C’est aujourd’hui la Journée internationale de tolérance zéro à l’égard des mutilations génitales féminines (MGF). Le site Web des Nations unies consacré à cette journée indique que dans le monde entier, près de de 200 millions de filles et de femmes ont subi une forme ou une autre de MGF, et que ce chiffre augmentera encore de 15 millions si la tendance actuelle continue.
Les MGF, particulièrement dans leur forme extrême, entraînent de graves risques sanitaires (Organisation mondiale de la Santé, 2016) pouvant conduire au décès, et qui s’ajoutent au traumatisme psychologique qu'elles causent. L'infibulation est la forme la plus grave de MGF et consiste généralement en une ablation du clitoris et des lèvres, ainsi que la suture des bordures de la vulve.
Si les pays à faible revenu tels que la Somalie, la Guinée et Djibouti connaissent une fréquence élevée de ce type de pratiques, les MGF sont également présentes ailleurs, notamment en Égypte.
L’élimination des MGF fait partie des ODD
La cible 5.3 de l’Objectif de développement durable 5 pour l’égalité entre les sexes appelle à l’élimination des MGF. Atteindre cette cible ne sera pas facile. Des efforts concertés seront nécessaires, car de nombreux facteurs sont en jeu dans la perpétuation des MGF, notamment des normes culturelles et sociales profondément enracinées.
En conséquence, pour réussir, les interventions visant l’élimination des MGF doivent être mises en place par la communauté ou du moins impliquer cette dernière. Il est ainsi nécessaire de réunir des connaissances approfondies des communautés locales et de prêter une attention toute particulière à toute méthode efficace permettant d'impliquer les chefs, notamment religieux (Johansen et al. 2013 ; UNFPA 2004 ; UNICEF 2010).
Ces interventions doivent se faire dans une approche complète comprenant la prévention, la protection mais également les poursuites judiciaires, lorsque cela s’avère nécessaire, ainsi que des services destinés aux femmes déjà excisées. Il est donc essentiel que les différentes parties prenantes tels que les décideurs politiques, les ONG, les chefs religieux, ainsi que les professionnels du domaine de la santé œuvrent ensemble à l’élimination des pratiques de MGF.
Comment toucher ceux qui pratiquent les MGF
Dans de nombreux contextes, les MGF sont encore perçues comme une pratique recommandée dans les croyances religieuses de la population. La préconisation de ces pratiques dans les textes religieux, notamment dans l’Islam, est pourtant relativement rare. On y trouve en effet davantage d’arguments contre qu’en faveur de ces pratiques. Cependant, comme celles-ci sont enracinées, les lois qui ne prévoient pas une implication appropriée de la communauté ont des effets limités et peuvent même, dans certains cas, conduire à la clandestinité des pratiques plutôt qu'à leur élimination.
C’est pourquoi l’éducation a un rôle si important à jouer, à la fois au sens large pour contribuer à l'évolution des rôles traditionnels attribués à chacun des sexes lorsque ceux-ci perpétuent la discrimination sexuelle, mais également dans un sens plus restreint pour toucher ceux qui pratiquent les MGF et leur expliquer les conséquences néfastes de leurs gestes.
L’éducation des prestataires de santé peut être utile
Dans certains pays comme l’Égypte, cette pratique est hautement médicalisée. Le personnel de santé pourrait donc jouer un rôle important dans son élimination. Cette médicalisation est en partie due à la perception d’une procédure sécurisée lorsqu’elle est effectuée par des professionnels de la santé plutôt que par des acteurs traditionnels.
Il existe pourtant un véritable problème structurel en termes d’incitations, lorsque les médecins pratiquant les MGF perçoivent des rémunérations plus importantes que pour une visite médicale de routine. La médicalisation comporte également un risque de légitimation de ces pratiques.
Une formation adéquate sur les MGF dans les programmes de médecine et d’infirmerie peut contribuer à ce que les prestataires de santé cessent de considérer les MGF comme des pratiques inoffensives ou médicalement indiquées pour les femmes. Les étudiants en médecine doivent connaître les risques associés aux MGF, et des campagnes d’information ciblées sont cruciales.
Les programmes efficaces informent sur les effets néfastes potentiels des mutilations féminines sur la santé et les droits en plaçant la communauté au premier rang. Ils visent à faire évoluer les normes sociales au niveau de la communauté plutôt que par la seule attitude des individus, et à émanciper les femmes.
Dans l’ensemble, les pratiques de MGF, qui sont sensibles et complexes, doivent être combattues par des engagements multisectoriels, ainsi que les efforts conjoints non seulement des ministères (santé, condition de la femme et éducation), mais également de la société civile.
Des programmes pilotes mettent en lumière ce qui est efficace
Dans l’idéal, les MGF devraient être traitées comme une question relevant des droits de la personne, et non seulement comme un problème sanitaire. Tostan ainsi que d’autres organisations non gouvernementales mènent la lutte contre les MGF. Toutefois, d’autres organisations, notamment des agences nationales, sont également actives dans ce domaine. En Égypte, l’évaluation du Village Modèle sans MGF a montré que le programme parvenait à faire évoluer les perceptions et attitudes envers les MGF.
L’évaluation a souligné le rôle des médias de masse et la nécessité d’impliquer les hommes et les chefs religieux. Elle a alerté sur le fait de privilégier les conséquences physiques des pratiques, ce qui pourrait entraîner la médicalisation plutôt que l’élimination de ces pratiques.
Au-delà du problème de la médicalisation, les MGF demeurent fondamentalement dominantes dans des sociétés comportant des inégalités prononcées et des déséquilibres liés au pouvoir entre les sexes et ne pourront être éliminées sans une émancipation des femmes. Là encore, l’éducation a un rôle crucial à jouer à cet égard.