Les décideurs politiques et les militants du secteur éducatif, ainsi que les millions de jeunes d’Afrique et d’Europe qui ont toujours besoin d’avoir accès à une éducation inclusive de qualité ont raison de garder un œil sur les résultats de l’assemblée de haut niveau qui s’est tenue le mois dernier à Abidjan. C’est en effet la Côte d’Ivoire qui a accueilli les dirigeants africains et européens pour le 5e sommet de ce type les 29 et 30 novembre 2017. Organisé sous l’égide de la Coopération Afrique-Europe, une organisation grâce à laquelle les deux continents cherchent à collaborer dans des domaines d’intérêt commun, le sommet a vu émerger des propositions très intéressantes en matière d’éducation.
Trente-six jeunes représentants des millions d’autres jeunes
J’étais l’un des jeunes à assister au sommet. En fait, je n’ai pas simplement assisté au sommet, car j’ai plutôt activement participé aux événements de sa préparation. Sous le thème « Investir dans la jeunesse pour une croissance accélérée et un développement durable », le sommet, pour la première fois, a impliqué les jeunes de façon active et fondamentale, en leur demandant d'élaborer des propositions concrètes, dans le cadre de la Youth Plug-In Initiative (YPII), à soumettre ensuite à la considération des dirigeants.
Un processus de sélection compétitif a permis de choisir 36 jeunes pour représenter les millions de jeunes des deux continents. Mon action en faveur de l’accès à l’éducation pour les pauvres en Ouganda, et en particulier les filles vulnérables, dans le cadre du Brian Mutebi Dream Scholarship Fund a fait que j’ai été sélectionné et ai pu ainsi travailler sous l’égide du Cluster Éducation. Ce fonds est le premier modèle de bourse en Afrique dédié aux survivants de la violence liée au genre et aux mères adolescentes.
Un rêve et un parcours enracinés dans l'expérience
La passion et l’ambition qui m’animent pour œuvrer en faveur de l’accès à l’éducation viennent de mon histoire personnelle. Orphelin à 10 ans et élevé dans une famille pauvre par ma grand-mère, subvenir aux premières nécessités de la vie était difficile. J’ai failli décrocher de l’école, mais par la grâce de Dieu, j’ai pu rencontrer des personnes bien intentionnées, qui m’ont tenu la main et soutenu tout au long de ma scolarité. C’est ainsi que je suis devenu le premier diplômé de mon village.
Mon parcours m’a fait comprendre que tout le monde avait besoin d’un coup de main pour réaliser ses rêves. Et mon rêve fut ce fardeau de joie placé par Dieu dans mon cœur : joyeux parce que la pensée de transformer la vie des gens était agréable, mais pourtant un fardeau, car j’ignorais comment cela deviendrait une réalité qui transforme la vie.
En 2012, j’ai vendu le petit terrain que je possédais 1 500 $ et j’ai lancé le Brian Mutebi Dream Scholarship Fund. Aujourd’hui, le fonds a déjà soutenu 30 élèves vulnérables et défavorisés dans le primaire, le secondaire, et à l’université. Faire partie des jeunes représentants au sommet de l’UA-UE (#AUEUYPII) pour trouver des solutions, afin que des millions de jeunes puissent bénéficier d’une éducation s’est avéré une mission très noble et le prolongement direct de ce que je fais dans mon pays.
Propositions aux dirigeants de l’UA et l’UE pour développer l’éducation
Nous avons examiné les initiatives existantes en Afrique (les bourses Mwalimu Julius Nyerere de l’Union africaine) et en Europe (Erasmus+) et avons pensé qu’elles pouvaient être étendues et renforcées conjointement pour améliorer l'accès et la mobilité en matière d’éducation sur les deux continents, grâce à l’initiative du « Programme Nyerere-Erasmus ».
Nous avons en effet proposé un programme pilote intercontinental polyvalent basé sur des mesures incitatives, le Programme d’action en faveur de l’éducation rurale de l’UA-UE (REAP) pour faciliter l’accès à, et l’achèvement des cycles primaire et secondaire pour les enfants, et en particulier pour les filles, en prenant en compte les dynamiques de genre en jeu dans l’accès à l’éducation dans les zones isolées et difficiles d’accès.
REAP a été complété par la proposition de la création d’un réseau de centres numériques pour l’enseignement primaire et secondaire qui serait mis en place grâce à un partenariat public-privé avec de grandes entreprises de TIC, dans le but de favoriser l’acquisition des compétences numériques et la connectivité dès les premières années d’enseignement.
Nous avons remarqué que l’éducation ne suffisait pas à elle seule, et avons donc demandé des processus de bonne gouvernance et de responsabilisation de la part des États, si nous souhaitons mettre en place de bons systèmes éducatifs.
Les paroles doivent être suivies d'actes
Selon Brookings, 119 millions de citoyens européens, représentant plus de 23 % de la population en 2015, risquent de tomber dans la pauvreté et l’exclusion sociale. Un accès limité à l’éducation, l'éloignement et l'isolement rural sont, entre autres éléments, mis en cause.
L’Afrique subsaharienne, quant à elle, affiche les taux d’exclusion les plus élevés au monde en matière d’éducation. Plus d’un cinquième des enfants âgés de 6 à 11 ans est non scolarisé, selon l’UNESCO. Si telle est la situation au 21ème siècle, les dirigeants de l’Afrique et de l’UE ne devraient-ils pas agir, et agir vite, pour suivre les propositions présentées par les jeunes ?
En s’inspirant du concept de la Coopération Afrique-Europe, nous avons suggéré un Labo de Coopération des jeunes de l’UA-EU dont le but serait de faire le suivi de la mise en œuvre de ces propositions. Nous avons besoin de voir ces idées brillantes transformer véritablement la vie dans les communautés.