Zanzibar : donner la priorité aux plus jeunes élèves
POINTS CLÉS
- En 2006, Zanzibar a rendu obligatoire deux années d’enseignement préscolaire et a donné la priorité à l’accès et à la qualité de l’éducation avec le soutien de ses partenaires, notamment USAID, Sida et le GPE.
- En plus d’ouvrir des classes de maternelle dans les écoles primaires, Zanzibar a mis en place des centres communautaires préscolaires dans le cadre du programme TuTu, l’abréviation de Tucheze Tujifunze (« apprendre par le jeu ».)
- Le programme TuTu a été essentiel à l’expansion de l’accès à l’enseignement préscolaire, en particulier pour les enfants vivant dans les régions reculées et mal desservies. En 2023, le taux de scolarisation en maternelle était de 87 %, soit une hausse significative par rapport aux 15 % en 2006.
Cet article a été rédigé en collaboration avec le ministère de l’Éducation et de la Formation professionnelle de Zanzibar et l’Agence suédoise d’aide au développement international (Sida).
« Mon école s’appelle l’école TuTu. Ma maîtresse s’appelle Maîtresse Mati. À l’école, je chante, je lis et je joue. »
Il est 6 heures du matin et Faizat, 3 ans, la plus jeune de la famille, se prépare pour aller à l’école. Avec un peu d’aide, elle fait sa toilette, s’habille et prend son petit-déjeuner. Sa mère lui prépare ensuite son déjeuner à emporter, lui fait un câlin et la regarde parcourir le trajet d’une minute à pied qui la sépare de son école maternelle, le Centre TuTu de Kikaangoni. Faizat passe devant les maisons des voisins et descend un petit chemin bordé de bananiers, retrouvant des camarades de classe en cours de route.
Avant d’entrer dans le bâtiment, les élèves et les enseignants se regroupent et chantent une chanson. Les élèves se mettent ensuite en rang devant l’école avant d’entrer à tour de rôle dans leur salle de classe, remplie d’affiches colorées, de livres et de jouets.
« L’enseignement préscolaire est important, car c’est là que Faizat va découvrir la vie scolaire. À la maison, les enfants acquièrent des habitudes auprès de leurs parents et de leurs amis dans le quartier, mais quand ils vont à l’école maternelle, ils apprennent à interagir avec des enseignants et les autres élèves. La maternelle facilite également le travail du prochain enseignant, car les enfants seront habitués aux principes de base de l’écriture et au fait de devoir être attentifs. »
Prioriser l’apprentissage préscolaire
En 2006, Zanzibar a rendu obligatoire deux années d’enseignement préscolaire, en accordant la priorité au rôle que joue cet apprentissage dans l’acquisition des compétences fondamentales. Le taux de scolarisation, qui était de 15 %, a commencé à augmenter, tout comme la demande à l’égard des infrastructures scolaires.
Le gouvernement a donc mobilisé des ressources, travaillé avec des partenaires et commencé à ouvrir des classes de maternelle dans toutes les écoles publiques d’enseignement primaire.
Le programme de développement de l’éducation de Zanzibar pour la période 2008-2016 a établi la politique d’éducation à long terme afin d’en orienter la mise en œuvre.
« L’enseignement préscolaire est le socle qui aidera un enfant à réussir. Les enfants peuvent y apprendre par le jeu, s’habituer à l’environnement scolaire, tisser une relation avec leur enseignant et comprendre qui ils sont et où ils sont, avant même de commencer l’école primaire. »
Rendre l’apprentissage préscolaire accessible à tous les enfants
En finançant le programme TuTu, USAID a joué un rôle essentiel qui a permis à Zanzibar de rapidement élargir l’accès à l’enseignement préscolaire. TuTu est l’abréviation de Tucheze Tujifunze, ce qui signifie « apprendre par le jeu ».
Le programme a commencé dans les centres communautaires, avec des tuteurs formés qui utilisaient l’instruction interactive à la radio pour dispenser un enseignement préscolaire. Les leçons et la radiodiffusion ont été rendues possibles grâce à un projet de 4 millions de dollars américains mené par USAID, intitulé Radio Instruction to Strengthen Education ou RISE (Instruction radiophonique pour renforcer l’éducation), sur la période 2006-2010.
Nécessitant moins de temps et de ressources, la mise en place des centres TuTu a été plus rapide que celle des salles de classe maternelles dans les écoles, ce qui a permis à un plus grand nombre d’enfants de bénéficier de l’enseignement préscolaire nouvellement obligatoire, en particulier dans les régions reculées et mal desservies.
Une étude d’impact en 2009 a montré que les enfants fréquentant les centres TuTu présentaient de meilleures compétences en kiswahili, en anglais et en maths que ceux qui ne les fréquentaient pas. Conforme au programme préscolaire de Zanzibar, le programme TuTu enseigne également des compétences de la vie, ce qui aide les enfants à acquérir certaines aptitudes comme la socialisation.
« USAID a investi dans les centres TuTu dans le but d’aider Zanzibar à accroître l’accès à un enseignement préscolaire de qualité. Nous avons opté pour un modèle communautaire, car nous voulions aller chercher les enfants là où ils étaient, et les locaux ont été désignés par la communauté et le gouvernement. Face au succès du modèle, le gouvernement a proposé le programme à d’autres bailleurs de fonds. USAID a permis de créer 180 centres TuTu, et on en compte aujourd’hui près de 400, grâce au levier de financement. »
Des organisations de la société civile, comme Madrasa Early Childhood Programme – Zanzibar (MECP-Z), ont joué un rôle essentiel en aidant les communautés à créer des centres TuTu. En collaboration avec le gouvernement et des partenaires comme USAID, MECP-Z a donné les moyens aux membres de la communauté d’ouvrir leurs centres et d’en assurer la gestion de façon pérenne. En 2012, plus de 150 centres TuTu étaient opérationnels.
Travailler en partenariat pour améliorer l’éducation
L’approche de partenariat du GPE et ses mécanismes de financement étaient alignés sur les ambitions de Zanzibar qui voulait renforcer la coordination sectorielle et harmoniser ses ressources, de manière à déployer à grande échelle des initiatives aussi réussies que le programme TuTu. En 2013, la Tanzanie (continentale et Zanzibar) est devenue partenaire du GPE.
Le premier financement accordé par le GPE à Zanzibar de 4,9 millions de dollars pour la période 2013-2017 a été géré par l’Agence suédoise d’aide au développement international (Sida) et visait à améliorer l’équité de l’accès à un enseignement préscolaire de qualité.
Grâce au financement du GPE et au soutien coordonné de ses partenaires, Zanzibar a ouvert 120 centres TuTu supplémentaires, permettant de scolariser près de 16 000 enfants. Plus de 180 nouvelles leçons à la radio ont été élaborées, et 290 tuteurs ont été formés à l'instruction radiophonique et ont appris à intégrer des jeux, des chansons, des histoires interactives et des activités physiques dans le processus d’apprentissage. Plus de 330 enseignants ont également été formés pour qu’ils puissent dispenser un enseignement préscolaire dans les écoles primaires.
« J’ai appris plusieurs méthodes d’enseignement, ainsi que comment créer une relation avec les enfants et comment préparer l’environnement éducatif de la classe. Pour les leçons à la radio, qui portent notamment sur l’environnement, les mathématiques et le kiswahili, les enfants écoutent d’abord puis participent à la leçon, ce qui peut être une chanson, par exemple, avant que je poursuive l’instruction. »
Développer l’accès à l’apprentissage préscolaire
Bien que le taux de scolarisation en maternelle ait augmenté de manière globale, les districts ruraux accusaient un certain retard. Le deuxième financement accordé par le GPE à Zanzibar de 15 millions de dollars pour la période 2018-2024, géré par Sida, visait à permettre à un plus grand nombre d’enfants d’accéder à l’école primaire au bon âge et avec déjà deux ans d’enseignement préscolaire, en particulier dans les régions où les besoins sont élevés.
Avec le soutien du GPE, Zanzibar a augmenté le nombre de classes de maternelle dans le secteur public, passant de 279 en 2014 à 866 en 2023, tandis que le nombre de centres TuTu est passé à 394.
Afin d’améliorer la capacité des institutions à assurer un enseignement préscolaire, le personnel des centres TuTu a été formé à la façon de gérer les fonds reçus sous forme de financements de petite envergure. De plus, un outil de surveillance a été mis en place dans le but d’évaluer l’environnement éducatif et les pratiques d’enseignement.
Pour augmenter le nombre d’enfants scolarisés, il a également fallu une forte mobilisation des parents et de la communauté. Le gouvernement et les partenaires continuent de sensibiliser l’opinion à l’importance de l’enseignement préscolaire, et de former les parents et les comités scolaires à la façon de collaborer pour appuyer l'éducation maternelle.
Le programme TuTu, qui a commencé de manière informelle dans des centres communautaires avec des bénévoles formés en tant qu’animateurs, est désormais un programme officiel. Le gouvernement considère les centres TuTu comme des écoles publiques d’enseignement préscolaire et accorde aux animateurs le statut d’enseignants du préscolaire.
« Grâce au soutien du GPE apporté aux centres TuTu, des enfants dans des régions reculées et difficiles à atteindre ont pu avoir accès à l’enseignement préscolaire, car la distance pour aller à l’école a été réduite. Désormais, la plupart des élèves scolarisés au primaire ont eu accès à un éducation préscolaire, ce qui facilite chez eux l’acquisition des compétences. »
« Alors que de plus en plus d’élèves arrivent en première année de primaire en ayant bénéficié d’une éducation préscolaire, nous constatons une amélioration du taux de rétention. Ces trois dernières années, le taux de décrochage en première année a baissé de 2,9 % à 0,7 %. »
Améliorer la qualité de l’apprentissage
Tout en augmentant l’accès à l’apprentissage préscolaire, Zanzibar fait le suivi de la qualité des apprentissages. En 2016, une analyse sectorielle a démontré que la plupart des élèves n’acquéraient pas les compétences indiquées dans le programme scolaire, ce qui a mené à une refonte de celui-ci. Grâce au financement du GPE, Zanzibar a mis au point un cadre de programmes axés sur les compétences définissant les acquis scolaires et les normes minimales pour chaque niveau d’éducation.
En 2022, une autre analyse sectorielle a conduit le gouvernement et ses partenaires à renforcer l’efficience et l’efficacité de la mise en œuvre du programme révisé, de même que les évaluations des acquis scolaires, ce qui a été en partie financé par le GPE. Le financement du GPE de 11,8 millions de dollars pour la période 2023-2027 est guidé par la réforme prioritaire du Pacte de partenariat de Zanzibar qui vise à améliorer les compétences fondamentales.
Le Pacte de partenariat marque l’engagement du gouvernement de Zanzibar et de ses partenaires à veiller à l’alignement et à l’harmonisation des ressources dans le but de mettre en œuvre le programme scolaire. Grâce à une meilleure coordination sectorielle, un plus grand nombre d’élèves bénéficient d’un apprentissage préscolaire de qualité et sont préparés à l’éducation primaire.