Soudan : Aya, une soif d’apprendre malgré le déplacement
18 mars 2025 par Proscovia Nakibuuka Mbonye, UNICEF Sudan |
Lecture : 5 minutes

Un financement du GPE au Soudan, mis en œuvre par l'UNICEF, a permis d'assurer l'accès à une éducation à la fois sûre et inclusive pour les enfants affectés par les crises, y compris les filles très marginalisées.

Une autre version de ce récit a été publiée sur le site de l'UNICEF.

Pendant un cours d'anglais, Aya, 13 ans, se dirige vers le tableau avec assurance et y écrit rapidement trois phrases.

Après ne pas être allée à l’école pendant plus d'un an et demi, Aya est fière du chemin qu'elle a parcouru. Même un échec à un test antérieur ne la dissuadera pas de réaliser son rêve d'apprendre l'anglais et de devenir un jour médecin.

Il y a deux ans, lorsque sa vie a basculé à cause du conflit à Khartoum, Aya n'avait jamais imaginé qu'elle pourrait un jour retourner à l'école, et encore moins qu'elle pourrait à nouveau apprendre l'anglais, sa matière préférée.

Bien que la guerre l'ait privée de beaucoup de choses, son amour pour l'éducation reste une lueur d'espoir pour un avenir meilleur.

Un périple vers l’inconnu

Aya et sa famille vivaient à Khartoum lorsque la guerre a éclaté. Quand des balles ont frappé la maison de leur voisin, ils ont été obligés de fuir pour se mettre à l'abri.

Aya

« J’ai eu peur, mais ma sœur a été la plus affectée. Elle est tombée en état de choc et n'a pas pu parler pendant des jours. »

Aya
Élève à l'école pour filles Hai Alarab dans l'État de Kassala au Soudan

N’emportant avec eux que quelques effets personnels, dont des vêtements mouillés qu'ils venaient de laver, la famille a entamé son périple vers l'inconnu.

Aya était terrifiée par la vue des combattants, le bruit des tirs et les nombreux postes de contrôle traversés. La saison des pluies a rendu le voyage encore plus dangereux, avec le tonnerre, les éclairs et la mauvaise visibilité sur la route, mais après plusieurs heures, ils sont enfin parvenus à Kassala.

Aya est triste en pensant à ses souvenirs d'enfance qu’elle a dû abandonner, dont ses précieux albums de photos de famille : « J'ai toujours eu l'intention de partager un jour mes photos d'enfance avec mes enfants. J'aurais aimé emporter ces albums avec moi. »

Un nouveau chapitre à Kassala

La famille a entamé une nouvelle vie à Kassala. Avec ses frères et sœurs, Aya va de l'avant et s'est rapidement fait des amis.

Cependant, la guerre a privé son père, ancien chauffeur de taxi, de son gagne-pain, compromettant considérablement le bien-être de la famille.

« La nourriture était rare. Lorsque ma mère servait le petit-déjeuner, elle en gardait toujours un peu pour le dîner », se souvient Aya en évoquant ces premiers jours difficiles.

L'accès à une nourriture variée était un luxe qu'ils ne pouvaient pas se permettre. L'eau était également un problème. À Khartoum, il suffisait de tourner un robinet pour avoir de l'eau potable, mais à Kassala, Aya et ses frères et sœurs devaient parcourir les rues à la recherche de charrettes tirées par des ânes pour acheter de l'eau.

« La vie était très dure », dit-elle. « D'autant plus que nous n'allions pas à l'école. »

La peur de ne jamais retrouver les bancs de l'école

Les écoles restant fermées, Aya s'inquiétait souvent de ne jamais retourner en classe.

N'ayant pas grand-chose à faire à la maison, ses pensées dérivaient souvent vers les combats incessants, et vers les conséquences graves pour sa famille. « La guerre occupait complètement mes pensées », raconte-t-elle. « Les journées étaient longues et j'étais constamment anxieuse. »

« Est-ce que je vais pouvoir retourner à l'école ? », avait-elle demandé à son père.

Ne sachant pas très bien lui-même, il lui avait répondu : « Nous resterons ici 15 jours, puis nous rentrerons à la maison et tu retourneras à l'école. »

Mais 15 jours se sont transformés en un an et demi sans école. Comme 17 millions d'autres enfants au Soudan, Aya est restée chez elle, victime de l'une des plus graves crises de l'éducation au monde.

Plus tard, un enseignant du quartier s'est porté volontaire pour aider les enfants, dont Aya et ses frères et sœurs, à suivre des cours de rattrapage, mais c'était insuffisant.

« Nous n'avions pas de manuels scolaires. Mon père n'avait pas les moyens de nous acheter plus d'un cahier d'exercices chacun », se souvient-elle.

Une nouvelle école, un espoir renouvelé

Aya a pu être scolarisée à nouveau à l'école pour filles Hai Alarab, dans l'État de Kassala. Cette école lui a permis d’apprendre dans un environnement protégé alors que de nombreux établissements scolaires étaient fermés.

Les espaces d'apprentissage sûrs sont créés dans des lieux où la réouverture des écoles n'est ni sûre ni possible.

Ces espaces adaptés aux enfants et ouverts à tous sont mis en place en utilisant les structures communautaires existantes dans la mesure du possible ou en créant de nouveaux espaces selon les besoins.

Un financement du GPE de 10 millions de dollars (2023-2025), mis en œuvre par l'UNICEF, a permis de financer la mise en place de 365 espaces d'apprentissage sûrs.

Kassala est l'un des États ciblés par le financement du GPE, et les espaces d'apprentissage sûrs fonctionnent dans des communautés où le nombre de personnes déplacées à l'intérieur du pays est parmi les plus élevés.

Lorsque les parents d'Aya ont appris que les enfants déplacés pouvaient être scolarisés, ils se sont empressés d'inscrire Aya et ses sœurs.

L'espace d'apprentissage sûr, mis en place avec le soutien du GPE après l'éclatement du conflit, a initialement permis à 200 enfants d’accéder à l'éducation. Avec la réouverture de l'école, le nombre d’inscriptions s'est élargi à plus de 700 élèves, dont 278 enfants déplacés.

Près de deux ans après le début de la guerre, de nombreux enfants soudanais ne vont toujours pas à l’école, les filles risquant davantage d'y être exclues.

Les préoccupations en matière de sécurité, les difficultés économiques et les déplacements sont quelques-unes des raisons pour lesquelles les enfants abandonnent l'école.

De plus, les filles sont confrontées à des obstacles spécifiques pour accéder à l'éducation liés à leur genre, tels que les normes sociales liées au mariage précoce et au travail domestique.

« Retour à l'école, retour de l'espoir »

Des élèves arrivent à l'école pour filles Hai Alarab, dans l'État de Kassala, au Soudan.

Des élèves arrivent à l'école pour filles Hai Alarab, dans l'État de Kassala, au Soudan.

Credit: UNICEF/UNI756738/Nakibuuka
L'école pour filles Hai Alarab, dans l'État de Kassala, a fonctionné comme un espace d'apprentissage sûr alors que de nombreuses écoles étaient fermées en raison du conflit au Soudan

L'école pour filles Hai Alarab, dans l'État de Kassala, a fonctionné comme un espace d'apprentissage sûr alors que de nombreuses écoles étaient fermées en raison du conflit au Soudan.

Credit: UNICEF/UNI756734/Nakibuuka
Aya et ses camarades suivent les cours à l'école pour filles Hai Alarab, dans l'État de Kassala, au Soudan.

Aya et ses camarades suivent les cours à l'école pour filles Hai Alarab, dans l'État de Kassala, au Soudan.

Credit: UNICEF/UNI756795/Nakibuuka
Des élèves jouent dans la cour de l'école pendant une pause en milieu de matinée à l'école pour filles Hai Alarab, dans l'État de Kassala, au Soudan.

Des élèves jouent dans la cour de l'école pendant une pause en milieu de matinée à l'école pour filles Hai Alarab, dans l'État de Kassala, au Soudan.

Credit: UNICEF/UNI756732/Nakibuuka
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Le programme soutenu par le GPE vise à assurer la sécurité, le bien-être et l'apprentissage de tous les enfants, ainsi qu'à limiter et prendre en charge le nombre croissant d'enfants non scolarisés.

Outre l'ouverture d'espaces d'apprentissage sûrs, le programme a contribué à la réouverture de plus de 180 écoles.

À ce jour, plus de 210 000 enfants comme Aya poursuivent leur scolarité dans les États de Gedaref, de Kassala, du Nil et du Nil blanc.

L'espace d'apprentissage sûr de l'école pour filles Hai Alarab a bénéficié de subventions aux écoles financées par le GPE, contribuant à l'intégration des enfants réfugiés et déplacés dans le système éducatif.

Aisha Albukhari, la directrice de l'école qui a supervisé l'espace d'apprentissage sûr, confirme que les subventions aux écoles ont facilité les rénovations des bâtiments scolaires précédemment occupés par des familles déplacées, ainsi que les réparations du mobilier scolaire avant la réouverture.

Les enseignants et facilitateurs dévoués de l'école ont suivi une formation de spécialisation dans les méthodes d'enseignement centrées sur l'enfant et les aptitudes à la vie quotidienne, indispensables pour gérer des classes à grands effectifs. Ils perçoivent également des primes pour leur travail.

Le soutien du GPE a également permis la fourniture de matériel d'apprentissage, notamment des cahiers, des crayons, des sacs, des kits de géométrie, des craies et des guides pédagogiques.

Aya a reçu toutes les fournitures scolaires dont elle a besoin pour apprendre. Le kit de géométrie rempli de crayons et de stylos est son article préféré.

« Les enfants ici sont si gentils », dit-elle. « Lorsque je suis arrivée, la classe était pleine, mais ils m’ont fait de la place. »

Aya et sa nouvelle amie, qui porte le même prénom qu'elle, aiment jouer, étudier, faire leurs devoirs et parler de la vie ensemble. Crédit : UNICEF/UNI756794/Nakibuuka

Aya et sa nouvelle amie, qui porte le même prénom qu'elle, aiment jouer, étudier, faire leurs devoirs et parler de la vie ensemble.

Credit:
UNICEF/UNI756794/Nakibuuka

Le retour à l'école a non seulement rétabli un sentiment de normalité et une routine pour la jeune fille, mais a également contribué à son rétablissement progressif après une période sombre et incertaine. Chaque jour, elle attend le lendemain avec impatience.

Dans les circonstances extrêmes du conflit au Soudan, l'éducation offre un espoir pour l'avenir d'Aya, de sa famille, de ses camarades et de la directrice de leur école.

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