4 enseignements tirés des évaluations de la réponse du secteur de l'éducation à la crise d’Ebola

Ce troisième blog de la série portant sur les enseignements tirés de la réponse du secteur de l'éducation après l'épidémie d'Ebola en Afrique de l'Ouest examine les conclusions de certaines évaluations et met en évidence quatre constatations qui pourraient être utiles dans le cadre de la réponse à l'épidémie de coronavirus.

20 avril 2020 par Joe Hallgarten, Education Development Trust
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Lecture : 6 minutes
Un élève résolvant des exercices de mathématiques. Sierra Leone. Janvier 2015.
Un élève résolvant des exercices de mathématiques. Sierra Leone. Janvier 2015.
Credit: PME/Stephan Bachenheimer

À noter : presque tous les liens inclus dans ce blog vont vers des ressources en anglais.

Face à la pandémie de coronavirus, les recommandations en matière d'éducation semblent se propager aussi rapidement que le virus lui-même. Cependant, peu d'entre elles semblent se fonder sur des données probantes portant sur des systèmes scolaires qui ont effectivement connu une période de fermeture.

En réalité, jusqu'au mois dernier, il semblait qu'une grande partie du monde de l'éducation ne se préoccupait pas particulièrement des effets des épidémies de maladies telles que le H1N1 ou le virus Ebola sur l'éducation, et cela malgré les efforts extraordinaires déployés par les personnes directement concernées. Notre complaisance collective semble maintenant quelque peu malavisée, car nous essayons désormais tous de tirer rapidement les leçons du passé, afin de nous adapter à la réalité à laquelle nous sommes actuellement confrontés.

Le programme Knowledge for Development du DFID a commandé un certain nombre d'études rapides en vue d'éclairer les réponses apportées par le secteur de l'éducation au COVID-19. Mon rapport se concentre sur les efforts visant à atténuer l'impact des précédentes épidémies de maladies sur le système éducatif, en se concentrant sur les apprenants en âge de scolarisation. La quasi-totalité de la documentation utilisée porte sur le virus Ebola et son impact en Guinée, au Liberia et en Sierra Leone.

Comme on peut s'y attendre, ces épidémies ont des répercussions négatives sur l'apprentissage, la sécurité et le bien-être des enfants. Ces effets sont résumés dans le tableau ci-dessous, adapté du modèle de l'ACAP.

Tableau adapté du modèle de l'ACAP.

Il n'est pas surprenant qu’un nombre disproportionné d’enfants parmi les plus pauvres et les plus vulnérables soient affectés par les épidémies.

Ils font plus souvent face à des situations où ils apprennent moins, mangent moins, sont victimes d'exploitation et d'une augmentation de la violence domestique et communautaire. Ce coût négatif des épidémies est encore plus important pour les filles, en raison de l'augmentation du nombre d’abus sexuels, de grossesses et de mariages précoces.

Les solutions proposées d'enseignement à distance, qu'elles soient basées sur des technologies de pointe ou non, sont souvent indirectement discriminatoires à l'égard des filles en raison de la dynamique de pouvoir au sein des familles. Et lors de la réouverture des écoles, les enfants et les filles les plus pauvres ont moins de chances d'y retourner, les taux d'abandon scolaire augmentent, en partie à cause de la peur, de la stigmatisation et, dans certains cas, de l'exclusion délibérée.

Mesures d'atténuation

Dans le cadre de notre étude, nous avons divisé les mesures d'atténuation en trois catégories :

  • Amélioration - Réponses à la crise lorsque la plupart ou la totalité des écoles sont fermées
  • Réparation - Efforts de relèvement lors de la réouverture des écoles
  • Préparation - Atténuer les risques en matière d'éducation en cas de futures épidémies.

En m'éloignant quelque peu du cadre strict d'un examen fondé sur des données probantes, je voudrais ici, à titre indicatif, formuler quatre suggestions. Ces idées s'appuient sur des blogs antérieurs sur la Sierra Leone, ainsi que sur le document de réflexion destiné aux décideurs politiques de l'Education Development Trust et sont étayées par des exemples tirés de la pratique.

1. Le numérique n'a pas tué les stars de la radio.

Notre étude n'a pas trouvé d'éléments prouvant que l'apprentissage en ligne, les technologies basées sur l'écran ou le téléphone portable avaient joué un rôle positif dans le soutien à l'apprentissage à la maison pendant la crise d’Ebola. L'étude de Save the Children sur les technologies de l’éducation (Ed-tech) lors de crises prolongées a montré que le manque de données probantes de haute qualité sur l'impact est encore plus important dans de telles situations.

La rhétorique basée sur l'affirmation qu'il s'agit d'un « grand moment des technologies de l’éducation » semble quelque peu déplacée dans les pays à faibles revenus. Dans ces contextes, les données probantes sur l'impact de la radio sont bien plus encourageantes. L'UNICEF estime que plus d'un million d'enfants ont été touchés par l'éducation radiophonique pendant le virus Ebola.

À Kailahun, l'un des districts les plus pauvres de Sierra Leone, un projet existant intitulé « Se préparer pour l'école » a rapidement été transformé en programme radio : Pikin to Pikin Tok (Discuter d'enfant à enfant). Les trente-six « jeunes animateurs » du projet ont créé des contenus en trois langues. Des radios ont été distribuées à 252 autres animateurs qui ont créé des groupes d'écoute. L'évaluation finale de ce projet a montré un niveau élevé de participation des enfants et un fort consensus des adultes sur le fait que le programme avait contribué à l'apprentissage des enfants. Ce programme, selon ses fondateurs, « illustre comment l'investissement dans de petites organisations, qui fonctionnent déjà avec succès et qui ont établi des relations de confiance avec les communautés et les autorités, peut produire des résultats pendant et après une crise humanitaire ».

2. L'apprentissage à distance des enseignants pourrait être plus abordable et plus efficace que l'apprentissage à distance des enfants.

Au regard des données publiées sur l'efficacité de certains programmes d'apprentissage professionnel dans les situations de conflits prolongés, nous n'avons étonnamment trouvé aucun exemple d'approche soutenant la formation à distance des enseignants et la formation professionnelle dans des contextes d’urgence liées aux maladies.

Dans les pays à faible revenu, l'omniprésence croissante des dispositifs d’accès à Internet chez les enseignants signifie que la formation professionnelle basée sur la technologie progresse probablement plus rapidement que l'utilisation de la technologie dans l'enseignement destiné aux enfants.

Les programmes de l'Education Development Trust au Kenya et au Rwanda utilisent déjà des smartphones et des cartes SD chargées de vidéos de pratiques d'enseignement pour soutenir la formation, le mentorat et les communautés de pratique. Là où les infrastructures et les relations préexistent, comme dans le cadre de ces programmes, les fermetures d'écoles pourraient être l'occasion de tester des approches à distance pour améliorer les compétences des enseignants, de les associer à une formation en présentiel lorsque les enseignants sont autorisés à se réunir à nouveau, et - surtout - d'intégrer cette formation dans la formation professionnelle continue en classe lorsque les écoles rouvrent.

Durant la crise d'Ebola en Sierra Leone, des programmes éducatifs radiophoniques ont été utilisés pour permettre aux élèves de continuer à apprendre. Crédit : PME/Ludovica Pellicioli
Durant la crise d'Ebola en Sierra Leone, des programmes éducatifs radiophoniques ont été utilisés pour permettre aux élèves de continuer à apprendre.
3. L'éducation ne peut pas attendre, mais le soutien psychosocial non plus.

Pendant le virus Ebola, les enfants, en particulier ceux qui ont été mis en quarantaine, ont souffert d'isolement social et de stress post-traumatique, et il a été fait état de frustrations personnelles et familiales plus importantes. Si la plupart des interventions en matière d'éducation visent à améliorer à la fois le bien-être et l'apprentissage, il se peut que le premier aspect doive être privilégié dans les situations d'urgence liées à la maladie.

Quelques programmes d'apprentissage informel comprenant un soutien psychosocial ont eu un impact durable. Au Liberia, par exemple, dans le cadre d’un programme d'éducation et de sensibilisation à la consolidation de la paix, 241 jeunes volontaires ont été réaffectés pour soutenir l'éducation à la santé pendant et après la fermeture des écoles à cause du virus Ebola. Le fait que la formation des volontaires ait eu lieu avant le virus Ebola et leur compréhension du contexte dans lequel vivent ces communautés ont été des facteurs déterminants de la réussite de leur engagement.

Au Libéria, un autre programme de soutien psychosocial par les arts destinés aux enfants a démontré une diminution statistiquement significative des symptômes de mauvaise santé mentale signalés. Parallèlement, dans le Nord-Kivu, en République démocratique du Congo, des directeurs d'école et des enseignants ont été formés à ce que l'OMS appelle les « premiers secours psychologiques ».

En Sierra Leone, un programme axé sur le genre a rapidement été transformé en un cours quotidien d'une heure portant sur les compétences de la vie courante, la santé sexuelle et reproductive et l'apprentissage professionnel. Les cours ont été dispensés dans des espaces sûrs dans les villages et ont permis à 4 700 adolescentes d’y participer. Après la crise, les taux d'inscription scolaire n'ont diminué que de 8 % dans les villages qui avaient reçu les cours, contre 16 % dans les villages qui n'avaient pas bénéficié de l'intervention.

4. Des données fiables, des éléments probants et des évaluations sont des investissements solides à long terme.

Le manque de données probantes de bonne qualité sur l'impact, bien que compréhensible dans les contextes de crise et de relèvement, rend plus difficile le lancement d'une réponse au COVID-19 dans le secteur éducatif dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire de la tranche inférieure.

En nous appuyant sur la base de données plus complète sur les efforts visant à atténuer l'impact d'autres situations d'urgence sur le secteur de l'éducation (telles que les conflits et les catastrophes naturelles), nous devrions en apprendre davantage sur ce qui est le plus pertinent, transférable et adaptable aux situations d'urgence liées aux maladies. Si les contraintes en matière de capacités et de ressources vont inévitablement inciter à prioriser l'action plutôt que la recherche, les bailleurs de fonds qui sont en mesure d’affecter des fonds suffisants à l'évaluation dans le cadre de nouvelles réponses rapides ou de permettre aux évaluations de programmes en cours d’être adaptées pour tenir compte de l'évolution de la situation, pourraient constater que ces efforts offrent un bon retour sur investissement social à long terme si et quand la prochaine épidémie se présentera.

Au-delà des évaluations, des crises telles que les épidémies peuvent être l'occasion de mettre davantage l'accent sur les aspects de la réforme du secteur éducatif relatifs au renforcement des données disponibles. Le fait que les trois pays les plus touchés par le virus Ebola aient ainsi établi et maintenu une meilleure culture de l'utilisation des données qui pourrait leur être utile dans la gestion de la crise actuelle nous incite peut-être à être optimistes. Malgré les pressions exercées sur la réaffectation des ressources, il est essentiel de veiller à ce que les activités portant sur le renforcement des données restent prioritaires.

L'Education Development Trust travaille activement avec le DFID et d'autres acteurs pour approfondir la réflexion sur les meilleures pratiques en matière d'enseignement à distance, de formation professionnelle en ligne des enseignants et de planification des effectifs. Dans cette période critique, nous adaptons aussi nos propres programmes et continuons à soutenir les ministères de l'Éducation, les directeurs d'école et les enseignants pour qu'ils fassent des choix avisés et fondés sur des données probantes.

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Very informative with practical and accessible ideas to engage us

Great blogpost, Joe. My question is: how do you generate evidence of impact in a lockdown? I'm not convinced by telephone surveys of students' learning.

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