Au cours de la Semaine mondiale d’action pour l’éducation (SMAE 2018), les défenseurs de l’éducation et les décideurs politiques du monde entier discutent de la responsabilité relative à l'ODD 4 et de la participation citoyenne. L’an dernier, le Rapport mondial de suivi sur l’éducation de l’UNESCO soulignait le fait que les États étaient les premiers responsables du droit à l’éducation. Lorsqu’un gouvernement ne remplit pas cette obligation, les organisations de la société civile et les citoyens peuvent intervenir et susciter un changement dans le but de satisfaire à ce droit humain.
Cependant, la réaction du gouvernement et sa prise en compte de l’intervention citoyenne sont nécessaires pour obtenir une réelle responsabilisation.
Comme le décrit le Foro por el Derecho a la Educación au Chili, la responsabilité comprend à la fois les efforts menés par le gouvernement et la responsabilité de celui-ci à inviter et prendre en compte la participation citoyenne dans l’élaboration des politiques et des programmes.
Les efforts nationaux de la Coalition de l’éducation du Zimbabwe et d’HakiElimu en Tanzanie soulignent la nécessité d’une plus grande participation des multiples parties prenantes pour soutenir les liens de responsabilisation entre la société civile et les États.
La responsabilisation instaurée par les citoyens : intervenir lorsque c’est nécessaire
Le RMSE définit la responsabilité comme le devoir de l’État « d’agir lorsque quelque chose ne fonctionne pas correctement, par les politiques, la législation et le plaidoyer, notamment au moyen de médiateurs pour protéger le droit des citoyens. » Cependant, malgré les meilleures intentions et efforts des gouvernements, des lacunes demeurent parfois entre une politique et sa mise en œuvre, ou bien les politiques en place ne produisent pas les résultats escomptés.
Dans ce cas, l’action des citoyens est souvent nécessaire pour rappeler sa responsabilité au gouvernement, par exemple garantir le droit à l'éducation. Pour ces raisons, certaines organisations telles que Foro por el Derecho a la Educación définissent la responsabilisation comme « contrôle participatif de l’utilisation des ressources », plaçant ainsi la participation de la société civile comme élément nécessaire de la responsabilisation dans les processus publics.
La responsabilisation instaurée par les citoyens prend de nombreuses formes, de la recherche au plaidoyer, à la participation dans les processus d'élaboration des politiques, voire au litige stratégique. Seuls 55 % des pays ont un droit justiciable à l’éducation, qui permet donc aux citoyens de porter plainte contre l’État pour violation de leur droit à l’éducation (UNESCO, 2017), ce qui conduit la société civile de nombreux pays à se reposer sur la recherche, le plaidoyer et l’engagement dans les processus d’élaboration des politiques (lorsqu'il est accessible) pour veiller au respect du droit à l’éducation.
Un suivi au moyen d’indicateurs et de mesures objectives peut également contribuer à la responsabilisation sociale. L’Indice du droit à l’éducation (IDE) est un des outils permettant d’analyser et de plaider pour le respect total du droit à l’éducation dans le monde. L’IDE est un projet de recherche en deux phases, avec une année de collecte de données menée par la société civile afin de remplir le questionnaire IDE, suivie d’une année de plaidoyer, qui utilise les conclusions dans des campagnes nationales.
En 2016, les organisations de la société civile de 15 pays ont recueilli des données complètes sur le droit à l’éducation en utilisant le questionnaire IDE, et en 2017, cinq de ces partenaires ont été soutenus par le fonds RESULTS Educational Fund pour mener des campagnes nationales de plaidoyer sur des problèmes urgents spécifiques au contexte révélés par l’IDE. Cette année, plus de 20 pays seront représentés dans la phase de recherche et de collecte des données menée par l’IDE 2018.
L’IDE soutient l’action de citoyens en identifiant les problèmes relatifs au droit à l’éducation et en mettant l'État devant sa responsabilité quant aux solutions à y apporter. Par exemple, après avoir constaté que plus de 8 000 filles en Tanzanie étaient forcées de quitter l’école chaque année pour cause de grossesse, HakiElimu a soulevé le problème auprès de 31 parlementaires, du porte-parole de l’opposition en matière d’éducation, du Ministre de l’Éducation et d’autres responsables. Les représentants du gouvernement ont expliqué que des directives nationales étaient en cours de préparation pour mieux protéger les filles. Cependant, un mois après que le Ministre de l’Éducation a soulevé le problème devant le Parlement, le Président a clos le débat. Bien qu’HakiElimu ait changé de stratégie pour rallier le soutien populaire grâce à l’utilisation des médias et de la mobilisation citoyenne, ce cas montre la nécessité d'une responsabilisation de l'État devant les citoyens si celle-ci doit être plus efficace.
Autre exemple de responsabilisation instaurée par les citoyens, les efforts de plaidoyer menés par la Coalition de l’éducation du Zimbabwe (ECOZI) pour éliminer le recours aux punitions corporelles à l’école. Après avoir identifié la punition corporelle comme étant « très courante » au cours des recherches IDE, avec 60 % des enfants de moins de 14 disciplinés de façon violenteUNICEF 2014), ECOZI a mené des consultations avec 31 enseignants issus des différents syndicats d’enseignants, des représentants de la société civile et le Ministère de l’Enseignement primaire et secondaire pour aborder des recommandations politiques sur des formes de discipline alternatives.
ECOZI a également présenté les conclusions concernant la discipline à 200 000 auditeurs d’une émission de radio et lancé un appel aux systèmes formels d'élaboration des politiques en demandant à rencontrer des responsables du Ministère de l’Enseignement primaire et secondaire. Le Ministère a hésité à s’engager dans un changement politique lors de cette rencontre, mais les mécanismes médiatiques se sont avérés influents pour susciter le soutien du public et sensibiliser ce dernier à l’arrêt des punitions corporelles. L’action d’ECOZI, appuyée sur les observations des recherches IDE, souligne que bien que les citoyens puissent appeler à la responsabilité de l’État, il incombe à ce dernier d’y répondre.
La réaction de l’État est nécessaire
Bien que le gouvernement soit le principal responsable du droit à l’éducation et que la société civile joue un rôle en matière de responsabilisation, en cas de manquements, ce cycle de responsabilisation État-citoyen nécessite néanmoins la réaction du gouvernement pour avoir un maximum d'impact.
Grâce à son modèle de partenariat de parties prenantes multiples dans le développement de l’éducation, le Partenariat mondial pour l’éducation (GPE) est en première ligne de la démocratisation de la planification de l’éducation et du soutien à l’implication de la société civile dans les espaces d'élaboration des politiques aux côtés des gouvernements. En poursuivant ses efforts pour un dialogue constructif entre la société civile et les gouvernements et accroître la réaction aux exigences citoyennes, le GPE peut s'avérer essentiel pour compléter ce cycle de responsabilisation État-citoyen et prendre en compte les remarques de la société civile afin d’initier des changements positifs dans les systèmes éducatifs.