Pourquoi une fiscalité équitable est essentielle pour éliminer les obstacles à l'éducation des filles

ActionAid et ses partenaires demandent aux gouvernements d'honorer les engagements pris au Sommet mondial sur l'éducation en 2021, et font pression pour que les allocations soient non seulement conformes aux critères de référence convenus au niveau mondial, mais également dépensées de manière transparente et sensible aux besoins des plus vulnérables, les filles notamment, pour briser les barrières auxquelles elles font face.

03 avril 2022 par Asmara Figue, ActionAid International, et Julie Juma, ActionAid International
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Une élève dans sa salle de classe à l'école primaire Dr. Omari Ali Juma à Dar es Salaam en Tanzanie. Crédit : Arne Hoel
Une élève dans sa salle de classe à l'école primaire Dr. Omari Ali Juma à Dar es Salaam en Tanzanie.
Credit: Banque mondiale/Arne Hoel

Depuis 2018, avec le soutien de l'Agence norvégienne de coopération pour le développement (Norad), ActionAid et ses partenaires mettent en œuvre le projet Breaking Barriers, et travaillent ensemble pour s'attaquer aux principaux obstacles à l'éducation auxquels certains des enfants les plus pauvres et les plus marginalisés du Malawi, du Mozambique, du Nigéria et de Tanzanie sont confrontés.

Dans le cadre de ce travail, les équipes du projet dans les 4 pays ont plaidé auprès des gouvernements pour qu'ils augmentent les budgets dédiés à financer une éducation publique gratuite, de qualité et inclusive.

Cela incluait non seulement de mettre l'accent pour garantir que la part des fonds alloués au secteur est conforme aux critères de financement convenus au niveau international (soit de 15 à 20 % du budget ou de 4 à 6 % du PIB), mais également de lancer un appel aux gouvernements pour qu'ils intensifient leurs efforts pour augmenter leur budget global grâce à une mobilisation juste et progressive des ressources nationales.

En outre, en aidant les organisations de la société civile et les membres de la communauté à contrôler activement la façon dont les budgets de l'éducation sont dépensés, en mettant l'accent sur l'importance de tenir compte des besoins des filles en particulier, le projet a réussi à éliminer certains des obstacles empêchant les enfants les plus vulnérables de jouir de leur droit à l'éducation.

Le Malawi accorde depuis longtemps la priorité au financement de l'éducation dans son budget national. Cependant, un ratio impôts/PIB relativement faible combiné à d'importantes pertes de recettes résultant d'incitations fiscales pour les entreprises et d'accords de double imposition, ainsi qu'à des obligations élevées en matière de service de la dette, signifie que les montants réellement disponibles pour les dépenses d'éducation sont bien inférieurs aux réels besoins du pays.

Il est donc essentiel de veiller à ce que les financements DISPONIBLES soient dépensés de la manière la plus efficace, efficiente et transparente possible. En effet, un récent rapport (en anglais) sur le budget de l'éducation de l'UNICEF note que, bien que la marge de manœuvre budgétaire pour augmenter les budgets du secteur de l'éducation reste très limitée, il est possible de faire plus avec les ressources disponibles si l’on améliore l'efficacité et l'équité des dépenses.

Parmi les nombreuses activités menées dans le cadre de ce projet, ActionAid Malawi a dispensé une formation continue à 40 membres du mouvement pour la justice fiscale du district de Ntchisi (incluant des jeunes femmes, des militants et des écoliers) sur les questions liées à la fiscalité et aux services publics sensibles au genre.

Cette formation les a doté des compétences nécessaires pour mener leur propre analyse des lacunes dans la prestation de services publics (notamment dans les secteurs de l'éducation et la santé) dans leur région. Elle les a également aidé à se mobiliser pour exiger plus de responsabilité de la part des détenteurs d'obligations, pour une imposition progressive et une utilisation responsable des impôts au profit de la communauté.

Ce petit groupe a ensuite transmis ce qu'il avait appris à 300 autres membres de la communauté, un processus qui, à son tour, a révélé des problèmes de transparence et de responsabilité en ce qui concerne l'utilisation des recettes fiscales, notamment l'incapacité à financer adéquatement les frais de scolarité d'environ 35 élèves vulnérables du secondaire dont l'éducation en a été particulièrement affectée.

Lackson Banda, Président du Kasakula Youth Activista Network, raconte comment la formation d'ActionAid Malawi a aidé les membres de la communauté à tenir les différentes parties prenantes responsables de l'utilisation des Fonds de développement des circonscriptions (CDF) :

« Sur la base de nos connaissances et compétences en matière de justice fiscale, nous avons sensibilisé le comité de développement de la région de Kasakula sur la nécessité d'impliquer le député de la circonscription de Ntchisi Est, Benard Chitekwe, et le Conseil du district de Ntchisi pour soutenir les élèves nécessiteux qui ont été expulsés des écoles pour non-paiement des frais de scolarité. »

Lackson Banda

Lackson admet qu'au début, il n'était pas facile de trouver des responsables, mais les militants ont persévéré et ont pu obtenir des fonds pour le développement de la circonscription pour soutenir 35 élèves dans le besoin.

L'une des bénéficiaires de la bourse, Abgail Chilembwe, 20 ans, élève en classe de troisième au lycée de Kasakula, a exprimé son appréciation des résultats :

« Je suis soulagée d'être de retour en classe suite au paiement de mes frais de scolarité par le biais du fonds de développement de la circonscription. Je ne veux pas me marier tôt. Je veux me concentrer sur mes études car je souhaite devenir infirmière, afin d'aider mes parents et ma communauté. Ce serait une belle manière de leur rendre ce qu’ils m’ont donné. »

Abigail Chilembwe
Abigail Chilembwe (à gauche) et son amie.
Abigail Chilembwe (à gauche) et son amie.

L'engagement avec les parties prenantes au niveau du gouvernement dans la mise en œuvre des activités du projet a eu des résultats positifs, comme en témoigne le soutien du responsable de l'éducation au niveau du district de Ntchisi, M. Pauper Mkandawire. Il déclare à cet effet :

« Nous sommes conscients des problèmes liés aux bourses scolaires du CDF et je remercie le mouvement de les avoir soulevés. En tant que responsable de l'éducation au niveau du district, je veillerai à accorder une audience au mouvement, et à faire en sorte que les parlementaires soit régulièrement informés de ces problèmes pour y apporter une solution rapide. »

Le travail efficace abbatu au niveau du district se reflète dans les actions de plaidoyer fondées sur des preuves menées par ActionAid Malawi et ses partenaires stratégiques au niveau national.

ActionAid Malawi a un engagement continu avec les commissions parlementaires de l'éducation et des finances, les ministères des finances et de l'éducation, plaidant pour une augmentation des allocations au secteur de l'éducation afin de s'assurer que le pays continue d'allouer une part importante du budget national au secteur et d'examiner ces allocations. L'un des moyens durables d'y parvenir est d'augmenter son ratio impôts/PIB grâce à une fiscalité équitable et progressive.

En 2018, les conclusions de l'étude Making Tax Work for Girls’ Education d'ActionAid ont mis en évidence le fait qu'environ 87 millions de dollars US ont été perdus uniquement à cause de mesures incitatives et de conventions fiscales. D'autres recherches (en anglais) initiées et menées par l'organisation en 2020 suggèrent que seules six réformes fiscales progressives au Malawi pourraient favoriser une augmentation de 2 % du ratio impôts/PIB du pays, estimé à 135,1 millions de dollars.

Si seulement 20 % de ces nouveaux revenus étaient alloués à l'éducation (selon la référence internationale), cela équivaudrait à environ 27 millions de dollars US, ce qui, selon ActionAid, serait suffisant pour couvrir le coût des places à l'école pour tous les enfants non scolarisés pendant un an.

Compte tenu de l'impact de la crise sanitaire et des contraintes de financement des services publics essentiels tels que l'éducation qui en résultent, ActionAid et ses partenaires continueront de plaider pour que les gouvernements honorent les engagements pris lors du Sommet mondial sur l'éducation en 2021 et se mobilisent, pas seulement en faveur des allocations qui sont en cours et conformes aux critères de référence convenus au niveau mondial, mais également en faveur d'allocations dépensées de manière transparente et sensible aux besoins des plus vulnérables, en particulier les filles. Cela aidera ainsi à éliminer les obstacles auxquels elles sont confrontées.

Action Aid y parvient également en rejoignant le groupe consultatif du projet GPE-IPNED, les deux organisations travaillant à l'élaboration d'une boîte à outils sur le financement national de l'éducation destinée à soutenir l'engagement des parlementaires dans les discussions budgétaires, notamment pour une allocation plus équitable des ressources, afin qu’elle atteignent des groupes marginalisés comme les filles.

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