Nous disposons déjà d’un vaccin pour la prochaine pandémie

Une éducation de qualité est un vaccin préventif. Nous devons repenser l'éducation pour donner aux enfants les compétences dont ils auront besoin pour faire face aux nouvelles crises, afin de garantir un monde durable pour tous.

05 juin 2020 par Nesmy Manigat, Minister of Education, Haiti
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Lecture : 5 minutes
Le professeur Amivi Kafui Tete-Benissan (à gauche) enseigne la biologie cellulaire et la biochimie à l'Université de Lomé, la capitale du Togo.
Le professeur Amivi Kafui Tete-Benissan (à gauche) enseigne la biologie cellulaire et la biochimie à l'Université de Lomé, la capitale du Togo.

Alors que le monde attend un vaccin contre le COVID-19, les systèmes de santé et la recherche scientifique sont sous les feux de la rampe. Durant cette période, les vies humaines dépendent des frontières collectives et individuelles ainsi que des nouveaux comportements sociaux que nous adoptons.

Aujourd'hui plus que jamais, la santé et le bien-être des individus et de leurs communautés dépendent du type d'éducation nécessaire à une compréhension globale de la prévention des maladies et des pathologies.

Ce moment critique de notre histoire commune n'est pas uniquement une crise sanitaire ayant des implications sociales et économiques. La pandémie de COVID-19 a remis en question notre modèle de civilisation. Des questions majeures sont occultées par nos prouesses technologiques, l'exploitation sans limite des ressources fossiles non renouvelables, des forêts et d'autres écosystèmes, ayant de graves conséquences sur le climat et l'environnement.

La non-préservation de la biodiversité, la destruction des écosystèmes et l'invasion par les humaine des milieux de vie des espèces animales augmentent le risque de zoonoses et d’apparition de nouvelles pandémies dans le futur.

La Déclaration d'Incheon de 2015 confirme que l'éducation développe les compétences, les valeurs et les attitudes qui permettent aux citoyens de mener une vie saine et épanouie, de prendre des décisions éclairées et de répondre aux défis locaux et mondiaux.

La crise sanitaire actuelle n'est pas uniquement une question de santé

La réalité est qu'un vaccin contre le coronavirus ne suffira pas à atténuer cette crise sanitaire. Il faudra également être capable d'anticiper et de mieux gérer les futures maladies infectieuses.

Il devient de plus en plus évident que la santé humaine dépend d'une planète saine. Nous commençons à acquérir collectivement les connaissances nécessaires pour prendre les mesures appropriées, afin de compenser certains des dommages causés ; trouver un équilibre et une harmonie avec notre planète.

Cela commence dans nos foyers, dans nos familles et, surtout, dans nos écoles, qui doivent fournir des informations pertinentes et enseigner les notions fondamentales du développement durable.

La communauté internationale avait anticipé cette nécessité lorsqu'elle a adopté, fin 2015, l'objectif 4 du développement durable pour l'éducation, dont la cible 4.7 :

Garantir, d’ici 2030, à tous les élèves des connaissances et des compétences requises pour la promotion du développement durable, notamment grâce à l'éducation en faveur du développement et des modes de vie durables…

Repenser l'éducation pour l'avenir

Si les efforts récents visant à concrétiser cet objectif sont encourageants, un travail fondamental reste à faire. L'UNESCO souligne que « le pourcentage de pays qui ont adopté ses principes [de développement durable] est passé d’un peu moins de 50 % à près de 85 %. Toutefois, seuls 21 % des pays ont déclaré que le nombre d’heures d’enseignement consacrées à ces principes était "amplement suffisant" ».

L'éducation post-COVID-19 devrait adapter les programmes scolaires et les plans d'études à tous les niveaux. Cette réforme vise à préparer les futurs dirigeants, scientifiques, praticiens du monde médical et citoyens informés. L'éducation des générations futures nécessite un programme d'études qui mette l'accent sur les compétences et les responsabilités quotidiennes permettant de sauver des vies.

Le partage des connaissances et des bonnes pratiques est essentiel au niveau mondial car, aucun pays ne peut réussir seul. La santé et l'éducation ne s'excluent pas mutuellement. Les mesures sanitaires ne peuvent être mises en œuvre efficacement que si les personnes qui les appliquent sont éduquées.

C'est pourquoi les enfants devraient suivre des cours obligatoires visant à former leur capacité à comprendre les défis complexes auxquels nous sommes confrontés et à adopter des attitudes et des actions responsables. Cette nouvelle orientation serait proactive en soulignant l'importance des nombreux écosystèmes de la planète. Cela aurait un impact profond sur les famines, les sources d'eau potable, l'alimentation, l'hygiène, les médicaments, ainsi que sur les catastrophes naturelles.

Un autre défi consistera à mettre en œuvre de nouvelles pratiques pédagogiques et à adapter notre approche pour permettre l'enseignement de disciplines qui visent à former des écocitoyens plus responsables.

Cette approche interdisciplinaire, à laquelle les écoles traditionnelles ont toujours résisté, devra mobiliser l'intelligence collective des enseignants. Grâce à leur nouvelle formation, ils devront apprendre à travailler ensemble et à créer des thèmes universels.

Cette coopération permettrait d'envisager l'enseignement de la philosophie, de la biologie, de la chimie et de l'éducation civique de manière complexe et compétente, dans le contexte de leur réalité.

Des compétences pour mieux gérer les prochaines pandémies

Il est prématuré d'avoir une idée claire d'un monde post-COVID-19. Néanmoins, l'état actuel des choses montre que l'économie de services soutenue par la technologie aura besoin d'une main-d'œuvre davantage adaptable et davantage autonome pour faire face à la nature inconnue d'une planète presque paralysée.

Aujourd'hui, nous voyons des secteurs entiers, tant formels qu'informels, contraints de fermer du jour au lendemain. Les compétences acquises au 21e siècle deviendront de plus en plus importantes au fur et à mesure que le processus de reprise suivra son cours.

Il en résultera une polyvalence professionnelle ; à mesure que certains emplois disparaîtront, d'autres apparaîtront, même dans les pays les plus vulnérables. « Apprendre, désapprendre, réapprendre » n'est pas juste un slogan.

Les professions post-COVID-19 nécessiteront un programme scolaire actualisé dans tous les systèmes éducatifs, en particulier pour ceux des pays en développement.

Par exemple, la maîtrise des outils numériques ne concernera plus des professions spécifiques, mais tous les emplois qui nécessitent désormais une forme de communication par des moyens numériques. En fait, la plupart des gouvernements ont largement utilisé les plateformes numériques pour mener des campagnes de sensibilisation et de prévention dans le cadre du COVID-19.

Le fait d'être polyvalent, interculturel, synergique et d’avoir la capacité de communiquer dans plus d'une langue deviendront plus que jamais des compétences essentielles transcendantes.

Pourquoi nous devons investir dans l'éducation et les partenariats

Pour que l'éducation joue son rôle central dans la formation de personnes capables de s'adapter aux changements inévitables de notre monde, des investissements supplémentaires doivent être réalisés pour assurer la sécurité des différents intervenants et des élèves.

La double réponse du Partenariat mondial pour l'éducation s'avère être la mesure appropriée ; la mise en place d'une plateforme de promotion des innovations éducatives et d'un programme de financement accéléré pour la riposte au COVID-19.

Récemment, une vingtaine de ministres de l'éducation ont discuté des approches multiformes qu'ils mettent en œuvre pour permettre aux enfants de poursuivre leur apprentissage. En effet, l'enseignement, l'apprentissage, l'évaluation pendant et après la crise actuelle méritent de nouveaux efforts concertés de la part des partenaires.

Pour éviter que la crise de l'éducation ne s'aggrave, des efforts conjoints sont encore nécessaires pour repenser et améliorer la profession d'enseignant, ajuster les programmes scolaires et continuer à impliquer les parents.

En ce qui concerne le financement, le PME a approuvé 125 millions de dollars US pour soutenir l'éducation dans 10 pays jusqu'à présent, et 7,5 millions de dollars US ont été ajoutés pour garantir que les pays bénéficient des meilleures opportunités et pratiques en termes d'apprentissage. Ces montants font partie du fonds d’urgence de 500 millions de dollars US mis à disposition par le PME pour aider les pays dans leurs ripostes au COVID-19.

Enfin, cette crise sanitaire et éducative a révélé l'importance des partenariats à l’échelle mondiale et locale, car les solutions technocratiques isolées ont montré leurs limites. L'adage selon lequel « Il faut un village pour élever un enfant » n'a jamais été aussi vrai.

L'implication des enseignants, des parents et des partenaires locaux de l'éducation reste déterminante pour former des citoyens dotés des valeurs et des compétences nécessaires pour s'engager pleinement dans le progrès collectif et le bien-être de tous.

C'est à ce prix que l'école deviendra un véritable agent de changement en cas de crise, en contribuant à l'émergence de ce nouveau monde socialement et écologiquement responsable. C'est le meilleur investissement pour prévenir et nous protéger/préserver des futures pandémies.

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