Les fondations vont au-delà de la définition étroite de missions caritatives pour plaider en faveur de vastes changements sociaux et politiques.

Selon les données du premier rapport de l'OCDE sur la philanthropie privée pour le développement, publié en 2018, la contribution financière du secteur de la philanthropie à celui de l'éducation était relativement faible par rapport à l'aide publique au développement (APD) et visait principalement les pays à revenu intermédiaire.

Cependant, il a également montré que les fondations privées pouvaient jouer un rôle spécifique dans l'éducation à travers le monde.

Elles peuvent fournir du capital de risque et mobiliser des ressources supplémentaires en faveur de l'éducation, faire entendre la voix des éducateurs de première ligne et produire des connaissances essentielles pour éclairer des politiques éducatives efficaces.

La nouvelle édition de ce rapport (en anglais) de l'OCDE a élargi l'analyse de 143 à 205 fondations - dont 189 sont actives dans le domaine de l'éducation - afin de mettre en lumière les caractéristiques et les tendances émergentes de la philanthropie pour le développement.

Voici quatre tendances à suivre en ce qui concerne la philanthropie pour l'éducation :

1. Les fondations s'engagent comme défenseurs des questions de développement

Qu'il s'agisse de s'assurer que les solutions EdTech sont ancrées dans les sciences de l'apprentissage et largement accessibles, d'intégrer les compétences sociales et émotionnelles dans les programmes scolaires nationaux ou de contribuer à la mise en place de systèmes d'enseignement primaire qui tiennent leurs promesses en matière d'apprentissage fondamental, les ressources de la philanthropie ne sont en aucun cas suffisantes pour accomplir de tels projets à grande échelle.

De nombreuses fondations ont donc trouvé stratégique d'investir dans le plaidoyer (en anglais) pour élargir leur portée.

Selon les données de l'OCDE, une grande partie des fondations privées actives dans le domaine de l'éducation s'engagent dans le plaidoyer - pas moins de 78 % des fondations ayant répondu à l'enquête - et la majorité (plus de 90 %) d'entre elles le font dans l'intention d’éclairer les politiques de l’éducation ou de promouvoir le changement de normes sociales.

Comment agissent-elles ? Par le biais de réseaux ou de collaborations plus larges auxquels elles participent (pour 81 % d’entre elles), en soutenant les efforts de plaidoyer de leurs bénéficiaires et de leurs partenaires (72 %), et par le biais de leurs équipes internes de direction ou de plaidoyer (64 %).

Nombre d'entre elles considèrent la recherche et l'innovation comme des piliers essentiels de leur approche du plaidoyer et du changement de politique : plus de 90 % des fondations pour l'éducation utilisent des projets pilotes de démonstration pour générer des connaissances sur les alternatives politiques qui, si elles s'avèrent efficaces, peuvent être mises en œuvre à grande échelle ; tandis que 87 % soutiennent la recherche comme moyen d'influencer les politiques et les pratiques générales.

Pourquoi les fondations* pour l'éducation s'engagent-elles dans le plaidoyer ? (2016-19)

2. Les fondations intègrent les connaissances et l'apprentissage dans leur travail

Les fondations agissant pour l’éducation investissent dans leurs capacités d'apprentissage. Plus de la moitié des fondations actives dans le domaine de l'éducation de l'échantillon de l’enquête disposent de spécialistes, d'une unité ou d'un service internes dédié à l'évaluation.

La plupart des fondations (plus de 80 %) évaluent au moins 50 % de leurs programmes et/ou financements par le biais du suivi et de l'évaluation, ce qui laisse moins de place à la critique récurrente selon laquelle la philanthropie ne se préoccupe pas suffisamment de documenter ses résultats et d’en rendre compte.

Cependant, l'accent semble rester mis sur l'évaluation de la conception et de la mise en œuvre des programmes plutôt que sur leur impact, et très peu de fondations partagent ouvertement les résultats des évaluations, ce qui limite le potentiel d'apprentissage au sein de la communauté éducative.

Une grande partie des fondations interrogées actives dans le domaine de l'éducation ont également admis être confrontées à des difficultés pour produire des évaluations de qualité (60 %) et traduire les évaluations en enseignements exploitables pour les décideurs politiques (55 %).

Les capacités internes limitées et le manque de transparence restreignent le potentiel des fondations œuvrant pour l'éducation*

3. Les fondations nationales sont de plus en plus reconnues et acquièrent davantage de visibilité

De 2016 à 2019, les dons liés à l'éducation faits par des fondations nationales (que nous définissons comme des fondations actives dans le même pays où elles ont leur siège) ont dépassé les dons des fondations internationales. Ces données sont très prometteuses et cette tendance semble unique au secteur de l'éducation.

Sur un total de 4,5 milliards de dollars US de financement philanthropique lié à l'éducation, 52 % provenaient de la philanthropie nationale basée dans les pays en développement.

Elles peuvent aider les acteurs internationaux qui ne sont pas présents dans le pays à s'orienter dans l'économie politique locale et à identifier des partenaires de choix en première ligne. Ceci est particulièrement vrai dans le secteur de l'éducation, car c'est le secteur le plus financé par les fondations nationales.

En Colombie (en anglais) par exemple, les fondations nationales ont soutenu l'éducation avant tous les autres secteurs, à travers des financements d’un montant total de 221 millions de dollars US entre 2013 et 2018, soit 37 % du total des dons philanthropiques nationaux. En Afrique du Sud (en anglais), cette proportion a atteint 58 % (266 millions de dollars US au total) sur la même période.

4. Les fondations occupent une position unique pour catalyser les partenariats

Dire que les fondations privées favorisent la collaboration n’est pas nouveau. Cependant, selon l'analyse des réseaux (en anglais), le réseau de partenaires des fondations pour l'éducation est vaste et étendu, allant de la société civile et des mouvements communautaires au secteur privé, en passant par les organisations multilatérales et les gouvernements locaux et nationaux, sans oublier les liens étroits tissés avec d'autres bailleurs de fonds du secteur de l'éducation.

De nouvelles données montrent que les fondations œuvrant pour l'éducation mobilisent de plus en plus ce type d'acquis pour soutenir la viabilité financière de leurs bénéficiaires et de leurs partenaires, par exemple en facilitant les connexions avec d'autres bailleurs de fonds privés ou internationaux, ou en rendant plus aisé l’adoption de solutions éprouvées par les collectivités locales lorsque cela est possible.

Il ne fait aucun doute que le secteur philanthropique de l'éducation évolue rapidement et diversifie ses rôles et ses niveaux d'ambition. Les fondations s'engagent dans le plaidoyer pour influencer les politiques et le changement social, produisent des connaissances par le biais du suivi et de l'évaluation, connectent les communautés et œuvrent à la viabilité financière de leurs bénéficiaires et partenaires.

Des ambitions plus larges en termes d'impact et d'échelle s'accompagnent toutefois de défis, notamment à la lumière des préoccupations existantes concernant la responsabilité et la légitimité de la philanthropie dans le changement de politique publique.

Le secteur philanthropique en général, et la philanthropie dans le secteur de l'éducation en particulier, ont encore du chemin à parcourir pour accroître la transparence, adhérer à des normes de suivi et d'évaluation de haute qualité, explorer les connexions avec les écosystèmes de financement qui évoluent vite dans les pays en développement, et traduire l'intention de collaboration en une pratique soutenue d'engagement avec les gouvernements, les bailleurs de l’APD et les parties prenantes au niveau local.

1. Données recueillies pour la période 2016-2019. Toutes les données présentées dans ce blog sont étayées dans le rapport. Les calculs sont basés sur l'enquête de l'OCDE sur la philanthropie privée pour le développement.