Nous savons qu’il est essentiel de mesurer l’équité en éducation : la justice dans l’offre éducative, la qualité des acquis scolaires, ainsi que l’accès à la scolarisation, sont essentiels pour réaliser les objectifs et atteindre les cibles que le monde s’est fixé pour l’éducation.
Nous savons également qu'il existe bien des façons de conceptualiser la mesure de l’équité, selon différentes perspectives, points de départ et objectifs – souvent motivés par le climat politique du moment.
Mais il est désormais temps prendre une grande inspiration pour le grand saut essentiel qui permet de passer du conceptuel à la pratique dans la mesure de l’équité en éducation. Dans le Manuel de mesure de l’équité en éducation, publié plus tôt dans l’année par l’Institut de la Statistique de l’UNESCO (ISU), nous nous concentrons sur deux concepts clés – l’égalité des conditions et l’impartialité – et établissons un processus en cinq étapes afin de permettre leur mesure. Nous espérons que ce manuel aidera les chercheurs à trouver la voie d'une mesure relativement fiable de l’équité en éducation.
Une approche de l’égalité dans les conditions examine comment les variables sont distribuées entre les enfants, quelles que soient leurs circonstances particulières. L’avantage de cette approche est qu’il suffit de mesurer une variable, tel que le nombre d’années d’études, pour générer des indicateurs d’équité comparables dans le temps et entre les pays. Les résultats peuvent, par exemple, être illustrés par une courbe de Lorenz, et plus la courbe est plate, plus l'égalité est grande en termes de conditions.
Une approche de l’impartialité mesure si la qualité et l’accès aux ressources éducatives, ainsi que les acquis scolaires, sont équivalents entre les différentes dimensions d'équité, en vue d'alerter sur une distribution injuste des opportunités qui irait à l’encontre de ceux qui sont déjà défavorisés. Par-dessus tout, les mesures de l’impartialité nous dirigent vers les groupes les plus défavorisés, qui peuvent alors être ciblés par les politiques (et, espérons, les ressources).
Le processus que nous proposons relie ces deux approches clés en créant une liste de contrôle de cinq étapes pour l'analyse de l’équité, sur la base de questions d’étude qui peuvent être examinées séparément ou, dans l’idéal, combinées dans une seule et même étude. L’ensemble du processus quantifie et visualise l’égalité des conditions, avant de passer à la description de l'impartialité, et enfin de tester l’impact de programmes visant l’impartialité, en d’autres termes, leur impact en termes d’équité sur les chances d’un enfant de bénéficier d’une éducation de bonne qualité.
1. Identifier les dimensions de l’équité à examiner
Il semble évident qu’il nous faut savoir quels sont les objets de notre étude (qui et quoi). La première étape est donc de définir les catégories démographiques de la population que nous étudions et les dimensions clés qui influencent souvent l’équité, sur la base de l’identité et de la situation géographique de la personne. Il s’agit ainsi du sexe, de l’appartenance à un groupe ethnique, de la localisation, de la pauvreté, du handicap et du statut en termes d’immigration ou de migration.
Une fois ces catégories identifiées, une simple analyse descriptive résumant la composition de l’échantillon aide à contextualiser les disparités préexistantes entre les individus et les groupes. D’un point de vue statistique, un résumé de ces « groupes d’équité » révèle non seulement la taille de chaque groupe, mais également sa taille relativement aux autres groupes. Toutefois, il est important de remarquer que si toutes les métriques de l’inégalité au niveau du groupe sont une fonction de la taille de ce groupe, certains groupes sont si petits que les métriques de l'inégalité ne peuvent pas désigner la vraie mesure des disparités entre ces groupes et les autres.
2. Résumer les caractéristiques observables par des dimensions d’équité
Nous proposons ensuite un résumé des caractéristiques observables de chaque groupe selon les dimensions d’équité qui ont été établies. Cette étape aide les chercheurs à créer des profils statistiques pour chaque groupe d’équité qui montre des disparités non seulement en termes de résultats de l’éducation, mais également dans leurs caractéristiques de référence. Cette recherche présente un aspect gagnant - gagnant : non seulement elle confirme les lacunes en termes de résultats de l’éducation dans les différents groupes, mais elle suggère également les facteurs probables de ces lacunes. Si cette étape ne saurait se substituer à une analyse plus rigoureuse de ces facteurs, elle fournit un point d’appui aux chercheurs qui explorent les raisons de ces lacunes.
3. Analyser la distribution générale des résultats
Grâce à cet aperçu de l’échantillon de l’étude et de l’état général d’inégalité au niveau de l’individu et du groupe, nous pouvons à présent passer à l’étape suivante : examiner l’ensemble complet d’informations disponibles pour se concentrer sur les analyses de distribution des résultats de l’éducation. Nous recommandons ici l’utilisation d’outils de visualisation, tel que l’histogramme (Figures 1 et 2) pour illustrer les degrés de disparité des résultats examinés.
Figure 1. Distribution hypothétique des scores au test avec des niveaux d’inégalité variés
Figure 2. Distribution empirique des scores au test du PIRLS pour le Canada et le sultanat d’Oman
4. Analyser les résultats par dimension d'équité
Il est à présent temps d’enrichir notre analyse de la distribution globale des résultats de l’éducation en superposant la distribution des acquis pour chaque groupe d’intérêt. Cela montrera à la fois le degré absolu d’inégalité existant entre les groupes en contrastant la localisation des distributions et le degré d’inégalité au sein des groupes, ce qui permettra aux chercheurs d’examiner l'éventail de disparité pour chaque groupe séparément. Les chercheurs peuvent également évaluer le degré d’inégalité au sein de chaque groupe.
5. Estimer les principaux effets, au niveau global et en strates selon les dimensions d’équité
L’étape finale est de mettre en œuvre des méthodes plus rigoureuses afin d’identifier l'impact plausible des politiques, interventions et autres « traitement » des résultats de l’éducation. Du point de vue de l'équité, il ne suffit cependant pas d’identifier l’impact global d’une politique ou de toute autre solution sur une population entière, car elle n’aura peut-être pas le même effet chez tous les individus et les groupes. Comme nous le savons, un tel impact « global » peut ne pas suffire à compenser les graves inconvénients que subissent certains groupes. Il faut donc une approche plus approfondie, afin de tester si l’impact est réellement distribué de façon régulière ou s’il est plus important pour certains groupes que pour d’autres.
Les chercheurs peuvent tester cela dans un cadre d’analyse de régression en combinant la variable indépendante (telle que la scolarisation) et les indicateurs d’appartenance au groupe, en utilisant des effets d’interaction pour stratifier l’impact global et montrer si le « traitement » politique affecte effectivement différents groupes de façons systématiquement différente. Le test post-estimation sur l’interaction de l’équité et du traitement peut alors être mené afin de déterminer si l’impact estimé est réellement hétérogène au niveau statistique.
Ces étapes sont connues de tout chercheur et analyste de données travaillant dans le domaine de l’éducation au niveau international. Nous espérons qu’avec la publication de ce Manuel, suivre un cadre simple axé sur l’équité deviendra un processus routinier qui permettra de généraliser les considérations portant sur l’équité, plutôt que de les ajouter en supplément.
En intégrant pleinement ces responsabilités et processus liés à l’étude de l’équité dans nos opérations, nous pouvons rapprocher la communauté du développement de l’objectif d’une éducation de qualité équitable pour tous.
Ce blog a également été publié sur le site web de l'ISU