En juin 1994, les représentants de 92 gouvernements et 25 organisations internationales se sont réunis à Salamanque, en Espagne pour la Conférence mondiale sur les besoins éducatifs spéciaux . Co-organisée par l’UNESCO et le Gouvernement d’Espagne, la Conférence de Salamanque a réaffirmé le droit à l’éducation de chaque individu et renouvelé l’engagement pris à la Conférence mondiale sur l'éducation pour tous de 1990 . Le Cadre d'action pour l'éducation et les besoins spéciaux de Salamanque adhère au principe que les écoles ordinaires devraient accueillir tous les enfants, quel que soit leur condition physique, intellectuelle, sociale, psychologique ou autre.
Exactement 20 ans plus tard, le Partenariat mondial pour l’éducation organise sa Deuxième Conférence pour les annonces de contribution à la reconstitution de ses ressources à Bruxelles, en Belgique. Parrainée par l’Union européenne, la conférence organise un événement parallèle sur « l’éducation inclusive pour les enfants handicapés ». À l'approche du délai fixé pour la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement visant à « garantir, d'ici 2015, à tous les enfants du monde, garçons et filles, la possibilité d'achever un cycle d'enseignement primaire complet », la Conférence de reconstitution des ressources du Partenariat mondial est l’occasion de dresser le bilan des progrès accomplis depuis Salamanque.
Dans le monde, 57 millions d’enfants demeurent non scolarisés. Sur ces enfants, des millions ont un handicap. Sans eux, l’Éducation pour tous ne se fera pas.
Des politiques d’éducation inclusive insuffisantes
Dans les années qui ont suivi, de multiples rapports et documents ont fourni les orientations d’une politique et d’une mise en pratique de l'éducation inclusive, ainsi qu'analysé les avancées réalisées et les obstacles rencontrés. En 2007, World Vision (Royaume-Uni), avec un financement du Département pour le développement international du Royaume-Uni (DFID), a publié un rapport intitulé Education’s Missing Millions: Including Disabled Children in Education through EFA FTI processes and National Sector Plans (auquel j’ai emprunté le titre de ce blog).
Le rapport analysait les plans sectoriels de l’éducation dans 28 pays mis en œuvre avec l’aide de l'Initiative Fast-Track du programme Education pour tous (devenu le Partenariat mondial pour l’éducation en 2011), afin d’examiner la politique d’inclusion des enfants handicapés.
Selon le rapport, les politiques et dispositions en faveur des enfants handicapés demeuraient superficielles ou n’étaient pas mises en œuvre.
Les principales lacunes identifiées étaient : le manque de données ; une planification insuffisante dans la gamme de mesures requises pour améliorer le service ; peu de prévision financière des coûts ou de l’utilisation des mécanismes de financement et incitations en faveur de l'inclusion ; des approches limitées à des partenariats avec les parents, les communautés et les organisations non gouvernementales ; de faibles liens interministériels.
Il faut s’attaquer aux barrières qui empêchent la scolarisation des enfants handicapés
Les conclusions du rapport Education’s Missing Millions sont encore vraies aujourd’hui : très peu de pays en développement ont réussi à passer de la politique à la pratique à grande échelle en termes d’accès équitable à une éducation de qualité pour les enfants handicapés. Beaucoup d’obstacles et de contraintes existent : les pratiques culturelles stigmatisant les personnes handicapées continuent d'empêcher les enfants d’aller à l’école, les établissements ne sont pas accessibles aux enfants à mobilité réduite, à la fois dans les bâtiments et au sein du complexe scolaire alentour, et des millions d'enseignants manquent de formation adéquate et de soutien pour reconnaître et répondre aux besoins d'apprentissage individuels de leurs élèves, encore moins ceux dont les besoins sont particuliers.
Au cours des deux dernières décennies, nombreux sont les arguments contre l'éducation inclusive des enfants handicapés que j’ai entendus : « Ces enfants ont des besoins que les écoles normales et les enseignants ne peuvent satisfaire » ; « il est trop coûteux de créer des écoles et des classes spéciales alors que le système n'est même pas capable de répondre aux besoins des enfants 'normaux’ », etc.
Les leçons de ce qu’il ne faut pas reproduire
Lenah Saleh, qui a mené le travail de l’UNESCO sur le handicap à l’époque de la Conférence de Salamanque, a dit un jour à un groupe que nous avions réuni pour un atelier sur l'éducation inclusive en Éthiopie, que l’Afrique avait l’opportunité unique de ne pas s’embarquer sur la voie coûteuse et inefficace de l’inclusion choisie par l’Europe, mais plutôt d'en tirer les enseignements et de prendre un chemin plus direct en évitant la création de services coûteux et séparés pour les enfants handicapés.
Si les enseignants sont formés, encouragés sur la voie de l’autonomie et soutenus pour répondre aux besoins individuels d’apprentissage des enfants, si les écoles sont des communautés inclusives qui fournissent un appui et un encouragement, si les communautés se mobilisent pour accueillir tous les enfants à l'école, si la société civile et les gouvernements œuvrent ensemble pour permettre des services d’identification et de rééducation précoces pour les enfants handicapés, et si la communauté internationale fournit les ressources et le soutien nécessaires pour que tout cela se produise, alors l’accès équitable à une éducation de qualité pour les enfants handicapés peut devenir réalité.
Le Rapport mondial sur le handicap de 2011 publié par l’Organisation mondiale de la santé et la Banque mondiale envisage ce type d’approche pour réunir les efforts des multiples parties prenantes. Le rapport suggère différentes étapes pour que les gouvernements, la société civile et les organisations de personnes handicapées unissent leurs forces pour créer des environnements et des services favorables aux personnes handicapées.
L’éducation inclusive à la Conférence de reconstitution des ressources du Partenariat mondial
Depuis le rapport Education’s Missing Millions, le Partenariat mondial s'est développé et connaît un nouvel élan, avec 59 pays membres et une nouvelle structure de gouvernance qui comprend une plus large représentation qu’auparavant. C’est ce type de partenariat qui est nécessaire à tous les niveaux (de l'école, du district, national et international) pour pouvoir faire, enfin, des promesses de Salamanque une réalité. L’événement sur l’éducation inclusive à la Conférence de reconstitution des ressources sera l’occasion de dresser le bilan des avancées et des enseignements tirés depuis Salamanque tout en réaffirmant le droit pour tous les enfants, y compris handicapés, à être scolarisés et à apprendre.