Chaque jour, 41 000 filles sont mariées avant l’âge de 18 ans. Au total, 15 millions de filles par an subissent le même sort. Quels sont les impacts économiques et les coûts du mariage précoce, et quel est le rapport entre cette pratique et le niveau de scolarisation des filles ?
Une nouvelle étude (en anglais) de la Banque mondiale et du Centre international de recherche sur les femmes (CIRF) portant sur les impacts économiques du mariage précoce suggère d’importants impacts négatifs sur un vaste ensemble de résultats en matière de développement. Des impacts négatifs non seulement pour les jeunes filles mariées, mais également pour leurs enfants et l’ensemble de la société. Cette étude a bénéficié du soutien de la Fondation Bill & Melinda Gates, la Fondation de Fonds d’investissement pour l’enfant (CIFF) et le Partenariat mondial pour l’éducation.
Le mariage précoce entraîne une croissance démographique et un enracinement de la pauvreté
Des analyses détaillées ont été menées dans 15 pays, avec certaines extrapolations sur les impacts et les coûts du mariage précoce pour plus de 100 pays en développement.
Au niveau mondial, le mariage précoce devrait coûter d'ici 2030 l’équivalent de billions de dollars aux populations des pays en développement.
Les impacts les plus significatifs en termes de coûts économiques sont dus à la fertilité et à la croissance démographique. Le mariage précoce signifie que les filles ont des enfants plus tôt et en ont davantage au cours de leur vie. Cela réduit donc la capacité du ménage à satisfaire ses besoins élémentaires et contribue ainsi à une plus grande pauvreté. Mettre un terme aux mariages précoces entraînerait d’importants bénéfices en termes de bien-être, grâce à une réduction de la croissance démographique qui permettrait de tirer parti du dividende démographique.
Le mariage précoce rend l’achèvement des études quasiment impossible pour les filles
La relation entre le mariage précoce et le niveau de scolarité des filles est étroite.
Dans la plupart des pays en développement, il est extrêmement difficile pour les filles de poursuivre leurs études une fois mariées.
En conséquence, le mariage précoce réduit pour les filles les possibilités d’achèvement de leurs études secondaires. Ceci apparaît clairement lors des enquêtes auprès des ménages dans les questions posées aux parents sur les raisons du décrochage scolaire de leur fille. Le mariage est souvent une des raisons, si ce n’est la raison principale de l’abandon de l’école par les adolescentes.
On parvient à une conclusion similaire lors de l’étude économétrique de la relation entre le mariage précoce et le niveau de scolarité. Ses effets sont considérables. Chaque année de mariage précoce pour une fille (c’est-à-dire avant l'âge de 18 ans) correspond à une réduction de la probabilité d’achèvement du cycle secondaire de quatre à dix points de pourcentage selon le pays ou la région. Ceci entraîne pour les jeunes filles mariées des revenus moindres à l’âge adulte puisque leur faible niveau d’études les empêche d’obtenir un bon emploi. En outre, le mariage précoce, en limitant le niveau d’éducation des jeunes mariées, réduit également les perspectives d’éducation pour leurs enfants.
La bonne nouvelle, c’est qu’en revanche, le maintien des filles à l’école est souvent le meilleur moyen de retarder le mariage.
Ce constat provient de la documentation relative aux interventions réussies pour retarder l'âge du premier mariage. Il apparaît également dans les estimations empiriques menées pour cette étude. Ces estimations suggèrent que sur les 15 pays ciblés par ces analyses empiriques, chaque année d’études secondaires supplémentaire réduit, pour les filles, de cinq à six pourcents en moyenne la probabilité d’un mariage précoce et d’un premier enfant avant l'âge de 18 ans.
Il faut en finir avec le mariage précoce
Cette étude offre ainsi un argumentaire économique clair en faveur de la fin des mariages précoces. Le mariage précoce n’est pas seulement un problème social aux conséquences potentiellement dramatiques pour les jeunes épouses et leurs enfants. Il s’agit également d’un problème économique qui affecte les capacités de croissance et de réduction de la pauvreté des pays. En outre, l’étude suggère un moyen pour mettre fin à la pratique du mariage précoce : maintenir les filles à l’école.
Et ensuite ? Avec le soutien du GPE, deux autres études sont en préparation par l’équipe de la Banque mondiale. La première tentera d’estimer les bénéfices d’investissements dans l’éducation des filles en utilisant une approche semblable à celle utilisée pour l’estimation des coûts économiques du mariage précoce.
La seconde étudiera plus largement le rôle du capital humain dans l’évolution de la richesse des nations. Les premiers constats suggèrent que le capital humain constitue la composante la plus large de la richesse des nations, avant le capital produit et le capital naturel.
Il reste à espérer qu’ensemble, ces trois études sur (1) les impacts économiques de mariage précoce, (2) les bénéfices des investissements dans l’éducation des filles et (3) le capital humain et la richesse des nations, contribuent à plaider pour une augmentation des investissements dans l'éducation.
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