Dans le passé, les discussions sur les enseignants semblaient souvent réservées à la Journée mondiale des enseignants, et les enseignants et l'enseignement étaient relégués au second plan le reste de l'année.

Cette année, la donne a changé. La pénurie mondiale d'enseignants, exacerbée par la pandémie de COVID-19 et les frustrations latentes des enseignants face à la médiocrité des salaires et des conditions de travail, a porté au grand jour les menaces existentielles qui pèsent sur l'éducation et que nous ne pouvons plus nous permettre d'ignorer plus longtemps.

L'UNESCO et les syndicats d'enseignants ont depuis longtemps mis en garde contre le défi imminent d’atteindre les objectifs de recrutement d'enseignants d’ici 2030, qui impliquent d’embaucher 44 millions de nouveaux enseignants dans le monde.

Autrefois confinée aux pays à faible revenu, la pénurie d’enseignants est désormais généralisée à l’échelle mondiale, et perceptible aussi bien dans les pays à faible revenu que dans les pays à revenu élevé. Les principales frustrations auxquelles sont confrontés les enseignants partout dans le monde sont remarquablement cohérentes et doivent immédiatement être prises au sérieux.

Le déficit quantitatif

Cette crise de l’enseignement est double : elle se caractérise par un exode massif de la profession et par un manque de nouveaux enseignants qualifiés. En Angleterre, par exemple, plus de 40 000 enseignants, soit près de 9 % des effectifs, ont quitté la profession en seulement deux ans.

Au Portugal, l'année scolaire 2023-2024 a été marquée par des grèves d'enseignants et des classes vides en raison d'une grave pénurie d'éducateurs. Le pays compte en effet 34 500 enseignants pour 1,2 million d'élèves.

Les États-Unis sont confrontés à une vague de démissions d'enseignants sans précédent en raison des mouvements de défense des droits des parents politisés, des guerres culturelles et des craintes de fusillades dans les écoles.

Les élèves issus des écoles de milieux défavorisés sont les plus touchés, dès lors que 40 % de leurs enseignants envisagent de quitter la profession, contre 25 % dans les écoles de milieux plus aisés.

Même des pays comme l'Irlande, qui a longtemps enregistré un excédent d'enseignants, voit un grand nombre de ses enseignants très réputés partir travailler à l'étranger à cause de la hausse du coût de la vie.

L'Inde à elle seule accuse un déficit d'un million d'enseignants dans l’enseignement primaire.

Sur les 44 millions de nouveaux enseignants dont le monde a besoin d'ici 2030, l'Afrique subsaharienne à elle seule a besoin d'un tiers d'entre eux (soit 15 millions), afin que, du fait de son nombre d’écoliers en forte croissance, elle puisse atteindre l'objectif de développement durable qui vise à garantir un enseignement primaire et secondaire pour tous les enfants.

Le déficit qualitatif

La crise de l'enseignement ne se cantonne pas à la quantité d'enseignants, mais concerne également la qualité de l'enseignement. Pour remédier à ces graves pénuries, de nombreux pays ont recruté des enseignants sous-qualifiés, ce qui aggrave le problème et réduit les budgets consacrés à l'éducation avec des salaires supplémentaires versés à des éducateurs qui ne disposent pas des qualifications nécessaires.

Dans des pays comme l'Angola, le Bénin, la Guinée équatoriale, la Guinée-Bissau, le Sénégal et le Soudan du Sud, moins de 50 % des enseignants satisfont aux normes minimales de formation des enseignants.

Les enseignants peu qualifiés sont souvent la norme dans de nombreux pays à faible revenu, et les élèves issus des zones rurales sont ceux qui sont le plus confrontés au problème d’enseignants de piètre qualité.

Dans de nombreux pays, les enseignants des milieux ruraux en particulier ne disposent pas de qualifications appropriées pour donner des cours (ou n'en ont pas du tout), ce qui se traduit par de faibles résultats scolaires, notamment en mathématiques.

Dispenser et améliorer la formation des enseignants représentent une lourde charge financière pour les ministères de l'Éducation, qui transcende le défi de recruter de nouveaux enseignants, étant donné qu’il est souvent plus coûteux de développer les compétences de la majeure partie des enseignants que d’en embaucher de nouveaux.

Il doit bien y avoir un moyen plus facile de gagner sa vie...

Cette triste allégation soulève deux questions fondamentales, à savoir : premièrement, en étant confronté au manque de respect, à une faible rémunération et aux menaces qui pèsent sur le bien-être, pourquoi un individu aspirerait-il encore à devenir enseignant ? Et deuxièmement, comment pouvons-nous remédier à cette crise mondiale de l'enseignement ?

Depuis 2020, je me suis entretenue avec plus de 100 enseignants du primaire et du secondaire issus de 17 pays et de milieux économiques différents : des pays à revenu élevé comme les États-Unis et l'Irlande, des pays à revenu intermédiaire comme la Jamaïque et l'Afrique du Sud, ainsi que des enseignants d'écoles rurales en Zambie et en Inde.

Ces entretiens font partie intégrante de la recherche de base sur les enseignants et les technologies pour le Rapport mondial de suivi sur l'éducation 2023.

Tout au long de ces conversations, un thème revenait de manière récurrente : de nombreux enseignants se sentent de moins en moins en mesure de faire face à l’évolution des connaissances requises et aux besoins complexes de leurs apprenants, et de préparer leurs élèves aux exigences requises pour le monde du travail du 21^e siècle.

Tous ces sentiments les amènent à remettre en question leur efficacité en tant qu'enseignants et sont extrêmement décourageants.

C’est la seule façon de pouvoir améliorer leurs connaissances et leurs compétences, en employant les méthodes et les outils pédagogiques les plus efficaces pour mieux servir leurs élèves. Les systèmes éducatifs sont perçus comme étant incapables de fournir ces éléments indispensables à leur corps enseignant.

Les perspectives et les expériences recueillies lors de ces entretiens orienteront le contenu de mes trois prochains articles de blog, qui seront chacun consacré à l'exploration de différents aspects de la qualité de l'enseignement.

Ces articles porteront sur la formation initiale, la formation professionnelle continue et le rôle central que les technologies jouent pour améliorer l'accès à l’éducation et la qualité de l’enseignement pour les enseignants et leurs élèves.

En puisant dans le savoir, les expériences et les recommandations des enseignants, nous pouvons mettre au point des solutions efficaces qui incitent les individus à entrer dans la profession d'enseignant et à y rester.

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Lire les autres blogs de notre série sur les enseignants et l'enseignement.