Lors de ce voyage, j'ai accompagné notre représentant des donateurs lors d'une « mission d'écoute » à Diffa, au cours de laquelle nous avons sollicité les avis des principales parties prenantes que sont les enseignants, les mamans, les enfants, le gouverneur et le maire de Diffa, les conseillers pédagogiques et les inspecteurs des écoles.
Cette « mission d'écoute » a approfondi mon appréciation du travail véritablement difficile mais transformateur du personnel de l'IRC au Niger. Cela a également renforcé ma capacité à davantage tenir compte des réalités des contextes ciblés durant le processus d’élaboration de nos programmes.
Soutenir des enfants ayant vécu des expériences traumatisantes
En 2016, lorsque nous commencions notre travail, nous avons élargi l'approche Healing Classroom de l'IRC pour intégrer les possibilités d’ASE dans l’enseignement de la lecture fondamentale et les mathématiques dans les programmes de tutorat après les cours.
Chaque exemple d’ASE est conçu pour aider les enfants victimes de traumatismes à améliorer leur bien-être. Nous avons sélectionné des activités de pleine conscience ainsi que des jeux pour stimuler la réflexion et les compétences socio-émotionnelles des enfants.
Ces activités éducatives s’inspirent d'outils ayant fait leurs preuves en Occident et qui ont été contextualisés pour convenir au contexte nigérien.
Nous avons également introduit un programme complet de développement professionnel des enseignants. Les enseignants ont participé à des formations, à des rencontres d’échanges entre pairs et ont bénéficié d’un programme de mentorat personnalisé. Ce programme, bien que techniquement solide, était très difficile, car nous préparions les enseignants à un changement important dans leur pratique.
Les retours des communautés mettent en lumière ce qui a fonctionné ou pas
À la fin de la première année, nous avons organisé un atelier pour évaluer les pratiques sur la base des commentaires du personnel et des participants. Les enseignants, le personnel d’appui et les enfants ont clairement affiché leur préférence pour les jeux de stimulation cérébrale plutôt que les activités de pleine conscience.
Certains parents pensaient que les activités de pleine conscience convertiraient leurs enfants au christianisme, tandis que certains les comparaient à du « yoga ». L’on pouvait noter une méfiance générale vis-à-vis de ces activités et pratiques.
Sur une note plus positive, nous avons appris que notre formation approfondie des enseignants était très appréciée. Cependant, des critiques ont été exprimées sur la charge de travail et les efforts supplémentaires, les complications logistiques et les coûts d'impression élevés.
Maintenant, trois ans plus tard, j’apprends que l’appellation « pleine conscience », qui avait été traduite en français par « L’Esprit Présent », est aussi le nom d’une émission de radio chrétienne évangélique diffusée au Niger. Pas étonnant que ce terme n’ait pu convenir aux parents musulmans de Diffa !
Cela met en évidence la nécessité de porter une attention particulière aux nuances socioculturelles lors de la mise en œuvre des programmes d’ASE, même lorsque nous souhaitons le déploiement rapide d'un programme.
En ce qui concerne les enseignants, les lacunes et les défis liés aux connaissances fondamentales étaient apparents. Ils ont encore du mal à prononcer correctement les noms et les sons des lettres en français et à enseigner des concepts mathématiques plus complexes, par exemple. Des défis qui ont pourtant des solutions simples, peu coûteuses et rapides. Nous proposons désormais des tablettes contenant du matériel d'enseignement et d'apprentissage tels que des vidéos sur YouTube qui développent les connaissances des enseignants sur des contenus spécifiques.
De plus, un groupe WhatsApp pour les enseignants, leurs tuteurs et le personnel de l'IRC a été créé pour faciliter les discussions et partager des documents et contenus vidéos directement et rapidement. Cela a contribué à faciliter la communication et réduire les barrières entre ceux que nous servons et le personnel.
5 points à retenir de mes expériences à Diffa