Rendre l’éducation plus inclusive en Mongolie : à la rencontre d’Oyunjargal
Points clés
- Comme beaucoup d'élèves en situation de handicap, Oyunjargal, 17 ans et atteinte de déficience auditive, n’était jamais allée dans une école ordinaire jusqu'à récemment.
- Le GPE a soutenu le plaidoyer des organisations de la société civile en Mongolie en faveur d’une éducation plus inclusive, en promouvant notamment des campagnes de sensibilisation sur les droits des enfants.
- En 2019, de nouvelles mesures visant à rendre l’éducation plus inclusive ont permis aux enfants en situation de handicap d’exercer leur droit à l’éducation. En 2021, plus de 80 % de ces enfants étaient scolarisés.
Ce récit a été rédigé en collaboration avec All4Education et Oxfam Danemark.
Aux premiers jours du printemps, quelques restes de neige recouvrent encore le sol du village d'Arbulag dans le nord de la Mongolie, où Oyunjargal, âgée de 17 ans, vit avec sa famille. Elle regarde son père rassembler le troupeau et plus tard, elle aidera à préparer le dîner et profitera de son temps libre avant d'entamer une nouvelle semaine d’école.
Atteinte de déficience auditive, Oyunjargal, comme beaucoup d'élèves en situation de handicap en Mongolie, était confrontée à des obstacles considérables pour pouvoir aller dans une école ordinaire, jusqu'à récemment. Ce n’est que depuis 2019 que le droit des enfants en situation de handicap à fréquenter une école ordinaire a été pleinement inscrit dans les politiques éducatives.
Avant cela, ces enfants étaient orientés vers l’une des six écoles spécialisées, toutes situées dans la capitale, trop loin d'Arbulag où vit Oyunjargal. Ces écoles étant hors de portée pour beaucoup d’enfants en situation de handicap et les écoles ordinaires n’étant pas obligées de les accepter, une association de parents d’enfants handicapés a créé des centres informels de développement pour enfants.
Oyunjargal a étudié dans l’un de ces centres, et est restée en dehors du système éducatif formel jusqu’en 2021. C’est alors qu'âgée de 15 ans, elle a été scolarisée en 9e année à l’école Ireedui 21, située dans la ville la plus proche, Murun, à 80 kilomètres d'Arbulag. Comme l’école est loin de chez elle, elle a dû emménager chez sa sœur qui vit plus proche de l’école, et rend visite à sa famille pendant les weekends.
Rendre l’éducation plus inclusive
Une éducation inclusive suppose que tous les enfants apprennent ensemble dans les écoles de leurs quartiers, sans discrimination, plutôt que dans un environnement scolaire distinct.
Une éducation inclusive signifie aussi fournir un soutien dans les écoles ordinaires pour les besoins de chaque enfant, afin qu’il ne soit pas simplement présent, mais puisse participer pleinement et apprendre.
« L’éducation doit être inclusive et équitable pour tous. C’est un droit fondamental, un droit humain qui implique que tous les enfants doivent avoir des chances et un accès égaux à une éducation de qualité. La participation et l’engagement de la société sont très importants. Nous devons surtout mettre l’accent sur la sensibilisation du public à l’éducation inclusive. Nous devons changer nos mentalités, nos attitudes et notre approche. »
Avant 2015, les données officielles indiquaient que 97 % des enfants étaient scolarisés en Mongolie, mais le taux de scolarisation des enfants en situation de handicap était faible. Pendant des années, ces enfants n’était ni pris en compte ni comptabilisé par le système éducatif public.
L’UNICEF estime qu’en 2010, seuls 44 % des enfants handicapés allaient à l’école.
Depuis 2019, le soutien apporté à All4Education (la coalition nationale de la société civile en Mongolie), a permis de renforcer les efforts de plaidoyer en faveur du plein droit à une éducation de qualité pour tous les enfants dans le pays, y compris ceux en situation de handicap.
Les efforts de plaidoyer de la société civile pour l’intégration d’une éducation inclusive en Mongolie ont permis d’instaurer des changements en matière de politique éducative, d'accroître le montant des financements et ont engendré une plus grande prise de conscience sociale.
En 2019, le ministre de l’Éducation et des Sciences a adopté une « règlementation sur l’inclusion des enfants en situation de handicap dans les écoles ordinaires ».
Les nouvelles mesures d’éducation inclusive pour les élèves handicapés comprennent une politique rejet-zéro, c'est-à-dire qu’aucun enfant ne peut se voir refuser l’accès à l'éducation sur la base de son handicap.
Elles prévoient également l’identification du handicap et la mise en œuvre d'interventions dès le bas-âge, l'amélioration et l'aménagement d’infrastructures, la mise en pratique de méthodes d’enseignement adaptées, des directives pour les directeurs d’écoles, une rémunération incitative et un soutien ciblé pour les enseignants ayant des élèves en situation de handicap dans leur classe.
En plus de contribuer à la collecte de données pour que les décideurs politiques reconnaissent les défis auxquels sont confrontés les élèves marginalisés, All4Education participe aussi à des discussions au niveau ministériel sur l'éducation inclusive ainsi qu'à un groupe de travail parlementaire sur les lois sur l'éducation.
La coalition surveille également les politiques et le budget de l’éducation en vue de continuer à plaider pour des ajustements en faveur d’une mise en œuvre réussie de la politique d’éducation inclusive de la Mongolie.
« Je rêve de voir tous les enfants en situation de handicap apprendre de manière équitable. Autrement dit, qu’ils puissent étudier dans les écoles des quartiers où ils vivent. Pour cela, le système éducatif mongol doit évoluer. Les membres de la coalition travaillent sans relâche pour créer un tel système, qui assure une éducation de qualité et répond aux besoins de chaque enfant. Le système éducatif sera transformé en un système flexible et adaptable, qui permettra même de créer une culture de respect de la dignité et des besoins de tous les enfants. »
« Nous avons beaucoup de cours de dessin avec notre professeur d’art. Ils sont toujours très bien. J’aime aussi beaucoup les cours de langue des signes avec M. Ganbaatar et les cours auxquels Mme Enkhjargal participe. Je poursuis mes études avec succès. »
Surmonter les entraves à une éducation inclusive
Malgré les efforts marqués du gouvernement pour s’assurer que les enfants en situation de handicap puissent accéder à l’école et s’y épanouir, beaucoup continuent encore de faire face à des obstacles pour accéder à une éducation de qualité, surtout dans les zones rurales.
Le pays a besoin de davantage d’enseignants formés aux approches d’enseignement adaptées aux enfants ayant des besoins éducatifs spécifiques, ainsi que des services de soutien exhaustifs pour les élèves handicapés et leurs familles.
La famille d’Oyunjargal s’est aperçue qu’elle était sourde quand elle avait trois ans. Comme aucun membre de sa famille ne pratique la langue des signes, elle a passé sa vie à communiquer avec eux par des gestes corporels.
Sans écoles spécialisées ni possibilité d’aller dans une école ordinaire, Oyunjargal a étudié à la maison et dans un centre informel de développement de l’enfant créé par une association de parents d’enfants en situation de handicap.
Lorsque la nouvelle règlementation est entrée en vigueur en 2019, permettant ainsi à Oyunjargal d’être scolarisée dans une école ordinaire, ses parents ont eu besoin d’en savoir plus sur cette nouvelle opportunité.
« Cela a dû être difficile pour elle pendant son enfance. Quand elle était petite, comme nous ne pouvions pas lui donner de soutien spécialisé, elle avait du mal à communiquer avec les autres. Une fois qu’elle a commencé à aller à l’école, elle a complètement changé. Maintenant elle communique par des signes et des gestes. Je souhaite que ma fille reçoive une excellente éducation et que plus tard, elle devienne une personne indépendante. »
All4Education a joué un rôle important pour convaincre les parents d’Oyunjargal de l’envoyer à l’école à temps plein.
Au début du processus, ses parents ont suivi plusieurs sessions d’information sur la scolarisation de leur fille. Son père exprime sa reconnaissance envers tous ceux qui ont permis à Oyunjargal de recevoir l’éducation qu’elle mérite.
« Cela fait deux ans que Oyunjargal est dans notre école. Au début, elle ne côtoyait pas beaucoup ses camarades de classe. Aujourd’hui, elle est sociable et s’entend bien avec eux. Elle garde le niveau et maintient le même rythme que ses camarades, ce qui signifie que nous sommes en train d'atteindre notre objectif principal. Je suis fière aussi des parents qui, maintenant, inscrivent leurs enfants handicapés à l’école. Nous avons plusieurs élèves en situation de handicap dans notre école. Je crois que les mentalités changent vraiment. »
Dans le cadre de la coalition All4Education, les parents et d’autres activistes se sont mobilisés pour que les enfants handicapés soient acceptés et inclus dans la société mongole, y compris dans le système éducatif.
Soutenir le développement de l’éducation inclusive
Depuis que la Mongolie a rejoint le GPE en 2006, elle a reçu près de 45 millions de dollars de financement.
Le financement de 5 millions de dollars en cours - mis en œuvre par Save the Children Australie - soutient le programme Enabling Equity to Advance Learning (favoriser l’équité pour faire avancer l’apprentissage), qui vise à élargir l'accès de tous les enfants à l’éducation primaire et secondaire, encourage aussi l'offre de prestations éducatives inclusives.
Oyunjargal est l’une des nombreuses élèves en Mongolie à bénéficier d’un système éducatif de plus en plus inclusif.
Maintenant que la majorité des enfants en situation de handicap vont dans une école ordinaire et que davantage de ressources sont dédiées aux besoins spécifiques de ces élèves, la Mongolie est en passe de réaliser sa vision d’un système éducatif inclusif.