Comment la vidéo peut-elle réellement aider les enseignants à apprendre ?
On distingue de nombreuses façons d’utiliser la vidéo pour l’apprentissage des enseignants. Voici six illustrations de potentiels usages, et à mon avis, les plus utiles de la vidéo dans le cadre du développement professionnel des enseignants. Je suis sûre que la plupart des lecteurs en ont déjà testé certains, voire tous, et je serai reconnaissante de pouvoir connaître votre avis et votre expérience en la matière.
Les enseignants bénéficient de voir d’autres enseignants travailler selon de nouvelles méthodes ou de voir la mise en œuvre réussie d’une innovation avec les mêmes types d’apprenants et dans un contexte semblable à celui qu’ils connaissent. Voir d’autres enseignants en action apporte de la crédibilité, des modèles de la pratique visée et permet une réflexion comparative et critique dans laquelle les enseignants examinent les caractéristiques des bonnes pratiques et mesurent leur propre performance à l’aune de cette norme (Jay & Johnson, 2002). La vidéo fournit un aperçu de ces bonnes pratiques.
Il y a potentiellement trois façons d’approfondir et de développer ces modèles de la pratique visée. La première est d’étudier ces exemples vidéo dans le cadre d’une approche d’étude de cas. On y présente aux enseignants un problème ou une situation via vidéo (par exemple, comment pratiquer un apprentissage différencié dans une classe avec un effectif important), en utilisant des documents complémentaires tels que des plans de cours et un travail pour les élèves, et en l’incluant dans des discussions d’analyse. Rendez-vous sur Success at the Core pour un exemple de « cas » potentiels (également développé par EDC et désormais disponible sur Teaching Channel).
La deuxième est de créer des vidéos qui montrent les différents niveaux d’un comportement pédagogique donné et d’aligner ces vidéos sur les rubriques de niveau de performance qui explicitent ces comportements. Nous aidons ainsi les enseignants à voir les différences progressives dans la mise en œuvre d’une pratique spécifique.
Troisièmement, pour les enseignants qui se répartissent entre plusieurs lieux, mais qui ont un accès correct à Internet, des outils tels que Voice Thread (payant), qui permet des discussions synchrones et asynchrones vocales ou écrites, et les outils d’annotation vidéo gratuits disponibles sur le Web tels que VideoAnt et Rabb.it peuvent faciliter une analyse et enrichir un débat à partir d’exemples vidéos filmés dans la classe.
Les coûts et le travail impliqués dans la réalisation de vidéos en classe sont variables et peuvent aller de modestes à très conséquents. Il existe cependant plusieurs sites qui recueillent et conservent des vidéos de bonnes pratiques pédagogiques. On les trouve en général sur YouTube, mais également sur des sites spécifiques tels que Teaching Channel mentionné plus haut.
Outre sa fonction d’aperçu de bonnes pratiques, la vidéo peut servir de miroir permettant aux enseignants d’analyser leur propre pratique et d’en faire l’objet d’une réflexion. En Indonésie, les formateurs d’EDC ont filmé sur plusieurs années des enseignants dans le cadre de l’observation en classe. Les enseignants ont ensuite pu réfléchir à leur pratique en utilisant un protocole et en discutant de leurs observations avec un formateur. La recherche suggère que, lorsqu’elle est considérée dans le cadre d’un objectif précis et axée sur l’interprétation et la réflexion sur la pratique, ce type d’introspection peut permettre aux enseignants de gagner de nouvelles perspectives sur leur propre enseignement (Sherrin, 2004).
De nombreux protocoles de réflexion sur leur propre pratique peuvent être utilisés par les enseignants, tels que le raisonnement et la prise de décision basés sur des faits probants (ERDM). Il existe de nombreuses ressources en ligne pour ceux qui s’intéressent à l’utilisation de la vidéo dans ce but. L’une des meilleures (à mon avis) est le projet Best Foot Forward du Centre de recherches sur les politiques éducatives de l’Université d’Harvard.
Les logiciels de vidéo interactive tels que Skype, utilisés avec une oreillette Bluetooth, peuvent permettre un coaching en live dans la classe. Cette technologie d’« oreillette » virtuelle n’est pas nouvelle, et c’est une approche qui a également été utilisée par EDC en Indonésie entre 2008 et 2010. Nous avions fourni une oreillette et mis en place une communication interactive via Skype pour un coaching formateur-enseignant en live.
Selon les enseignants, ce coaching en live a été bénéfique. En plus d’être gourmand en bande passante, le coaching en ligne, bien plus que le coaching en salle de classe, souffre d’« angles morts ». Les coachs virtuels n’étaient donc pas en mesure de voir tout ce qui se passait « dans la classe ». En dépit de ces difficultés, le coaching virtuel vaut toutefois mieux que l’absence totale de coaching.
Les wébinaires permettent aux enseignants de se « rencontrer » face à face pour partager des idées, collaborer ou simplement faire connaissance (un élément nécessaire à la formation de communautés d’apprentissage). Une interaction vidéo en « face à face » est particulièrement importante dans l’apprentissage en ligne, puisque les apprenants ne se rencontreront peut-être jamais en personne. De puissantes plateformes de wébinaires telles que Captivate, commercialisée par Adobe ou Big Blue Button, gratuite et open-source, permettent aux apprenants de travailler ensemble en plus petits groupes dans des salles distinctes, de chatter, de participer à des enquêtes, de partager des écrans, etc.
Les wébinaires (ou plus exactement les « webcasts ») permettent également aux enseignants de participer de manière synchrone ou asynchrone à des forums, des réunions ou des présentations en ligne avec des collègues ou experts avec lesquels ils n’auraient peut-être jamais été en contact, sur des sujets particuliers (par exemple, bien enseigner).
La vidéo est également un outil puissant d’observation par les pairs qui permet de fournir un feedback et de bâtir des communautés de praticiens. Dans le cadre de l’un des projets d’EDC en Asie du Sud-est, nous avons créé des groupes d’apprentissage en ligne pour compléter les réunions d’enseignants en face à face. Ceux-ci permettent à de petits groupes d’enseignants de se rencontrer en ligne plusieurs fois par an pour partager un exemple de classe [1] de techniques qu’ils ont mises en œuvre, ainsi que leurs observations structurées (via une rubrique analytique et un protocole de feedback) sur ces techniques.
De nombreux enseignants dans le monde se trouvent en situation de devoir enseigner en dehors de leur discipline. De nombreux autres enseignent une matière qu’ils ont étudiée, mais pour laquelle ils ont besoin d’aide. La vidéo est alors souvent une aubaine pour aider ces enseignants à maîtriser le contenu de leurs leçons.
Khan Academy- des vidéos stylées et commerciales, des présentateurs vedettes et des animations (comme celle-ci créée par EDC pour aider les enseignants pakistanais à se familiariser avec les techniques de collaboration [2] et celle-ci d’IREX pour aider les enseignants à enseigner en ligne [3] peuvent assister les enseignants dans l’apprentissage d’un contenu et des procédures qui seraient autrement difficiles à conceptualiser et mettre en œuvre à l’aide d’un simple texte.
Le fait que des enseignants puissent accéder à un contenu vidéo avant de participer à un atelier en personne fait gagner du temps pour la séance formelle en face à face. Cette approche inversée du développement professionnel permet ainsi aux enseignants de participer à un apprentissage plus approfondi basé sur le questionnement et la conception aux côtés de collègues lors de la création, de la pratique et de l’évaluation d’activités de classe ou d’outils basés sur ces informations.
- Les modèles de la pratique visée
- L’auto-évaluation et la réflexion des enseignants
- Le coaching en live
- Le partage entre enseignants
- L’observation par les pairs
- La connaissance du contenu