Les prothèses auditives distribuées à Tracy et à ses camarades de classe ont été achetées dans le cadre du Projet pour l'efficacité des enseignants et des écoles en Ouganda (UTSEP) financé à hauteur de 100 millions de dollars par le Partenariat mondial pour l'éducation et supervisé par la Banque mondiale.
Aidé par l'UNICEF, le gouvernement a pu conclure un partenariat avec la Fondation Starkey, afin que cette dernière mène un recensement à l’échelle nationale des apprenants malentendants. Des prothèses auditives ont été ainsi distribuées à 1 554 élèves de 296 écoles primaires dans 79 districts de l'Ouganda par le gouvernement.
La Fondation a également formé 24 animateurs à l’identification des personnes souffrant de pertes auditives et à une meilleure prise en charge de celles-ci, ainsi que de leurs enseignants et leurs parents. Les animateurs ont également reçu du matériel pouvant leur permettre de réaliser des tests auditifs, incluant notamment un kit de dépistage des problèmes auditifs et un kit de montage des prothèses auditives. Les kits comprennent des audiomètres de diagnostic, la tympanométrie et des appareils de mesure des otoémissions acoustiques, le tout accompagné d’accessoires à placer dans les hôpitaux de référence pour répondre aux besoins de davantage de patients.
Environ 2,5 millions d'enfants en Ouganda vivent avec une forme de handicap, selon une évaluation réalisée en 2014 par l'UNICEF. Cependant, il n'y existe pas de données sur le nombre d'enfants sourds et encore moins sur leur niveau d'alphabétisation.
L'Ouganda est l'un des pionniers en Afrique subsaharienne en termes de définition de l'objectif d'atteindre l'accès universel à l'éducation de base. Après l'introduction du projet d'éducation primaire universelle (EPU) en 1997, le taux de scolarisation dans le primaire a rapidement augmenté, passant de 2,5 millions d'élèves en 1996 à 8,3 millions en 2015. Mais, si l'expansion de l'enseignement primaire a été favorable aux pauvres et a considérablement amélioré l'accès à l'enseignement primaire pour les enfants qui n’y avaient pas accès jusque-là, cela n’est pas encore le cas pour les enfants handicapés. Il s'agit notamment des enfants atteints de dystrophie musculaire, de sclérose en plaques, d'épilepsie, de trisomie 21, d'autisme, de dyslexie, de troubles du comportement, de troubles bipolaires, de trouble oppositionnel avec provocation ; et d’enfants aveugles, malvoyants et sourds, entre autres.
Les enfants ayant des besoins spéciaux ont accès à l'éducation dans trois types d'écoles en Ouganda : les écoles spécialisées, les unités rattachées à des écoles ordinaires et les écoles inclusives, ouvertes à tous les enfants, handicapés ou non. On y dénombre actuellement 17 écoles spécialisées, 84 unités rattachées à des écoles ordinaires et 27 écoles inclusives au niveau du primaire. Dans le secondaire, on compte cinq écoles spécialisées, 10 unités rattachées et 26 écoles inclusives.
Monica Kisambira, cheffe du département des besoins spéciaux à l'école de la Seeta Church, a déclaré qu'elle avait des difficultés à communiquer avec les enfants malentendants. Bien qu’elle soit spécialisée dans les déficiences visuelles, elle a dû apprendre la langue des signes pour répondre au nombre élevé d'enfants sourds à l'école. Le sous-financement des départements spécialisés dans de nombreuses écoles signifie qu'ils n'ont pas suffisamment d'enseignants formés ou de matériel scolaire et de matériel pédagogique pour être efficaces.
« Nos enfants ici sont très brillants mais ont des besoins urgents », a déclaré Kisambira. « Le département ne compte que quatre enseignants et quelques parents qui viennent se porter volontaires. J'invite le grand public à aller apprendre la langue des signes car, le handicap n'est pas une incapacité. »
Bien que la politique de l'EPU ait contribué à améliorer l'accès à l'enseignement primaire, cela n'a pas amélioré les résultats d'apprentissage. Seuls 6 % des élèves en Ouganda peuvent lire un paragraphe à la fin de la quatrième année du primaire (P4), ce qui est bien en deçà des autres pays de la région. Les compétences en numératie sont également médiocres - seulement 2 % des élèves peuvent résoudre un problème mathématique simple et adapté à leur âge d'ici la fin de la P4. Ce chiffre est bien inférieur comparé à ceux du Kenya et de Tanzanie, qui sont respectivement de 10 % et 9 %.
En Ouganda, la politique relative à l’éducation inclusive fait actuellement l'objet d'un examen. Negris Onen, responsable de l’éducation inclusive et de celle des enfants à besoins spéciaux, note qu'il existe plusieurs défis en ce qui concerne l’éducation inclusive et à celle des enfants à besoins spéciaux.
« Nous renforçons les capacités grâce à des formations, à l'achat d'appareils et accessoires auditifs fonctionnels certes, mais nous devons admettre que les chiffres sont importants », declare-t-il au Daily Monitoren juin.
« La Constitution ougandaise stipule que le financement public de l’éducation inclusive et celle des enfants à besoins spéciaux devrait représenter 10 % du budget de l'éducation », affirme Diana Sekaggya-Bagarukayo, spécialiste de l'éducation au Bureau de la Banque mondiale en Ouganda. « Cependant, il s'élève actuellement à 0,1 %, ce qui indique qu'il faut faire plus pour financer l'enseignement et l'apprentissage des apprenants handicapés. »
La dernière mise à jour du profil économique de l’Ouganda (en anglais) par la Banque mondiale recommande d’augmenter les dépenses publiques liées à l’éducation pour améliorer la scolarisation et la qualité de l’enseignement dans les écoles ougandaises, afin d’accroître ainsi le capital humain nécessaire pour soutenir la productivité et la croissance économique.
Le rapport indique que le gouvernement doit augmenter ses dépenses liées à l'éducation des 10 % actuels pour correspondre à la moyenne subsaharienne de 16 %, afin de tirer pleinement parti du développement de son potentiel humain, ce qui est essentiel pour que les pays augmentent leur productivité dans le but d'accroître leurs économies et améliorer le bien-être de leurs citoyens.
Selon l’indice du capital humain de la Banque mondiale (en anglais), une enfant née en Ouganda aujourd’hui ne sera qu’à 38 % de son potentiel productif lorsqu’elle aura grandi qu’elle ne l’aurait été si elle avait bénéficié d’une éducation complète et d’une bonne santé.
En Ouganda, un enfant bénéficie en moyenne de sept ans de scolarisation à l'âge de 18 ans, contre 8,1 pour ses égaux vivant dans d’autres pays de la région. Cependant, les années d’apprentissage réelles ne sont que de 4,5, 2,5 années étant considérées comme « gaspillées » du fait de la mauvaise qualité de l’éducation. Les enfants ayant des besoins spéciaux comme Tracy sont plus susceptibles de perdre leurs années d’apprentissage s’ils ne reçoivent pas l’attention « spécifique » qu’ils méritent pour avoir une chance juste de réussir.