Ce blog a été co-écrit par :

• Anita Anastacio, responsable d'initiative à la Fondation LEGO
• Talat Mahmud, directeur des programmes, Sesame Workshop
• Erum Mariam, directrice exécutive, Institut de développement éducatif BRAC
• Manar Shukri, responsable technique du développement de la petite enfance, International Rescue Committee
• Hirokazu Yoshikawa, codirecteur du Global TIES for Children Center à l'Université de New York

Les parents jouent un rôle central dans l'apprentissage et le bien-être de leurs enfants, notamment en temps de crise.

Depuis 2018, la Fondation MacArthur, la Fondation LEGO, Sesame Workshop, BRAC, le Comité international de secours et NYU Global TIES for Children s'efforcent d'apporter un apprentissage ludique aux enfants touchés par les crises des réfugiés rohingyas et syriens par le biais des programmes Play to Learn et Ahlan Simsim (« Bienvenue Sésame » en arabe). Le soutien aux parents a toujours été au cœur de notre approche.

Nous savons que les parents sont les premiers enseignants et compagnons de jeu les plus importants dans la vie de leurs enfants, et que l'implication d’un adulte attentionné dans leur éducation est l'un des meilleurs moyens d'aider les enfants à gérer le stress et à renforcer leur résilience en temps de crise.

Nous savons également que d'autres adultes interviennent souvent dans leur éducation dans ces situations. Mais, les parents et ces autres intervenants sont également touchés par la crise, et ils ont besoin d'un soutien spécifique pour répondre à leurs propres besoins tout en s'occupant de leurs enfants.

Pendant la pandémie de COVID-19, alors que de nombreux services nécessitant des interactions directes entre personnes étaient suspendus, nous avons dû nous adapter rapidement et repenser notre approche pour soutenir les parents et tous les autres intervenants confrontés à la double crise du déplacement et de la pandémie.

À l'occasion de la Journée mondiale des réfugiés et du mois de la parentalité, nous nous penchons sur cinq points clés de notre récent travail de soutien aux parents réfugiés. Nous examinons également comment ces enseignements peuvent guider les efforts futurs visant à fournir aux parents et autres intervenants les outils et stratégies dont ils ont besoin pour aider les enfants à apprendre, jouer et s'épanouir, où qu'ils se trouvent.

1. Consulter les experts : s'engager directement auprès des parents pour comprendre et répondre à leurs besoins

Ahlan Simsim et Play to Learn ont commencé par une recherche formative approfondie et ont consulté les parents et les autres intervenants, dans le but d'orienter la conception de notre programme. Dès le début de la pandémie de COVID-19, nous savions que nous devions continuer à nous engager directement auprès de ces derniers pour comprendre et répondre à l'évolution des besoins et des priorités.

Comme de nombreux services en présentiel ont été suspendus, nos travailleurs en première ligne ont dû utiliser leur téléphone pour leur demander quels étaient les défis auxquels ils faisaient face et de quelles ressources ils disposaient pour promouvoir l'apprentissage et le bien-être de leurs enfants à la maison.

L'IRC a constaté que de nombreux parents et éducateurs au Moyen-Orient posaient des questions sur des stratégies pour soutenir l'apprentissage de la lecture, de l'écriture et du calcul ainsi que l'apprentissage socio-émotionnel de leurs enfants, ce qui est devenu un élément central de notre programme d’apprentissage à distance.

Dans les camps de réfugiés rohingyas de Cox's Bazar, la contribution des parents et des éducateurs a permis de développer le modèle de télécommunications du BRAC, Pashe Achhi (« À vos côtés », en bengali), qui se concentre sur le soutien psychosocial, la promotion de l'autonomie et l'engagement des enfants dans un apprentissage ludique.

2. Concevoir des solutions innovantes qui s'appuient sur les besoins des parents et des éducateurs et sur les pratiques déjà mises en œuvre

La suspension de nombreux services directs en présentiel nous a obligés à trouver des moyens novateurs pour rester connectés et fournir des services à distance. La clé a été d'identifier les comportements et les plateformes facilement accessibles et familières aux parents et autres éducateurs, et d'adapter notre travail en conséquence.

Au Moyen-Orient, les données d'évaluation des besoins ont révélé que les parents et les autres intervenants dans le processus d’éducation préfèrent s'engager via WhatsApp, tandis que les appels téléphoniques mobiles se sont avérés être le moyen le plus efficace d'atteindre ces derniers à Cox's Bazar. Chacune de ces adaptations a été un rappel important de ce que nous devrions toujours faire lors de l’élaboration des programmes : concevoir des solutions centrées sur l'humain et adaptées au contexte, aux côtés des communautés que nous soutenons.

Ces adaptations ont également souligné l'importance d'envisager la programmation à distance pour l'avenir, même lorsque les services en personne reprendront. Les premières réactions des parents et autres éducateurs montrent une préférence pour les programmes par téléphone, dans lesquels ils ont pu partager des informations sensibles en privé avec l'animateur ou assister plus facilement à des sessions adaptées à leur emploi du temps.

Nous voyons également la possibilité des modalités à distance, en particulier les interventions par téléphone, de devenir des modèles évolutifs et rentables avec un fort potentiel pour en étendre la portée aux communautés beaucoup plus pauvres et difficiles à atteindre.

3. Prendre soin des parents et des éducateurs : promouvoir leur santé mentale et leur bien-être

Nous savons que le meilleur moyen d'atteindre les jeunes enfants en situation d'urgence est de passer par les personnes qui s'en occupent. Mais avant que ces derniers ne puissent s'occuper de leurs enfants, nous devons nous assurer que leurs besoins fondamentaux sont satisfaits, notamment en matière de santé mentale.

Nos recherches sur la santé mentale des parents et autres éducateurs montrent que la pandémie de COVID-19 les a assez gravement affectés, à travers notamment une augmentation générale du taux de dépression et d'anxiété. Une étude d'Ahlan Simsim a révélé que 4 parents ou éducateurs interrogés sur 5 ont déclaré se sentir dépassés par les tâches quotidiennes, et plus des deux tiers ont déclaré ne pas être patients avec leurs enfants.

S’ils ne bénéficient d’aucun soutien, ces facteurs de stress pourraient avoir de graves conséquences à long terme, tant pour ces derniers que pour les enfants. C'est pourquoi nous avons adapté notre programme à distance en mettant l'accent sur l'apport d'un soutien psychosocial aux parents et autres intervenants, afin de répondre aux problèmes accrus d'anxiété, de stress et d'isolement pendant la pandémie.

Comme nous avons intégré le bien-être des parents et autres éducateurs pour maintenir un certain contact avec eux et les soutenir dès le début de la pandémie, nous avons également accordé une attention particulière au développement des compétences des animateurs à établir des relations avec les parents et les éducateurs, afin de promouvoir des conversations plus ouvertes et significatives sur leurs besoins et leurs difficultés. Ensemble, nous avons développé un système de soins par lequel tous les enfants et les adultes impliqués dans leur éducation ont accès à un soutien psychosocial.

Nos données suggèrent que cet accent mis sur la santé mentale et le bien-être des personnes intervenant dans l’éducation des enfants améliore la qualité des modèles téléphoniques axés sur l'interaction parent-enfant. En outre, parents et éducateurs déclarent attendre avec impatience les appels avec nos animateurs et apprécier cette occasion de poser des questions, de partager leurs préoccupations et d'obtenir des conseils pour une implication positive dans l’éducation de leurs enfants.

4. Faire participer les pères et les mères à la promotion du développement de l'enfant

L'engagement des pères dans l'apprentissage et le développement de leurs enfants a été peu soutenu dans les contextes humanitaires. Cependant, nos données récentes, tant au Bangladesh qu'au Moyen-Orient, indiquent que les pères s'intéressent vivement à l'éducation, au développement et à la protection de leurs enfants. Les pères se disent fiers de la participation de leurs enfants aux programmes Ahlan Simsim et Play to Learn, et ils ont de grandes aspirations pour l'avenir de leurs enfants, aussi bien pour les filles que pour les garçons.

En outre, lors de consultations avec les pères en préparation d’un nouveau modèle d'engagement Play to Learn (« Jouer pour apprendre »), nous avons constaté que ces derniers ont exprimé le désir d'apprendre comment favoriser des relations pacifiques et basées sur une bonne communication entre les parents pour créer des foyers stables et stimulants pour leurs enfants.

La recherche d'Ahlan Simsim a également révélé que les pères ont confirmé leur intérêt à participer à des programmes d'éducation parentale adaptés à leur emploi du temps chargé. Ces résultats démontrent la nécessité d'investir davantage dans le développement de la petite enfance et le soutien parental tant pour les pères que pour les mères.

5. Le pouvoir du jeu comme vecteur non seulement de l'apprentissage, mais aussi de la santé mentale et du soutien psychosocial

Le jeu est un élément essentiel de l'enfance et l'un des principaux moyens d'apprentissage des enfants. Mais pour les familles touchées par une crise, nous savons que le jeu peut également servir d'outil de guérison. Les recherches montrent que le jeu est non seulement essentiel au développement sain de l'enfant, mais que les expériences ludiques aident également les enfants et les adultes à faire face aux périodes de crise en réduisant le stress, en offrant un exutoire à l'anxiété et en renforçant leurs compétences socio-émotionnelles et leur résilience.

Le jeu offre également aux parents et autres éducateurs la possibilité de s'engager auprès des jeunes enfants et de leur répondre, ce qui, selon les recherches, est le meilleur moyen d'atténuer les effets du stress et des traumatismes dans les premières années de l'enfance. Notre expérience indique que l'intégration du jeu et du bien-être est fondamentale pour une implication positive des familles et pour que les enfants et les adultes se sentent valorisés.

Nos programmes ont toujours été axés sur la promotion d'une parentalité ludique, mais la pandémie de COVID-19 a souligné l'importance de cette approche et amplifié la nécessité de fournir aux personnes intervenant dans l’éducation des enfants des ressources et des stratégies ludoéducatives pour soutenir l'apprentissage et le bien-être des enfants à la maison.

Pendant la pandémie, nous avons conçu et testé de nouvelles façons de fournir un soutien parental ludique, et nous nous sommes engagés à produire et à partager des données probantes de ce qui fonctionne et de ce qui peut être le plus efficace pour étendre le soutien aux familles touchées par les crises, où qu'elles se trouvent.

Nos projets pour l'avenir

En fin de compte, le soutien au développement de la petite enfance basé sur le jeu doit être une composante essentielle de la réponse humanitaire pour tous les enfants et toutes les personnes s'occupant d'enfants touchés par une crise. Pour faire de cet objectif une réalité, il faudra que les bailleurs de fonds publics et privés, les acteurs humanitaires et les gouvernements du monde entier s'engagent à :

• Créer des voies significatives pour soutenir le leadership des parents - et autres personnes intervenants dans l’éducation des enfants - et de la communauté dans la conception et l'adaptation des programmes ;
• Maintenir une flexibilité programmatique pour tenir compte de l'évolution des conditions et des besoins
• Reconnaître et répondre aux besoins uniques en matière de santé mentale des éducateurs en situation de crise
• Trouver des moyens adaptés au contexte pour faire participer les pères et les mères à l'apprentissage et au développement des jeunes enfants
• Adopter le pouvoir du jeu comme la pierre angulaire qui permet aux enfants de prendre un départ sain et heureux dans la vie.

Sesame Workshop est l'organisation à but non lucratif derrière Sesame Street qui a pour mission d'aider les enfants du monde entier à devenir des personnes plus intelligentes, plus fortes et plus gentilles. Sesame Workshop propose des programmes de qualité pour la petite enfance dans plus de 150 pays.

Global TIES for Children, est un centre de recherche international qui a pour objectif de contribuer à une science meilleure et fondée sur la culture pour des programmes et des actions politiques qui favorisent l'apprentissage et le développement global des enfants dans les pays à faible revenu et les pays touchés par des conflits.