Comment apprendre si l’on ne comprend pas la langue d’enseignement ?

Une nouvelle application destinée à aider les enfants des zones rurales du Kenya à apprendre dans leur langue maternelle est en cours d’élaboration. Ce blog est le premier d’une nouvelle série présentant les lauréats du programme "l’innovation dans l’éducation en Afrique".

29 avril 2021 par Abdinoor Ali Yerrow, M-Lugha app
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Lecture : 4 minutes
Comment apprendre si l’on ne comprend pas la langue d’enseignement ?

Imaginez un instant que vous vivez dans une communauté rurale ou pastorale et que vous entrez pour la première fois dans une salle de classe dans laquelle la langue d'enseignement est l'anglais ou le swahili, et où l'enseignant ne comprend pas votre langue maternelle.

Au Kenya, avec plus de 80 langues parlées, la plupart des habitants des zones rurales sont confrontés à des problèmes de communication. La mise en œuvre de l'enseignement dans la langue maternelle demeure un défi et, dans la plupart des communautés pastorales et rurales, la langue d'enseignement est soit l'anglais, soit le swahili, ce qui constitue une difficulté pour la plupart des enfants.

Imaginez-vous un instant essayer d'apprendre alors que vous ne comprenez pas ce que dit l'enseignant !

Un problème que je ne pouvais plus ignorer

Je m'appelle Abdinoor Alimahdi. Je suis un jeune kényan de 32 ans, ingénieur en télécommunications. De nombreuses années durant, l’éducation n’était pas mon domaine de prédilection. J’avais une belle carrière dans le domaine des télécoms, occupant un poste de directeur régional quand j’ai quitté ce secteur.

Je ne pouvais plus ignorer le niveau d'inégalité et la crise de l'éducation à laquelle était confrontée ma région : les sempiternels échecs massifs, l'exode massif des enseignants à cause de l‘insécurité, notamment après l'attaque de l'université de Garissa, et surtout une mauvaise maîtrise de la langue d'enseignement.

Comme je n'avais aucune expérience dans le domaine de l'éducation ou de l'enseignement, je me suis inscrit à un master en TIC (technologies de l’information et de la communication) appliquées à l'éducation et la conception pédagogique.

Capture d'écran de l'application

Une nouvelle application pour enseigner dans les langues locales

Quand j’étais enfant et que j'allais à l'école à Garissa, j'ai rencontré des difficultés dues à la barrière de la langue. Plus tard, c’est cela qui m’a motivé à développer une solution pour les apprenants.

M-Lugha (en anglais) est une application multilingue qui propose un apprentissage pour la petite enfance et un programme d'enseignement primaire dans 19 langues locales parlées dans les communautés rurales du Kenya.

L'application aide les enfants de ces communautés à apprendre dans leur langue maternelle, résolvant ainsi le problème de l'alphabétisation dans les régions qui sont confrontées à une pénurie d'écoles et d'enseignants et dont la plupart des enseignants ne parlent pas les langues locales.

Nous allons faire don de 20 tablettes équipées de l’application M-Lugha à 4 écoles dans la localité de Wajir, dans le sud du Kenya. Ces écoles souffrent d'une pénurie d'enseignants. L’une d’entre elle, lorsque que nous l’avons visitée, comptait 2 enseignants pour 80 élèves, tandis que les autres n'avaient qu'un seul enseignant pour gérer l'ensemble de l'établissement.

À l’issue de cette phase pilote, nous entendons entamer la recherche de financements pour étendre le programme à d'autres parties dans le comté et à d'autres comtés nomades.

Nous envisageons également une autre approche qui consisterait à nouer un partenariat avec le ministère de l'Éducation. Grâce à son programme d'alphabétisation numérique, le ministère a équipé plus de 22 000 écoles de tablettes qui sont sous-utilisées.

Une capture d'écran de la version d'essai de l'application. Crédit : Abdinoor Alimahdi
Une capture d'écran de la version d'essai de l'application.
Credit:
Credit: Abdinoor Alimahdi

La version d'essai de l'application a été téléchargée plus de 10 000 fois et les réactions ont été très encourageantes. Je suis heureux que le nouveau programme scolaire du Kenya, qui est basé sur une approche par les compétences, soutienne l'utilisation des langues vernaculaires pour l’enseignement et l'apprentissage.

Nous espérons continuer à développer l'application afin qu’elle soit disponibles dans plus de 30 langues indigènes au Kenya dans les années à venir.

Grâce à la visibilité que nous offre l'exposition sur l'innovation dans l'éducation en Afrique, organisée par l’Union africaine, mon équipe et moi-même avons pu être présentés sur plusieurs blogs africains et invités en tant que panélistes à des webinaires internationaux.

Au cours des 12 prochains mois, nous prévoyons de développer du contenu pour en faire profiter 8 communautés locales supplémentaires, et traduire le programme de la première année du primaire.

Pourquoi faut-il maintenir un financement conséquent de l'éducation ?

Lorsque la pandémie a été déclarée, la plupart des établissements d'enseignement ont été pris au dépourvu, ce qui a conduit nombre d’élèves à interrompre leurs études, notamment dans les zones rurales. Les élèves issus de milieux défavorisés ont été les plus touchés.

Si je pouvais passer 30 secondes avec un chef d'État africain ou un autre leader dans le monde, la seule chose que je lui demanderai serait de financer et de protéger les investissements dans l'éducation et le capital humain, afin de soutenir la capacité de l'Afrique à innover pour sortir de la pandémie et à mieux faire face aux crises futures.

Il est essentiel d’investir dans les TIC, dans l'éducation et dans le renforcement des capacités des acteurs de l'éducation dans le domaine des TIC !

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