Comment expliquer que les films aient autant d’influence ?
Premiers exemples d’utilisation de films à des fins éducatives
L’intérêt pédagogique des films est reconnu depuis longtemps. En 1912, le New York Evening Journal publiait un éditorial dont le titre The power of moving pictures: They will Educate, through the eye, Hundred Millions Children mettait en avant l’influence à venir du cinéma pour l’éducation de centaines de millions d’enfants.
Les films saisissent et représentent le passage du temps pour donner aux spectateurs la possibilité de reconsidérer leur perception de la réalité et de remettre en cause certaines suppositions.
Les études sur la paix nous ont appris que celle-ci constitue un phénomène divers et relationnel qui doit tenir compte des représentations et des efforts provenant d’autres cultures, ainsi que des strates marginales de la société.
Les films permettent de capter ces représentations et ces efforts, de les intégrer dans des intrigues, des personnages et des œuvres esthétiques qui éveillent notre sensibilité de manière irrésistible.
Le numéro du Courrier de l’UNESCO de janvier 1955 mettait en avant la capacité des films à encourager les échanges interculturels : « C’est ainsi qu’en Grèce on peut voir des films japonais en version originale, avec sous-titres grecs, ce qui aurait paru inconcevable il y a quelques années. »
Une enquête d’opinion réalisée en 2011 indiquait que 98 % des enseignants interrogés au Royaume-Uni estimaient que « le cinéma était un outil pédagogique utile » et que tous convenaient qu’« exposer les enfants à une grande variété de films les aidait à mieux comprendre le monde et les autres cultures ».
Les cinéastes africains sensibilisent le public au patrimoine du continent
Arrêtons-nous sur une initiative particulièrement intéressante à cet égard. En 2021, l’UNESCO et Netflix ont lancé le concours Contes populaires africains réinventés afin de soutenir les jeunes cinéastes africains et de promouvoir le patrimoine culturel et la diversité créative du continent sur la scène internationale.
Des subventions pour soutenir leur production ont été accordées à six lauréats, ce qui a donné lieu à une anthologie de courts-métrages dans plusieurs langues diffusée sur Netflix en mars 2023.
Le cinéaste nigérian Femi Odugbemi qui faisait partie du jury, a rappelé que ce projet était important « car la découverte de l’histoire est la meilleure éducation que l’on puisse recevoir. Elle favorise le respect et la compréhension nécessaires au maintien et à la préservation du respect mutuel et de la paix dans le monde ».
Ces courts-métrages se démarquent également par la présence de protagonistes féminins forts et par le fait qu’ils abordent sans détour des questions comme la violence sexiste, le suicide et le mariage des enfants.
La cinéaste sud-africaine Gcobisa Yako a voulu, avec MaMlambo, ébranler la « représentation typique et patriarcale » des contes populaires, dans lesquels les femmes sont souvent « dénigrées et humiliées ».
Le film attire ainsi l’attention sur la violence structurelle moderne dont les femmes sont victimes et qui continue de nuire à l’instauration d’une paix positive en Afrique du Sud et dans le reste du monde.
Des films conçus pour donner aux élèves d’aujourd’hui les moyens d’agir
Bien que la paix ne se décrète pas, son existence — tout comme son absence, triste réalité pour beaucoup — peut certainement être perçue, ressentie et expérimentée au travers de nos émotions et de la puissance de notre imagination qui se nourrit du cinéma.
Au cas où l’on penserait que les jeunes d’aujourd’hui, comme l’affirment les médias, ne s’intéressent plus à la politique parce qu’ils ne sont plus capables de croire en des idéologies ou des idéaux, observons-les en train de regarder un film.
Si Jean-François Lyotard a raison de dire que la jeunesse postmoderne se caractérise par une « incrédulité à l’égard des métarécits », les films peuvent néanmoins sensibiliser les jeunes à toute une palette d’expériences émotionnelles porteuses de transformations.