Les organisations de la société civile (OSC) ont quitté Dakar remplies d’optimisme pour les trois prochaines années. Après une longue campagne d’implication, d’apprentissage et de lobbying pour augmenter le financement de l’éducation sur tous les continents, le mouvement de la Campagne mondiale pour l’éducation célèbre le fait que pays en développement et États donateurs se soient montrés à la hauteur en faisant d’importantes promesses de contribution au financement de l’éducation.
De nouveaux engagements de la part des pays en développement
Nous avons pu constater que les engagements les plus importants provenaient des pays en développement, pour un total d'environ 30 milliards de dollars de nouveaux financements.
Nous félicitons le leadership décisif du Président du pays organisateur, Macky Sall, qui a promis d’augmenter la part de l’éducation à 25 % du budget national. Le Sénégal a également annoncé une contribution de 2 millions de dollars au GPE, devenant par là-même le premier pays africain dans ce domaine. Nous sommes ravis de voir que le Sénégal montre l’exemple de façon si audacieuse et nous avons hâte de voir d'autres pays en développement accroître la part de leur budget national consacrée à l'éducation et renforcer la solidarité envers le mouvement mondial pour une éducation pour tous.
Les pays donateurs ont eux aussi relevé le défi. J’attire particulièrement l’attention sur les promesses de contribution au fonds de reconstitution de l’UE, du R.-U., de la France, coorganisatrice de l’événement, du Canada, de la Suède, du Danemark et de la Norvège, pour un montant total de 1,6 milliards de dollars. Félicitons également la première contribution des Émirats arabes unis pour 100 millions de dollars. Au total, ce sont 2,3 milliards de dollars promis par les bailleurs sur la période de reconstitution des ressources.
Les fonds doivent bénéficier à ceux qui en ont le plus besoin
Il s’agit assurément d’un succès pour la communauté internationale de l’éducation, et ce chiffre est largement supérieur à ce qui avait été annoncé en 2014. Il faudra néanmoins maintenir cet élan si le GPE veut atteindre sa cible en matière de financement, soit 2 milliards de dollars annuels à l’horizon 2020. Nous savons que les nouveaux engagements importants qui ont été pris, bien que révolutionnaires, ne seront pas suffisants pour venir à bout de la crise de l'éducation. Dans le monde, 264 millions d’enfants et de jeunes restent non scolarisés, la plupart étant des filles ; 617 millions d’enfants sont scolarisés, mais n’acquièrent pas les compétences de base du fait de la qualité médiocre de l’éducation dont ils bénéficient, et plus de 700 millions d’adultes ne savent ni lire ni écrire, dont deux tiers de femmes.
Il est très important que ces ressources atteignent ceux qui en ont le plus besoin, afin de garantir, au cours des trois prochaines années, que davantage de garçons, de filles, de jeunes et d’adultes, en particulier issus des groupes défavorisés, exercent pleinement leur droit à l’éducation.
Nous avons constaté avec plaisir que le discours sur l’inclusion et l’équité était mis en avant lors de la Conférence de reconstitution des ressources de cette année. Ces mots doivent se traduire en actions substantielles au cours des trois prochaines années.
Notre action continue
Nous reconnaissons les défis à relever, mais devons profiter de cet élan pour initier un changement positif. C’est pourquoi, en tant que société civile, nous resterons actifs et vigilants dans le suivi des promesses de contribution au GPE et celui de la réalisation de l'ODD 4. Les OSC sont prêtes à endosser ce rôle, dont nous avons débattu de façon approfondie lors de l’événement que nous avons organisé : « Le financement durable de l’éducation ». L’événement était organisé conjointement par la CME, l'ANCEFA et la COSYDEP, avec le soutien de l'initiative Back-UP Africa de la GIZ.
Réunis à la veille de la Conférence de financement, nous nous sommes retrouvés non seulement pour analyser les différents scénarios de financement et en tirer des recommandations pour la Conférence de reconstitution des ressources, mais également pour préparer les suites de cette conférence. Dans la déclaration conjointe adoptée, nous attirons l’attention sur les aspects clés nécessaires à un financement durable de l’éducation, notamment notre propre rôle.
Nous avons l’intention de rester mobilisés et de poursuivre nos efforts de plaidoyer en appelant les groupes politiques de haut niveau tels que le G7 et le G20 à sécuriser un financement accru pour l’éducation, mais également en veillant à ce que les pays partenaires tiennent leurs engagements.
Les résultats de cet événement ont été partagés avec un public élargi lors de la Plateforme Partenariat du GPE le 1er février. La CME y a présenté certaines de ses principales préoccupations en matière de financement de l'éducation. Nous appelons à une augmentation, entre autres, des éléments suivants :
- la taille des budgets nationaux dans leur ensemble (en élargissant l’assiette fiscale) ;
- la part des budgets consacrée à l’éducation ;
- la prise en compte par les budgets de l’équité et de la qualité, et
- le suivi étroit des budgets afin de garantir la responsabilité.
Les ressources intérieures doivent être accrues et protégées
Pour obtenir une augmentation de ces éléments, nous considérons la justice fiscale comme fondamentale. Des réformes fiscales progressives doivent être mises en place et les mouvements illicites de capitaux, l’évasion fiscale, ainsi que les niches fiscales nuisibles - tous contribuent à la réduction de l'assiette fiscale nationale - doivent cesser.
Ces recettes doivent être rapidement employées pour juguler la crise mondiale de l'éducation, tout en assurant leur intégration et leur protection dans les budgets nationaux, au moyen de cadres juridiques et politiques. Pour en savoir plus, lisez la Convention sur le financement national de l’éducation.
Nous félicitons le Président du Ghana, Nana Akufo-Addo, qui a traduit cette préoccupation dans sa déclaration : « Il y a de l’argent [en Afrique] pour financer l’éducation. Pour cela, il nous faut éradiquer la corruption et les mouvements illicites de capitaux. » La recommandation du GPE de mettre d'avantage l'accent sur des réformes fiscales progressives a également été renforcée par le délégué norvégien à la Conférence, le Ministre du Développement, Nikolai Astrup.
L’éducation doit être gratuite et publique
Parallèlement à la question de la justice fiscale, l’émergence de la génération de profits dans et par l’enseignement public et privé est une préoccupation centrale qui doit être traitée, tandis que l'on constate un flux croissant de ressources publiques vers l’entreprise privée. Non seulement nous voyons des acteurs majeurs faire pression pour des écoles privées peu coûteuses – un coup pour le droit à une éducation publique gratuite de qualité – mais le secteur privé cible de plus en plus les systèmes éducatifs publics comme des marchés rentables.
Nous rejetons toute réforme qui pourrait créer des systèmes éducatifs à plusieurs vitesses et restons confortés dans l'idée que l'éducation est un droit humain élémentaire et doit être financée par les pouvoirs publics, gratuite, de grande qualité et inclusive pour tous.
Nous sommes cependant confiants et pensons que des évolutions positives interviendront dans le secteur de l'éducation. Nous avons ainsi à cœur de veiller à ce que les fonds soient dépensés pour faire progresser l'inclusion, l'équité et la qualité dans les systèmes éducatifs publics.