En Afrique centrale et de l’Ouest, 39 % des filles sont mariées avant d'avoir 18 ans.1 On coupe court à leur éducation et leur enfance avant qu’elles puissent acquérir les compétences nécessaires pour être équipées dans leur vie d’adulte.
En vue de coordonner les efforts et mobiliser les actions pour mettre fin à cette pratique néfaste, la toute première Réunion de haut niveau sur l’abolition des mariages d’enfants en Afrique centrale et de l’Ouest s’est tenue à Dakar, au Sénégal, du 23 au 25 octobre.
Au cours de cet événement, des Premières Dames, des ministres, des chefs religieux et traditionnels, des représentants des agences des Nations unies, des ONG internationales et des OSC nationales, ainsi que des jeunes ont travaillé ensemble au développement de nouvelles solutions pouvant être déployées à grande échelle pour mettre fin aux mariages d’enfants.
La salle était donc à la fois pleine d’énergie, mais aussi de frustration face à l’absence d’avancées.
Pour de nombreux participants, le terme « mariage d’enfants » laisse entendre que l’enfant (généralement la fille) a un choix quant à cette union ; Ils ont donc fortement plaidé pour l’utilisation des termes appropriés à une telle expérience : mariage forcé, violence ou viol.
Une éducation de qualité est essentielle pour mettre fin aux mariages d’enfants
De nombreuses études montrent qu’un enseignement gratuit pour tous est une solution clé pour mettre fin aux mariages d'enfants. Certaines familles, confrontées aux coûts élevés associés à l'éducation, décident en effet de marier leur fille, les forçant ainsi à décrocher de l’école, alors que leurs frères, eux, restent souvent scolarisés.
Si les engagements envers l’éducation étaient tenus, et qu’un enseignement était fourni à tous les enfants, cela permettrait sans doute à un plus grand nombre de filles de rester scolarisées et de se marier plus tard.
Le Ministre du Genre du Ghana a déclaré que si, au plus haut niveau, les responsables politiques s’engageaient à fournir à tous les enfants une éducation jusqu’à l’âge de 18 ans, « ce serait la solution pour mettre fin aux mariages d’enfants ».
Pourtant, il ne s’agit pas juste d’enseignement gratuit ; la qualité et les acquis scolaires doivent également être au rendez-vous.
Une éducation de faible qualité peut en effet s’avérer un facteur propice aux mariages d'enfants du fait de l'offre.
Lorsque les parents tentent de maintenir leur fille à l’école, mais que celle-ci n'apprend pas suffisamment, dans un contexte de pénurie d’emplois, les parents sont alors susceptibles d’estimer que la seule solution est alors de marier leur fille. Une éducation de qualité est donc un élément dissuasif et préventif pour les mariages d’enfants, puisque les filles bénéficient de l’accès, de la transition entre les cycles. Elles peuvent ainsi achever leur éducation et sortir armées des compétences nécessaires pour fonctionner dans la vie.
L’éducation doit bien sûr être totalement financée, avec des ressources mieux allouées et une prise en compte des questions de genre, et les droits à la santé sexuelle et reproductive doivent être intégrés dans les programmes scolaires. La Première Dame de Sierra Leone, une des hôtes de la réunion, s’est engagée à s’efforcer d’augmenter le financement de l'éducation dans son pays.
Engagements, appels à l’action et document final
La Réunion de haut niveau a consacré un temps important à des activités orientées vers l’action, notamment avec un appel à l'action pour abolir les mariages d’enfants. Développé les jours précédents la réunion par des jeunes filles et garçons de la région, cet appel a été lancé par les jeunes avec énergie, éloquence et implication.
Les délégations des pays, aux côtés des OSC nationales, ont œuvré ensemble pour développer de nouveaux engagements en faveur de l’abolition des mariages d’enfants.
La réunion a donné lieu à un document final, signé par toutes les délégations des États. Celui-ci présente une approche complète pour mettre fin à cette pratique néfaste. S’il y a une solide équipe d’organisations et de personnes prête à la mettre en œuvre, la mise en œuvre des stratégies et des plans nécessite une meilleure intégration et coordination, ainsi qu’un lien renforcé avec les autres secteurs.
Les jeunes agissent pour abolir les mariages d’enfants
Les jeunes forment une force puissante au service de cette ambition, qu'il s’agisse de lancer leur appel à l’action, d’animer les tables rondes et de discuter des actions à mener pour mettre fin aux mariages d’enfants. Par exemple, l’organisation Tolerance Zero on Child Marriage œuvre au Bénin pour sensibiliser et mettre la pression sur le gouvernement en vue d’abolir les mariages d’enfants.
Les enfants et jeunes sont simplement touchés par les mariages d’enfants ; de bien des façons, ce sont les meilleurs défenseurs de l’abolition de cette pratique. De nombreux engagements nationaux ont été pris : l’élaboration de nouvelles lois, des décrets parlementaires, des plans stratégiques, la création de groupes de travail technique, des consultations, le suivi des progrès et l’engagement à la mise en œuvre des actions.
Financer l’éducation peut sauver des millions d’enfants du mariage précoce
Les mariages d’enfants auront coûté aux pays d’Afrique centrale et de l’Ouest des dizaines de milliards de dollars d’ici 2030, selon une nouvelle étude de la Banque mondiale financée par le Partenariat mondial pour l’éducation et la Fondation du Fonds d’investissement pour l’enfance (CIFF). Le coût induit par la non éducation des filles dans le secondaire sera encore plus élevé.
Les filles qui vont à l’école ont en effet moins d’enfants et en meilleure santé, ont des emplois mieux payés et sont plus à même d’exercer leurs droits.
Une éducation de qualité pour tous entièrement financée jouerait un rôle majeur dans la protection des 15 millions de filles qui seront mariées avant l’âge de 18 ans dans l’année à suivre et des 51 millions de filles non scolarisées en Afrique.
La responsabilité mutuelle est essentielle pour agir et mettre fin aux mariages d’enfants
Nous avons tous un rôle à jouer et nous sommes tous chargés de mettre fin à la pratique néfaste du mariage précoce, qu’il s’agisse de lancer des campagnes mondiales, d'œuvrer dans des plaidoyers sur le terrain ou d’agir au sein des pouvoirs publics. L’élaboration de plans transsectoriels nationaux solides est clairement recommandée en matière d’éducation. Les plans sectoriels de l’éducation (PSE) doivent donc comprendre des politiques et des stratégies, avec l’appui des recherches et des données probantes, pour mettre fin aux mariages d’enfants. De même, les plans nationaux dédiés à cette cause doivent inclure des liens avec les PSE.
Les deux plans doivent être participatifs, inclure les différents acteurs et voix, avoir des ressources suffisantes, un budget transparent et des cibles clairement définies. Ils doivent adopter une approche institutionnelle et systémique, qui produit la qualité et obtient des résultats.
Ce n’est qu'au moyen de ces mesures et des efforts interconnectés que toutes les filles et les garçons bénéficieront d’une éducation de qualité et seront libérés des mariages précoces. En écho au rapport mondial de suivi sur l’éducation, dont la sortie régionale s’est faite à Dakar au cours de la même période, nous sommes tous responsables de la qualité de l’éducation, pour laquelle nous devons rendre des comptes. Il en est de même pour l’abolition des mariages d’enfants.
Il est temps de mettre fin à cette pratique néfaste, et cela commence par une éducation de qualité pour tous qui soit correctement financée.
- UNICEF : La situation des enfants dans le monde 2016