Ce blog fait partie d'une série initiée dans le cadre du forum « Apprendre pour demain » qui se déroule du 28 au 30 janvier 2025 à Dakar, au Sénégal.
Dans le cadre du forum Apprendre Pour Demain, organisé par la Conférence des ministres de l’éducation des pays ayant le français en partage (CONFEMEN) et prévu à Dakar du 28 au 30 janvier prochain, je souhaite partager avec vous l’importance de l’enseignement explicite pour améliorer les apprentissages au primaire en Afrique subsaharienne.
Cette conférence, axée sur l’amélioration des apprentissages, sera l’occasion pour moi d’approfondir ce sujet et de présenter les recherches qui soutiennent cette approche pédagogique.
Qu’est-ce que l’enseignement explicite ?
L'enseignement explicite est une méthode d’enseignement structurée qui repose sur des principes clairs : dire, montrer et guider. En tant qu’enseignant, cette approche me permet d’éviter l’implicite et le flou qui peuvent nuire à l’apprentissage.
Mon rôle est de rendre explicites les objectifs d’apprentissage, de modéliser les tâches et d’accompagner les élèves dans leur pratique jusqu’à ce qu’ils atteignent un niveau d’autonomie élevé.
Trois étapes caractérisent le cœur de cette approche d’enseignement :
- Modelage : Je présente le contenu de manière claire et concise, en décomposant les tâches complexes en éléments simples et en verbalisant à haute voix comment je procède.
- Pratique guidée : Les élèves réalisent en binôme des exercices sous ma supervision, et je leur fournis une rétroaction régulière.
- Pratique autonome : Une fois que les élèves ont atteint un haut niveau de maîtrise, ils s’exercent seuls pour consolider leurs apprentissages.
Pourquoi l’enseignement explicite est-il crucial ?
Les recherches montrent que l’enseignement explicite est particulièrement efficace pour enseigner des matières structurées comme les mathématiques, la lecture, la grammaire et les sciences mais également pour des matières moins structurées comme la compréhension de texte.
Une méga-analyse que j’ai réalisée avec mes collègues a révélé que cette approche améliore significativement les performances des élèves, y compris ceux en difficulté ou à risque d’échec scolaire.
Dans les contextes où les élèves ont des besoins variés et où les enseignants disposent de peu de ressources, l’enseignement explicite présente plusieurs avantages :
- Clarté des attentes : en explicitant les objectifs et les étapes à suivre, les élèves comprennent mieux ce qui est attendu d’eux.
- Réduction de la surcharge cognitive : en décomposant les tâches complexes, j’aide les élèves à progresser étape par étape.
- Participation active : contrairement aux méthodes magistrales, l’enseignement explicite sollicite les élèves à travers des questions, des réponses et des activités interactives.
L’enseignement explicite et les élèves en difficulté
En Afrique subsaharienne, les élèves en difficulté représentent une proportion importante de la population scolaire. Ces élèves, souvent issus de milieux défavorisés, sont plus susceptibles d’éprouver des problèmes d’apprentissage.
L'enseignement explicite leur offre un cadre structurant et rassurant qui facilite leur progression.
Par exemple, dans l’apprentissage de la lecture, je peux décomposer les compétences en étapes simples : identifier les lettres, comprendre les sons, former des mots, puis lire des phrases.
Chaque étape est enseignée, pratiquée et consolidée avant de passer à la suivante. Cette approche réduit les risques d’échec et augmente la confiance des élèves.
L’efficacité de l’enseignement explicite dans les écoles primaires a été montré rigoureusement au Maroc en septembre 2024.
Le Maroc a lancé sa réforme scolaire en septembre 2023 dans 626 écoles primaires nommées écoles pionnières. S’inspirant des recommandations du Global Advisory Panel (GEEAP, 2023), le Maroc implante deux recommandations à impact élevé pour améliorer les apprentissages, soit le recours :
- À une pédagogie structurée (l’enseignement explicite pouvant proposer des leçons scriptées)
- Ainsi qu’à une remédiation ciblée.
En fin d’année scolaire (2023-2024), une évaluation externe a été réalisée par J-PAL, un organisme réputé internationalement pour ses travaux de recherche en éducation.
Afin de jauger les effets de la réforme sur les résultats scolaires en arabe, en français et en mathématiques, deux groupes ont été constitués : l’un avec les élèves des écoles pionnières ; et l’autre avec des élèves pairs d’écoles non réformées comparables à ceux des écoles pionnières.
L’évaluation montre que l’élève moyen dans une école pionnière performe mieux que 82 % de ses pairs dans les écoles non réformées, et ce, dans les trois matières de base (arabe, français et mathématiques).
Il importe de mentionner que mon collègue, Clermont Gauthier, et moi-même sont impliqués dans cette réforme, et ce, à la demande du Maroc. Il est très rare que les pays réussissent à améliorer significativement les performances des élèves par une réforme scolaire.
Il semble aussi rare, sinon plus, qu’un pays à revenu faible ou moyen réussisse une telle réforme. Le Maroc semble être sur la bonne voie.