Les lois sont importantes pour fournir aux femmes une protection juridique contre les violences conjugales et le harcèlement sexuel, et elles signalent un engagement à atteindre la cible de l'Objectif de développement durable consistant à mettre fin d’ici 2030 à toutes formes de violences et de pratiques nuisibles contre les femmes et les filles.
Tous les deux ans, la Banque mondiale publie des données sur ces lois et d’autres protégeant les femmes contre la violence, dans le cadre de sa série de rapports sur Les femmes, l’entreprise et le droit. Le prochain rapport et les données détaillées au niveau des pays devraient sortir dans quelques semaines, mais certains résultats sont déjà disponibles, et ils donnent à réfléchir.
Davantage de textes de loi, mais une protection encore insuffisante
Une étude récente financée en partie par le Partenariat mondial pour l’éducation offre une analyse des tendances en termes de protection juridique des femmes contre les violences conjugales et le harcèlement sexuel au niveau mondial et régional. L’analyse repose sur des données de 2013 à 2017 portant sur les lois contraignantes et les règlementations applicables dans 141 pays. Si elle reconnaît un fossé souvent large entre la loi et la pratique, l'évaluation comparative de la protection juridique contre les violences conjugales et le harcèlement sexuel est basée sur la lettre de la loi et non sur son application ou mise en œuvre.
Quelques constats ressortent :
• Si la part de pays comportant des lois sur les violences conjugales s'est élargie au cours des quatre dernières années, la protection juridique complète demeure peu fréquente lorsqu’on prend en compte des types d’abus spécifiques. Les lois portant sur les violences sexuelles comme forme de violences conjugales sont absentes dans plus d'un pays sur trois. En ce qui concerne la violence économique (lorsqu’un partenaire homme restreint la capacité d’accès d'une femme aux ressources économiques comme moyen d’intimidation et de coercition), la moitié des pays ne possèdent pas de législation spécifique. Pour deux pays sur trois, des partenaires intimes non mariés ne sont pas protégés par les lois contre les violences conjugales.
• En conséquence, plus d’un milliard de femmes manquent de protection juridique contre les violences sexuelles perpétrées par un partenaire intime ou un membre de la famille, et près de 1,4 milliard manquent de protection juridique contre les violences économiques au sein du couple. Par ailleurs, dans de nombreux pays, même lorsque les femmes mariées sont protégées contre les violences conjugales, les femmes non mariées impliquées dans une relation intime ne sont pas protégées.
• La part des pays possédant des lois contre le harcèlement sexuel a également légèrement augmenté au cours des quatre années passées, et pourtant un pays sur cinq n’a pas de loi spécifique contre le harcèlement sexuel au travail. La proportion est de six pays sur dix quand il s’agit d'absence de lois contre le harcèlement sexuel dans l'éducation et de quatre pays sur cinq pour le harcèlement sexuel dans les lieux publics. Les peines criminelles en matière de harcèlement sexuel sont appliquées uniquement dans les deux tiers des pays, et dans moins de la moitié pour le harcèlement sexuel au travail.
• En conséquence, les estimations sur le nombre de femmes sans protection juridique contre le harcèlement sexuel au travail, dans l’éducation et dans les lieux publics se montent respectivement à 359 millions, 1,5 milliard et 2,2 milliards (à des fins de comparaison, les statistiques sont basées sur la population des femmes âgées de 15 ans et plus). Les estimations sont plus élevées lorsqu’on prend en compte l’absence de peines criminelles pour les auteurs.
Le harcèlement sexuel et la violence sont des obstacles à la scolarisation des filles
Le manque de lois adaptées, surtout dans le secteur de l’éducation, ainsi que l'application inadéquate de la loi lorsque celle-ci existe, peut avoir des conséquences dramatiques pour les adolescentes.
Dans certaines régions, la crainte qu'ont les filles de se faire harceler ou agresser sur le chemin de l'école ou au sein de l’établissement est mentionnée par les parents comme une des raisons du décrochage scolaire des filles avant l’achèvement du cycle secondaire.
Le traumatisme dû au harcèlement et à l’exclusion qui peut résulter de grossesses hors mariage dans les cas d’agression, peut être dévastateur pour les adolescentes, mettant ainsi en danger leur avenir et les opportunités qu’elles peuvent avoir tout au long de leur vie.
Dans certains cas, la crainte du harcèlement et des abus sexuels à l’école peut contribuer non seulement au décrochage des filles, mais également au mariage précoce et à toutes les conséquences négatives que ce dernier peut engendrer.
Si les lois contre les violences conjugales et le harcèlement sexuel ne sont pas suffisantes pour mettre fin à ces formes d'abus, elles constituent une étape importante que les pays peuvent et doivent franchir sur la voie de l'élimination des violences contre les femmes et les filles.