« L’éducation consiste à allumer une flamme, et non pas à remplir un vase. » (Socrate)
Ce texte est le quatrième blog publié en 2018 dans le cadre de la collaboration entre l’Association pour le développement de l’éducation en Afrique (ADEA) et le Partenariat mondial pour l’éducation (GPE) qui a débuté en 2017.
Quel rôle les pays africains joueront-ils lorsque les technologies de pointe seront pleinement intégrées ? Ces techniques creuseront-elles le fossé technologique existant ou seront-elles une occasion sans précédent ? Ces interrogations figuraient parmi les principales questions posées durant la table ronde organisée à l’ouverture du Forum africain sur les compétences des jeunes et les entreprises à l'ère numérique, qui s’est déroulé à Tunis le mois dernier.
D’un côté, la robotique, la réalité virtuelle et l’intelligence artificielle peuvent constituer une menace pour les emplois existants sur un continent qui peine déjà à créer suffisamment de postes de travail. De fait, on prévoit que 80 % des emplois actuels disparaîtront durant les 25 prochaines années. D’un autre côté, ces nouvelles technologies façonnent un monde qui s’enrichit de nouveaux services et de nouvelles solutions qui n’existaient pas auparavant. Ce faisant, elles créent de nouveaux emplois et de nouvelles fonctions.
Aujourd’hui, les jeunes entrepreneurs n’hésitent pas à exploiter la puissance des technologies émergentes pour trouver des solutions aux problèmes de notre époque. Même lorsque les systèmes éducatifs officiels ne peuvent les former à toutes les dernières tendances, ils trouvent le moyen d’acquérir les connaissances et les compétences dont ils ont besoin pour réaliser leurs ambitions.
Divers programmes de soutien, tels que le programme de mentorat Kamilimu du Kenya, ont été créés pour aider les étudiants et combler des lacunes que le système officiel est incapable de corriger aussi rapidement. J’ai été absolument ravie de découvrir les activités de Kamilimu grâce à Chao Mbogo puis de rencontrer Ruth Waiganjo, jeune entrepreneuse du secteur technologique qui a participé au programme de mentorat et reçu le titre de Ms. Geek Africa 2017 (« l’as en informatique ») durant l’édition 2017 du Sommet pour la transformation de l’Afrique organisée à Kigali (Rwanda). Il est merveilleux de voir la nouvelle génération tirer profit des possibilités qui lui sont offertes pour mettre en œuvre de sérieuses initiatives entrepreneuriales.
L’éducation traditionnelle face aux nouvelles technologies
Le rôle du système d’éducation évolue depuis des années et la nécessité de trouver des solutions pour remplir le rôle de l’éducation traditionnelle se fait de plus en plus pressante.
Naguère, les écoles étaient l’endroit où l’on pouvait acquérir les connaissances disponibles et nécessaires pour toute la vie, mais, en raison de la rapidité du développement des technologies, il est de plus en plus difficile pour les établissements scolaires de rester informés des dernières connaissances.
L’éducation traditionnelle s’adapte mal au dynamisme du monde actuel. Les grands idéaux de la prestation de services d’éducation et de la diffusion des connaissances s’étiolent durant dans la phase de mise en œuvre. Les bâtiments scolaires équipés de salles de classe et animés par des professeurs ne sont qu’une façon parmi d’autres de concrétiser la métaphore de l’« allumage d’une flamme » pour acquérir des connaissances et former les élèves pour la vie. Nous devons nous efforcer de trouver nos propres solutions en nous inspirant non pas de modèles existants mais d’un idéal plus élevé.
Les nouvelles technologies ne sont pas un moyen de dispenser les services d’éducation traditionnelle plus rapidement et de façon plus efficiente. Généralement, cette démarche ne fonctionne pas, surtout dans les endroits où les enseignants n’ont pas appris à réinventer leur rôle d’éducateur. Dans la plupart des cas, malheureusement, la formation des enseignants se limite essentiellement à une formation technique à l’utilisation d’outils alors que l’enseignement de pédagogies qui leur permettraient d’adapter leur travail aux compétences du XXIe siècle reste pratiquement inexistant.
La formulation de processus d’application des technologies à l’enseignement et à l’apprentissage est beaucoup plus importante que l’outil lui-même.
Les technologies sont souvent considérées comme un instrument permettant de développer l’éducation à plus grande échelle et comme une solution au problème de l’éducation de masse. La difficulté, toutefois, ne se situe ni dans le nombre ni dans la nouveauté des instruments dont disposent les écoles. L’important est la manière dont on utilise ces outils et l’objectif qu’on leur assigne.
Tant que l’éducation demeurera un cheminement intrinsèque à chaque être humain, il ne sera pas possible de la standardiser ni de la placer dans une boîte ou un appareil. L’interaction humaine qui se produit durant les processus d’apprentissage reste un facteur crucial. La technologie influe certes sur ces processus, mais elle ne les remplace pas. Lorsqu’on oublie cette vérité essentielle, les écoles, au lieu d’« allumer une flamme » dans chaque élève, se réduisent à des usines qui « remplissent des navires ».
La clé réside dans la création d’un environnement propice à l’enseignement et l’apprentissage des TIC
Le forum a évoqué aussi la nécessité de créer des conditions propices à l’adoption de nouvelles technologies. Lorsque celles-ci se développent rapidement, il est très difficile de modifier les systèmes d’éducation et les programmes d’enseignement pour les adapter à l’ensemble des nouvelles solutions.
En revanche, les conditions qui permettent aux élèves de découvrir et d’essayer de nouvelles technologies avec souplesse, conjuguées à des activités de recherche et des programmes de promotion de l’entreprenariat, devraient donner les résultats recherchés. De tels programmes existent déjà en dehors des systèmes d’éducation formelle.
À l’heure actuelle, 314 plateformes technologiques, situées dans 93 villes et 42 pays, sont en activité en Afrique. Elles forment des entrepreneurs auxquels les technologies émergentes ouvrent d’innombrables possibilités.
À l’avenir, ces plateformes tendront certainement à se rapprocher des instituts d’éducation tertiaire et les travaux de recherche à se combiner avec les nouvelles initiatives entrepreneuriales. La principale tâche de tous les systèmes d’éducation devrait être de créer les conditions favorables à l’apprentissage et d’aider les élèves à découvrir leurs atouts et leurs passions pour construire leur vie.
L’intégration des TIC dans les systèmes d’éducation africains se heurte à de véritables difficultés. Il n’y a pas assez d’enseignants pour permettre aux élèves d’acquérir des compétences mêmes élémentaires et le secteur de l’éducation manque sérieusement de ressources.
À l’issue du forum, toutefois, l’atmosphère générale était positive. La principale conclusion de cette rencontre est la nécessité de former les enseignants et les élèves aux techniques numériques — les compétences du XXIe siècle — et d’intégrer la science, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques dans les systèmes africains d’éducation et de formation en accordant une attention particulière aux filles et aux femmes.
Les jeunes entrepreneurs qui ont participé au forum ont clairement démontré que les opportunités de cette nouvelle ère leur sont familières et suscitent l’enthousiasme de leur génération. Ces entrepreneurs nous rappellent fort bien pourquoi les éducateurs se lèvent chaque jour pour se rendre au travail : pour aider des enfants à faire tout leur possible et à réussir, en créant les conditions nécessaires à leur épanouissement, car, pour reprendre la formule de Socrate, « l’éducation consiste à allumer une flamme, et non pas à remplir un vase ».