En Ouganda, les jeunes mères reprennent le chemin de l'école

En Ouganda, dans le district de Buikwe, garantir le droit des mères adolescentes à l'éducation consiste à faire évoluer les mentalités, une réunion communautaire après l’autre.

13 février 2024 par Caspar Haarløv, Education Out Loud
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Lecture : 7 minutes
Nakayiza Amina, directrice de l'école primaire de Kisimba Umea, avec un groupe de filles qui ont quitté l'école à cause de leur grossesse. Crédit : Caspar Haarløv
Nakayiza Amina, directrice de l'école primaire de Kisimba Umea, avec un groupe de filles qui ont quitté l'école à cause de leur grossesse. Elles ont toutefois pu passer leurs examens. Certaines de ces filles sont aujourd'hui mères, d'autres ont perdu leur bébé à la suite d'une fausse couche.
Credit: Caspar Haarløv

Les lois en Ouganda sont claires : « Tous les enfants ont droit à l'éducation et tous les obstacles à l'achèvement de la scolarité doivent donc être éliminés pour que les filles restent plus longtemps à l'école. »*

Pourtant, près d'un quart des filles âgées de 14 à 18 ans ne terminent pas leur scolarité, souvent à cause d'une grossesse.

Plusieurs obstacles interdépendants empêchent les jeunes mères et les filles enceintes de retourner à l'école. Selon l'Initiative pour l'éducation des mères adolescentes (AMEI), un projet qui cible les politiques et les pratiques relatives à la poursuite de l'éducation des filles enceintes et des mères adolescentes en Afrique australe et orientale, certains de ces obstacles sont liés à l'attitude des parents, des enseignants, des chefs religieux et des membres de la communauté.

Soutenue par L’Éducation à voix haute et mise en œuvre par World Vision UK en collaboration avec Initiative for Social and Economic Rights, World Vision Zimbabwe, World Vision DRC, The Education Coalition of Zimbabwe et la Coalition nationale de l'éducation pour tous en République Démocratique du Congo, l'Initiative pour l'éducation des mères adolescentes s’attaque à ce problème au niveau de la communauté, en discutant directement avec les leaders, en organisant des réunions communautaires, en vulgarisant les politiques officielles et en intervenant sur les stations de radio locales.

« Nous devons faire évoluer les mentalités si nous voulons apporter un changement positif. »

Lawrence Iga
Responsable du suivi et de l'évaluation, Initiative pour les droits sociaux et économiques (ISER)

Identifier le problème

Dans le district de Buikwe, une région essentiellement rurale située sur les rives du lac Victoria, à l'est de Kampala, l'Initiative pour l'éducation des mères adolescentes en est encore à ses débuts.

Le révérend chanoine Geoffrey Kagoye, du diocèse de Mukono de l'Église anglicane d'Ouganda, se réjouit toutefois de cette initiative.

Reverend Canon Geoffrey Kagoye

« Être enceinte chez les filles est un problème plus grave que l'on ne peut l'imaginer. »

Reverend Canon Geoffrey Kagoye
Église anglicane d'Ouganda, diocèse de Mukono

Qu'advient-il des jeunes mères ?

Mme Nakayiza Amina, directrice de l'école primaire de l'Association musulmane ougandaise pour l'éducation à Kisimba, est déterminée à aider les filles. Elle-même a été une jeune mère, et Mme Amina a pu retourner à l'école grâce au soutien de sa famille et est devenue une figure de proue dans son domaine. Mais son histoire est peu courante.

Les conséquences des grossesses d'adolescentes sont désastreuses : les filles abandonnent l'école et sont souvent chassées de chez elles ou tenues à l'écart dans leur foyer.

Mme Nakayiza Amina, Directrice de l'école primaire de l'Association ougandaise d'éducation musulmane à Kisimba, aux côtés d'un groupe de filles qui ont quitté l'école parce qu'elles étaient enceintes mais qui ont pu y retourner pour passer leurs examens. Crédit : Caspar Haarløv
Mme Nakayiza Amina, Directrice de l'école primaire de l'Association ougandaise d'éducation musulmane à Kisimba, aux côtés d'un groupe de filles qui ont quitté l'école parce qu'elles étaient enceintes mais qui ont pu y retourner pour passer leurs examens. Certaines filles sont maintenant mères ; d'autres ont perdu leur bébé.
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Caspar Haarløv

En tant que directrice d'école, Mme Amina encourage les jeunes filles à retourner à l'école alors qu'elles sont encore enceintes. Mais elle dit qu'elles se sentent stigmatisées et choisissent parfois de partir.

Pourtant, Mme Amina reste optimiste. Dans son école, des femmes et des hommes expérimentés de la communauté se portent volontaires pour enseigner aux filles et aux garçons les compétences de base de la vie quotidienne, y compris les problèmes liés aux grossesses précoces.

Le président du comité de gestion de l'école, M. Gitta Muhammed, gère également une école technique où les filles peuvent acquérir des compétences professionnelles allant des soins de beauté aux travaux de réparation.

Deux foyers mais une même histoire

Zaina Namwasa et sa maman. Crédit : Caspar Haarløv
Zaina Namwasa et sa maman.
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De chaque côté d'une route de campagne sinueuse, deux maisons racontent presque la même histoire : Zaina Namwasa et Sylvia Namuswe sont toutes deux tombées enceintes alors qu'elles étaient encore à l'école primaire. Dans les deux cas, le père était un jeune garçon de la région qui s'est ensuite enfui.

Zaina, 16 ans, est enceinte. Comme sa voisine d'en face, Zaina a grandi avec une mère célibataire souvent absente pour son travail. Selon sa mère, Zaina a été chassée de l'école lorsque sa grossesse a été découverte et ne sera autorisée à y retourner qu'après l'accouchement.

Une fois que Zaina aura allaité son bébé pendant quelques mois, sa mère est d’accord de s'occuper de sa petite-fille. Zaina espère alors retourner à l'école et devenir médecin.

En face, Sylvia Namuswe a eu un bébé à l'âge de 14 ans. Elle a maintenant 15 ans et vit avec sa mère et ses quatre jeunes frères et sœurs. Elle dit vouloir retourner à l'école si l'occasion se présente. Pour l'instant, elle doit travailler afin de contribuer aux besoins de la famille.

Elle passe la plupart de ses journées sur les rives du lac Victoria à ramasser et à vendre les petits poissons que les pêcheurs laissent échapper de leurs sacs.

Namuswe Sylvia,15 ans, avec son fils d'un an et sa mère âgée de 29 ans. Crédit : Caspar Haarløv
Namuswe Sylvia,15 ans, avec son fils d'un an et sa mère âgée de 29 ans.
Credit:
Caspar Haarløv

Soutien des autorités locales

Mme Nankindu Betty, adjointe au chef de l'administration du district de Buikwe, est résolument favorable à l'Initiative pour l'éducation des mères adolescentes.

Elle souligne que l'éducation formelle et l'enseignement informel des compétences nécessaires à la vie courante sont essentiels pour éviter que le problème ne se perpétue à la génération suivante. Elle souligne également l'importance de veiller à ce que les filles concernées aient une chance d'apprendre et d'avoir de l'espoir pour l'avenir.

Ms. Nankindu Betty, Deputy Chief Administrative Officer for Buikwe district. Credit: Caspar Haarløv

« Rien qu'en 2022, 4 900 filles sont tombées enceintes dans ce district. Il faut rendre justice à ces jeunes filles afin d'assurer leur avenir. »

Ms. Nankindu Betty
Adjointe au chef de l'administration du district de Buikwe

Dans le cadre des activités de plaidoyer de l'Initiative pour l'éducation des mères adolescentes, l'Initiative pour les droits sociaux et économiques et d'autres membres du consortium plaident en faveur d'adolescents en bonne santé, éduqués et responsables, en promouvant une parentalité positive et en sensibilisant aux conséquences négatives des grossesses chez les adolescentes.

Selon la constitution, l'âge du consentement en Ouganda est de 18 ans et les propositions visant à introduire des méthodes contraceptives chez les filles âgées de 15 ans et plus se sont heurtées à une opposition farouche de la part du gouvernement. Cela signifie que l'Initiative pour l'éducation des mères adolescentes ne peut pas discuter librement de la contraception en tant qu'option préventive pour les enfants de moins de 18 ans.

L'Initiative pour l'éducation des mères adolescentes travaille également avec les garçons pour lutter contre les normes sexistes néfastes, promouvoir des relations saines et retarder l'activité sexuelle. L'une des façons d'y parvenir consiste à organiser des discussions de groupe pour les garçons, sur des questions telles que l'importance de soutenir les filles enceintes et les mères adolescentes.

L’Initiative pour l'éducation des mères adolescentes met également l'accent sur la lutte contre la stigmatisation des adolescentes mères ou enceintes dans les écoles.

Le président du conseil local III du sous-comté de Najja, Buikwe, M. Patu Musa Lukwago, estime que de plus en plus de personnes reconnaissent aujourd'hui que l'objectif principal est d'assurer un meilleur avenir aux filles, et non de savoir si l'on approuve ou non les grossesses chez les adolescentes :

Mr. Patu Musa Lukwago, Chairperson Local Council III Najja Subcounty, Buikwe

« Le projet a redonné aux parents la volonté de continuer à aider leurs enfants à s'instruire, car la grossesse n'est pas une fin en soi. »

Mr. Patu Musa Lukwago
Président du conseil local III du sous-comté de Najja, Buikwe

Grâce à des efforts collectifs, les jeunes filles enceintes retourneront à l'école

La constitution ougandaise garantit le droit à l'éducation pour tous les enfants, mais ses directives stipulent que toute fille enceinte doit quitter l'école au bout de trois mois de grossesse et ne peut y retourner que six mois après l'accouchement.

L'Initiative pour l'éducation des mères adolescentes œuvre avec d'autres organisations pour demander au gouvernement de réviser ces directives afin qu'une jeune fille enceinte puisse poursuivre sa scolarité jusqu'à ce qu'elle décide de quitter l'école et d'y retourner lorsqu'elle est prête.

Cependant, malgré le droit constitutionnel de toutes les filles à recevoir une éducation, certains chefs communautaires restent réticents à l'idée d'autoriser les filles à retourner à l'école alors qu'elles sont encore enceintes. Cette attitude démontre qu'il faut du temps pour changer des opinions bien ancrées, fondées sur des normes sociales néfastes, et qu'un travail au sein de la communauté est nécessaire, de même qu'une modification de la législation.

Father Bwenvu Gerald, Lugazi Catholic Church Secretary for Education

« Si nous autorisons les filles enceintes à aller à l'école, quel message enverrions-nous à celles qui ne le sont pas encore ? »

Father Bwenvu Gerald
Secrétaire à l'éducation de l'église catholique de Lugazi

Comme beaucoup de ses pairs, le père Bwenvu Gerald affirme que le problème pourrait être évité en s'attaquant à la question centrale de la pauvreté et du travail des enfants. Il souligne également l'importance de l'orientation et du conseil à tous les niveaux.

Mais conseiller est difficile, déclare le responsable de l'éducation pour le district de Buikwe, M. Musasizi Kizito Julius. Il souligne que même si le district met l'accent sur un programme de soutien au droit à l'éducation, les parents doivent eux aussi adhérer au projet.

« Le changement de comportement est un processus continu, et non pas une action ponctuelle. »

Mr. Musasizi Kizito Julius
Responsable de l'éducation pour le district de Buikwe

Le secrétaire à l'éducation du district musulman de Buikwe, le Dr Ntale Edrisa, explique que si la communauté musulmane a adopté l'initiative et a demandé à ses cheiks de permettre aux enfants d'aller à l'école, certains membres de la communauté, y compris des parents, continuent de refuser à de nombreuses jeunes filles enceintes l'opportunité de retourner à l'école.

Appelant à une plus grande sensibilisation aux droits des jeunes mères à l'éducation, le Dr Ntale Edrisa garde espoir.

Dr. Ntale Edrisa, Secretary for Education, Buikwe Muslim district. Credit: Caspar Haarløv

« Un effort collectif permettra d'améliorer l'avenir des filles. »

Dr. Ntale Edrisa
Secrétaire à l'éducation, district musulman de Buikwe

Les statistiques*

Selon l'enquête démographique et de santé ougandaise (2016), une femme sur cinq en Ouganda commence à avoir une activité sexuelle avant l'âge de 15 ans, et une adolescente sur quatre âgée de 15 à 19 ans est déjà mère ou enceinte de son premier enfant.

Le ministère de l'Éducation et des Sports a mené une étude sur les liens entre la grossesse chez les adolescentes et l'abandon scolaire en Ouganda en 2015. L'étude a établi que le taux d'abandon scolaire dû à une grossesse chez les filles âgées de 14 à 18 ans est de 22,3 %.

  • *Cité dans les Directives révisées pour la prévention et la gestion de la grossesse chez les adolescentes en milieu scolaire en Ouganda, ministère de l'Éducation et des Sports, 2020.

Lire aussi

I am a Ugandan Media and communication specialist working with Initiative for Social and Economic Rights (ISER), I am impressed by the way facts are presented. This is great work, to see young mothers going back to schools. The number of girls returning to school keeps on increasing because of ISER's advocacy in Buikwe district.

We thank the ladies who have endeavored to have gone back to school despite all the domestic duties they undergo.

En réponse à par DINYA JOHN BUG…

It is really hard for a girl to beat all odds and return to school after being defiled, abused, and made pregnant. The situation is bad, and Uganda is going to face a very challenging future if the issue of school dropouts due to teenage pregnancies is not addressed. As someone who has been previlaged to work on the Adolescent Mothers' Eduation Initiative project, I want to thank the GPE for their support and commitment to ending this injustice against girls everywhere.

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