial pour l'éducation (GPE) associe les ministères de l’Éducation des pays à faible revenu à l’ensemble des partenaires investis dans ce secteur : bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux, représentants de la société civile, syndicats d’enseignants, secteur privé et fondations.

Une nouvelle étude publiée aujourd’hui montre l’ampleur de la transformation qui pourrait être réalisée grâce à la mise en œuvre des recommandations du TES sur la fiscalité, la dette et l’austérité dans 89 pays partenaires ou éligibles au GPE.

Prendre des mesures pour augmenter les recettes fiscales

En ce qui concerne la fiscalité, le volet financier du TES appelle à une action nationale visant à « accroître la marge de manœuvre budgétaire en faveur de l’éducation » et à « atteindre un ratio impôts/PIB adéquat ».

Le TES a également lancé un appel pour un appui international afin de « donner la priorité aux actions mondiales sur la fiscalité qui soutiennent les réformes internationales »

Notre nouvelle étude montre que les pays partenaires du GPE perdent chaque année plus de 47 milliards de dollars en recettes fiscales potentielles, en grande partie à cause de l’évasion fiscale pratiquée par les entreprises et les particuliers les plus riches.

L'étude révèle également que 70 % des pays partenaires du GPE ont un faible ratio impôts/PIB (moins de 20 %), ce qui signifie qu’ils ont du mal à collecter suffisamment de recettes pour assurer l’éducation universelle.

Si ces pays augmentaient leur ratio impôts/PIB de cinq points de pourcentage (ce qui est jugé réaliste dans un document de référence du FMI sur le financement du développement durable), ils pourraient lever 455 milliards de dollars supplémentaires.

De plus, si une part équitable de cette somme était affectée à l’éducation, ces pays pourraient mobiliser plus de 93 milliards de dollars pour ce secteur chaque année. Cela suffirait à transformer le financement de l’enseignement public en couvrant, par exemple, les coûts de l’enseignement primaire pour plus de 88 millions d’enfants.

Réduire le poids de la dette pour allouer davantage de fonds à l’éducation

En ce qui concerne la dette, le document du TES sur le financement appelle à une action urgente : « Il ne fait aucun doute qu'il est urgent d'accélérer les actions de renégociation de la dette, voire d'annulation de la dette des pays en crise d’endettement. Tout gouvernement qui dépense plus pour le service de la dette que pour l’éducation doit être considéré comme prioritaire. »

La nouvelle étude montre que 90 % des pays étudiés sont confrontés à la menace du surendettement (soit qu’ils sont déjà surendettés, soit qu’ils présentent un risque élevé ou modéré de le devenir), ce qui limite sérieusement les fonds disponibles pour l’éducation.

De fait, il est choquant de constater que 25 pays dépensent plus pour le service de leur dette extérieure que pour l’éducation. Pourtant, même dans ces pays, l’éducation n’est toujours pas prise en compte dans les négociations nationales sur la dette — et l’éducation n’a toujours pas voix au chapitre dans les discussions mondiales sur la crise de la dette.

Le GPE a commencé à reconnaître l’importance d’une action sur la dette avec la création de l’outil de financement Debt2Ed, mais un engagement stratégique beaucoup plus important est nécessaire dans chaque pays où l’ampleur du service de la dette limite les dépenses en matière d’éducation.

La réduction des dépenses publiques limite les budgets de l’éducation

En ce qui concerne l’austérité, l’Appel à l’action du TES sur le financement a exhorté « le Fonds monétaire international (FMI) et les autres institutions financières internationales à supprimer les obstacles existants, tels que les contraintes salariales du secteur public, qui empêchent l’augmentation des dépenses dans l’éducation ; et à promouvoir des politiques qui permettront un nouveau recrutement significatif d’enseignants professionnels là où il y a des pénuries ».

Mais les dernières données montrent que 75 % des pays prévoient de réduire les dépenses publiques globales en pourcentage du PIB au cours des trois prochaines années.

En outre, sur les 36 pays pour lesquels des études approfondies ont été menées pour examiner les préconisations du FMI, 67 % se sont vu conseiller de réduire la masse salariale du secteur public et 28 % de la geler.

Ces mesures bloquent directement le recrutement de nouveaux enseignants, même dans les pays qui connaissent de graves pénuries, et compriment les salaires des enseignants, même lorsque ces derniers sont faiblement rémunérés. Pourtant, le FMI ne s’engage toujours pas dans un dialogue systématique avec les acteurs de l’éducation afin de se pencher sur les effets de ses conseils sur l’éducation.

Tous les acteurs de l’éducation doivent prendre des mesures audacieuses

Tout cela doit changer ! Un an après le TES, nos derniers travaux (publiés dans la note d’orientation Breaking Out of the Education Bubble) montrent clairement qu’une action stratégique sur la politique fiscale, l’endettement et les dépenses publiques est essentielle pour tout gouvernement résolu à atteindre ses objectifs en matière d’éducation.

Les gouvernements doivent utiliser tous les outils à leur disposition pour mettre en œuvre des réformes fiscales progressives, promouvoir une justice de la dette et abandonner les politiques d’austérité.

Mais l’action nationale doit être renforcée au niveau international. Nous demandons instamment à tous les partenaires du GPE, conformément à ses ambitions stratégiques, de tirer parti de la puissance de son partenariat pour la transformation du système, de sortir des sentiers battus et de s’engager dans les directions audacieuses proposées lors du TES.

Le GPE, en tant que partenariat le plus important pour l’éducation, doit soutenir à la fois les actions nationales et les réformes internationales pour réaliser ce programme de transformation.

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