Les enseignants pris pour cible
Les attaques contre les enseignants et autres éducateurs sont une tactique extrêmement répandue en temps de conflit. Et c'est une menace grave pour l’éducation. La Coalition mondiale pour la protection de l’éducation contre les attaques (GCPEA) a publié un rapport qui décrit comment les enseignants ont été pris pour cible dans des conflits armés à travers le monde et indique différents moyens de les protéger.
21 août 2014 par Diya Nijhowne
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Lecture : 9 minutes
Le bureau d'un enseignant, couvert de débris (c) Mike Bitzenhofer

Les attaques contre les enseignants et autres éducateurs sont une tactique de guerre extrêmement répandue qui pose une menace grave pour l’éducation. Dans une étude publiée récemment, Protéger le personnel de l’éducation contre des attaques ciblées dans les pays touchés par un conflit, la Coalition mondiale pour la protection de l’éducation contre les attaques (GCPEA) décrit comment les enseignants ont été pris pour cible dans des conflits armés à travers le monde et indique différents moyens de les protéger.

Le rapport a été publié le 14 juillet 2014, à l’occasion de la Journée de Malala, pour célébrer le courage des enseignants qui font leur travail dans des communautés déchirées par la guerre et inspirent leurs élèves, tout comme Malala Yousafzai a été inspirée par son père, l’ancien directeur de son école. Le rapport s’appuie sur des entretiens menés avec des praticiens du monde entier, sur des documents d’organisations internationales et locales, et sur des recherches de terrain aux Philippines. Il met en lumière les effets dévastateurs de la violence contre les éducateurs sur les personnes, les communautés et les systèmes éducatifs.

Lorsque les enseignants et les professeurs sont intimidés, blessés, tués ou contraints de fuir, l’impact à court terme ne se limite pas aux dommages psychologiques, à la perte de revenu et au déplacement infligés aux victimes.

L’accès et la qualité de l’éducation s’en ressentent également, car le corps enseignant est affaibli et les écoles doivent fermer leurs portes. À plus long terme, les attaques peuvent dissuader les enseignants de choisir cette profession. Par exemple, selon les estimations de l’Association des enseignants du Zimbabwe, 20 000 enseignants ont quitté le pays au cours de la dernière décennie en raison de divers facteurs tels que la diminution des ressources consacrées à l’éducation et les tensions politiques, y compris des attaques ciblées contre les enseignants.

Pourquoi les enseignants sont-ils pris pour cible ?

A classroom after destructionLes motifs des attaques varient selon le contexte, mais on observe des tendances communes dans tous les pays touchés par un conflit.

Les enseignants sont pris pour cible parce qu’ils refusent de laisser les parties armées recruter des écoliers, parce qu’ils enseignent aux filles, ou parce que leurs leçons portent sur certains sujets plutôt que d’autres.

Le programme d’enseignement est également un sujet de discorde dans certaines communautés. Dans le Sud de la Thaïlande, par exemple, des séparatistes ont menacé et tué des enseignants bouddhistes dans des écoles publiques en partie parce que les écoles imposent à leur avis la culture bouddhiste et la langue thaïe aux élèves musulmans d’origine malaise.

Les enseignants sont également pris pour cible en raison de leur appartenance ethnique, de leur association avec le gouvernement ou une partie belligérante, de leurs activités politiques (certains sont recrutés comme observateurs électoraux), ou parce qu’ils militent en faveur de l’éducation. Dans les « Pays du Printemps arabe » tels que Bahreïn, l’Égypte, la Syrie, la Tunisie et le Yémen, le personnel enseignant a été pris pour cible dans le cadre de la répression des militants en faveur de la démocratie. Aux Philippines, les enseignants sont tenus de travailler dans les bureaux de vote pendant les élections, ce qui les rend particulièrement vulnérables en période électorale. Avant les élections de 2010 à Maguindanao, des inconnus armés ont assassiné le directeur et un enseignant d’une école primaire qui est régulièrement utilisée comme bureau de vote.

Un autre obstacle à l’éducation dans les pays en conflit est le fait que les écoles et les universités sont utilisées à des fins militaires par les forces armées ou les groupes armés, comme casernes, camps d’entraînement, positions de tir, armureries et centres de détention.

Cette pratique peut faire d’une école une cible militaire légitime en vertu du droit international, ce qui expose les élèves et les enseignants qu’elle abrite à des risques d’attaque par les forces d’opposition. Aux Philippines, les enseignants ont fait l’objet de harcèlement et d’attaques lorsque les écoles ont été occupées par des groupes armés, en dépit des lois nationales interdisant cette pratique.

Comment protéger les enseignants ?

Pour empêcher l’utilisation des écoles à des fins militaires, la GCPEA a organisé une vaste campagne de consultations visant à élaborer le Projet de lignes directrices de Lucens pour la protection des écoles et des universités contre l’utilisation militaire durant les conflits armés. L’objectif est d’encourager les groupes armés, étatiques et non étatiques, à adopter des pratiques responsables afin de réduire l’utilisation des locaux scolaires à des fins militaires et de minimiser les effets préjudiciables des conflits armés sur les élèves et les enseignants. Le mois dernier, le Gouvernement de la Norvège s’est engagé à prendre en charge la mise au point finale des Lignes directrices et à encourager les autres États à les adopter et les incorporer dans leur doctrine et leur formation militaires.

À ce jour, 27 pays ont publiquement exprimé leur soutien.

Les ministères et les communautés ont essayé différents moyens de protéger les enseignants durant les conflits, tels que la fourniture d’une protection matérielle, la réaffectation des enseignants dans des zones plus sûres, la négociation avec les parties armées pour obtenir leur retrait des écoles, et la promotion de lois et politiques qui assurent une meilleure protection.

Au Pakistan, par exemple, le gouvernement a accordé des indemnités de déplacement aux enseignantes pour leur permettre d’utiliser les transports en commun, qui sont plus sûrs. En 2008, en République centrafricaine, un accord a été conclu avec les rebelles pour établir des zones neutres où les enseignants et les élèves seraient en sécurité et où les enfants des groupes déplacés pourraient passer les examens scolaires. Le rapport décrit également les stratégies visant à prévenir les attaques sur le long terme, notamment des mesures de responsabilisation pour mettre fin à l’impunité des auteurs des attaques, l’adoption de lois et politiques qui protègent les enseignants, et l’élaboration de programmes et politiques d’éducation tenant compte des conflits.

Bien que certaines mesures de protection se soient avérées efficaces, elles comportent des risques. Le rapport de la GCPEA passe en revue les mesures prises et leur impact, ainsi que les principaux facteurs à considérer pour définir une stratégie de protection, compte tenu des expériences de certains pays. Les enseignements tirés visent à fournir des conseils aux praticiens et aux responsables politiques sur ce qu’ils peuvent faire pour améliorer la sécurité des éducateurs, qui mettent trop souvent leur vie en danger tout simplement parce qu’ils vont faire leur travail.
Pour en savoir plus sur la Coalition mondiale pour la protection de l’éducation contre les attaques, et l’action qu’elle mène, cliquez ici : protectingeducation.org.

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