Les enfants apprennent mieux dans leur langue maternelle. 2e partie
Le 21 février, la Journée internationale de la langue maternelle célèbre l’utilisation des compétences linguistiques précoces des enfants pour améliorer l’apprentissage
19 février 2016 par Chantal Rigaud, GPE Secretariat
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Lecture : 10 minutes
Children at the Collège Mixte Joinvil in Port au Prince, Haiti participate in the Map li net ale program. Credit: GPE/Chantal Rigaud

Les enfants apprennent mieux dans leur langue maternelle.

C’est le titre d'un de nos blogs les plus populaires, en tête de notre liste mensuelle depuis sa première publication en février 2014.

Il semble évident que les enfants comprennent mieux ce qu’on leur enseigne si l’enseignant parle la langue qu’ils entendent à la maison depuis leur naissance.

Mais dans nombre de pays en développement, surtout ceux dans lesquels il existe de nombreuses langues différentes (saviez-vous que la Papouasie-Nouvelle-Guinée détient le record mondial, avec 820 langues ?), le programme scolaire est généralement enseigné dans une seule des langues nationales.

Ainsi, lorsque les enfants arrivent à l’école la première fois, il se peut qu’ils ne comprennent pas un mot de ce que dit l'enseignant. Pire, il est possible que l’enseignant ne maîtrise pas suffisamment la langue d’instruction officielle et ne puisse donc pas enseigner correctement la lecture aux enfants.   

Les choses évoluent cependant, et certains pays ont adopté, pour les premières années, l’enseignement dans la langue maternelle de l’enfant. Les résultats sont encourageants.  En effet, les enfants qui apprennent d’abord à lire dans leur langue maternelle sont généralement capables de reporter ces compétences, quelques années plus tard, dans une seconde langue.

Le Partenariat mondial pour l’éducation soutient la démarche d’un enseignement en langue maternelle comme moyen d’amélioration de la qualité des compétences en lecture. La lecture est assurément une compétence fondamentale que les enfants doivent maîtriser pour poursuivre leur apprentissage.

Voici quatre illustrations d’enseignement en langue maternelle dans des pays partenaires du GPE.

La Gambie : déploiement à grande échelle d’un programme pilote

Le gouvernement de Gambie a fait des compétences en lecture et compréhension de l’écrit une priorité. L’État a ainsi piloté et évalué avec succès trois programmes d’éveil à la lecture, qui ont informé le programme d'apprentissage de la lecture actuellement en place.  

Une des trois initiatives pilotées en 2011 est le programme d'Apprentissage précoce dans les langues nationales (Early Learning in National Languages – ELINL). Ce programme a d’abord été mis en œuvre dans 125 classes. La lecture a été enseignée aux enfants dans l’une des cinq langues nationales. Chaque jour pendant une heure, ils apprenaient les lettres une par une, ainsi que les combinaisons systématiques permettant de former des mots.

Lors de l’évaluation du pilote en 2014, les résultats se sont avérés remarquables. La performance des enfants gambiens ayant participé au pilote était meilleure que celle des autres enfants, non seulement dans la langue nationale en question, mais également en anglais.

Outre l’ELINL, d’autres programmes ont également obtenu des résultats positifs, tels que Jolly Phonics (GATE) et Serholt Early Grade Reading Ability (SEGRA). Encouragé par ces résultats, le ministère a développé un nouveau programme d’apprentissage de la lecture qui intègre des éléments de ces trois initiatives d’apprentissage de la lecture. Ce programme hybride a été introduit avec succès dans toutes les écoles publiques du pays depuis septembre 2015.

Soutenu par la Banque mondiale et le Partenariat mondial pour l’éducation, le programme a permis le développement d’une approche unifiée de l’apprentissage de la lecture dans les premières années de scolarisation en Gambie.

Pupil performance on English connected text reading, EGRA and ELINL comparison

Haïti : apprendre à lire en créole

Map li nèt ale signifie « Je lis en entier » en créole. Ce programme a été conçu et financé par USAID et la Banque mondiale dans le cadre d’un financement du GPE de 24,1 millions de dollars pour Haïti.

Généralement, la plupart des écoles en Haïti pratiquent un enseignement en français, deuxième langue officielle. Le programme d’apprentissage de la lecture Map Li offre un cours complet d'instruction de la lecture en créole pour la première année d'école, accompagné d’un manuel scolaire associé.

En classe, l'enseignant est aidé par un assistant formé qui veille à ce que les enfants suivent étroitement toutes les étapes de l'apprentissage sans accumuler de retard. Près de 10 000 enfants dans 299 écoles bénéficient de ce programme.

L’objectif est de tester cette approche au cours de cette année scolaire, ainsi que la suivante, et d'évaluer son impact par comparaison avec des écoles témoins dans lesquelles l’enseignement de la lecture se fait de façon classique. Les résultats communiqués au ministère de l’éducation, qui décidera si cette approche peut être étendue à d’autres écoles et poursuivie en deuxième année.  

L’approche originale nécessitant d'importantes ressources, et le budget de l'éducation en Haïti étant limité, une méthode adaptée est testée avant d’être éventuellement appliquée à d’autres écoles.

 

L’Érythrée : enseignement des bases dans la langue maternelle

Une des composantes clés du financement de 25,3 millions de dollars accordé par le GPE à l’Érythrée vise l’amélioration de la qualité de l’enseignement et de l’apprentissage à tous les niveaux d'enseignement.

Pour y parvenir, le ministère de l’éducation utilise divers points d’entrée, notamment l’amélioration de l’expérience préscolaire des jeunes apprenants en développant des normes traduites dans 9 langues du pays.

Un deuxième point d’entrée est de veiller à ce que les enseignants aient les compétences linguistiques requises ; le ministère, en collaboration avec les administrations régionales (bureaux zoba) recrute ainsi des diplômés de la 10e à la 12e année afin de dispenser à certains d’entre eux une formation d'« enseignants en langue maternelle ».

À ce jour, plus de 100 enseignants ont été formés et certifiés. Leur présence devrait permettre une augmentation du nombre d’enfants inscrits en école primaire dans les communautés dans lesquelles ils travaillent.

La production de matériels pédagogiques d'enseignement dans les neuf langues constitue un troisième point d’entrée : manuels scolaires et enregistrements audio ont été ainsi produits et distribués dans les écoles. Les enfants sont désormais capables de lire et d'écouter des chansons, des poèmes et des comptines dans une langue qu'ils connaissent.

Enfin, le ministère a élaboré de nouvelles évaluations des acquis scolaires pour les élèves de 3e et 5e années. Ces derniers pourront désormais passer leurs examens de mathématiques en tigrinya ou afar, deux des langues du pays.

 

Le Soudan du Sud : de nouvelles évaluations des acquis scolaires dans 5 langues

Au Soudan du Sud, l’intégration des langues nationales dans le programme scolaire se fonde dans l'aspiration du pays à promouvoir le multilinguisme ; en juin 2015, le ministère de l’éducation, des sciences et des technologies a organisé une conférence intitulée « Le multilinguisme pour une unité dans la diversité et un Soudan du Sud en paix » portant sur une documentation et des données factuelles crédibles accréditant les bénéfices éducatifs de l’utilisation de la langue maternelle pour améliorer l’apprentissage dès les premières années.   

La Loi générale de l’éducation du Soudan du Sud de 2012 stipule que l’apprentissage précoce de la lecture doit être pratiqué dans les langues autochtones. Ceci est reflété par les nouveaux programmes scolaires, la langue maternelle étant le mode d’instruction pour le développement de la petite enfance et de la 1e à la 3e année scolaire.

Cependant, seuls 10 % des apprenants scolarisés en 1e année achèvent le cycle primaire. Pour garantir l’apprentissage dès les premières années, le ministère, avec le soutien du Partenariat mondial, a identifié cinq langues nationales dans le but d’initier un système d’évaluation qui a vocation, sur le long terme, à faire partie des procédures nationales d'évaluation des acquis scolaires.  

En collaboration avec des linguistes locaux, les évaluations en mathématiques et en lecture des premières années (EGRA et EGMA) ont été adaptées dans ces cinq langues, parlées par 65 % de la population. Elles ont été administrées à un échantillon de 250 élèves en tant qu'évaluations « diagnostic » afin de déterminer les compétences attendues en lecture et calcul dans la langue maternelle, ainsi que pour la lecture en anglais. 

Les résultats sont utilisés pour informer les matériels pédagogiques d’apprentissage et d’enseignement développés pour les élèves des premières années, ainsi que des intrants relatifs à la formation des enseignants. Ces deux aspects seront essentiels pour parvenir à une amélioration des acquis scolaires.

 

Faites le récit de votre expérience d'enseignement en langue maternelle

La Gambie, Haïti, l’Érythrée et le Soudan du Sud ont adopté l’enseignement en langue maternelle.

Connaissez-vous d’autres pays qui ont fait de même ? Avez-vous fait l’expérience personnelle de l’apprentissage de quelque chose de nouveau dans une langue que vous ne comprenez pas ?

Merci de partager votre expérience dans les commentaires.

 

Tous nos remerciements à Tizie Maphalala, Fazle Rabbani, Ludovic Signarbieux, Ryoko Tomita et Josephine Kiyenje pour leur contribution aux exemples de pays présentés dans ce blog.

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If we want to make our children/youth global citizen, we must give them an opportunity to use their mother tongue or home language (L1), Official language (L2) and International language (English) in education. English is important to learn but first it is important for children or learners to have solid foundation in their familiar language or L1, ... so what is the "solid foundation"? It's concern, I think that L2 and English is so important for all learners to learn, but when is the best time to introduce it? These question's answers are become more important to promote multilingual education in basic education.

"The International Mother Language Day (Feb 21) is an important day for all of us to advocate the importance of multilingual education. But I think, now time for action rather than reaction to promote linguistic and cultural diversity and multilingualism through 'language, education and development' activities."

Thank you!

We, the Pestalozzi Children’s Foundation (PCF) is a world-wide operating Non-profit organisation, head-quartered in Switzerland. We are committed to a holistic quality education for vulnerable children and youth, especially children form ethnic and linguistic minorities and the empowerment of their intercultural competences. To accomplish our mission we support local NGO’s in 11 countries around the world, some of them develop projects aiming to mainstream mother tongue education.

For example, PCF’s project in Thailand, implemented by the local partner Foundation for Applied Linguis-tics (FAL), developed a project that focus on Mother-Tongue based Multilingual Education (MTB-MLE). It was developed based on a MTB-MLE model for solving literacy problem in Thai language for ethnolin-guistic minority children established by the Thai Office of the Basic Education Commission (OBEC) and the Ministry of Education.

Throughout the last 9 years, the project has implemented the Multilingual Education with its emphasis on Thai and mother languages in 6 pilot schools across 3 ethno linguistic minority communities. It focuses on helping students to learn the national language better and thus achieve national learning standards in every subject. As a result, school based curriculum in each language group from pre-school to grade 3 level of primary school are being developed. Students’ have completed primary schooling in ethnic and national languages, achieved their academic potential and become self-confident members of their multi-cultural society.

Regarding advocacy for MTB-MLE, PCF developed within the International Education Network (IEN) an
alternative report on “the Situation of Access to Quality and Relevant Education for Indigenous Children
and Youth in Thailand”. It was submitted to the UN committee on Economic, Social and Cultural Rights
(ESCR) in response to the 55th session of the UN Committee on ESCR.

In October 2016, the 5th International Conference on Language and Education: Sustainable Development through Multilingual Education will take place in Bangkok, Thailand.

Thank you for your attention

Grégory Häuptli, Specialist PCF International Programme; Rahel Kölbener Intern PCF International Pro-gramme

Bonjour
Je souhaite réagir par rapport à cet article
Étant moi même haïtien j'ai fait mes études en français et en créole
Ce que je constate c'est que les langues maternelles sont tellement marginalisées et aucune entreprise ne les accepte
La preuve en Haïti quand on se présente dans un bureau si on parle créole on est pas écouté ou on est ignoré alors si on s'exprime en français l'accueil est complètement différent
Donc généralement les enfants qui ne parlent que la langue maternelle sont issus des familles très modestes
Ma question est:ne craignez vous que cela puisse être un frein ou une barrière pour les enfants dans cet objectif d'ascension sociale et qu'il y ait un vrai déséquilibre entre l'élite les enfants des familles modestes
Et qu'aujourd'hui Les langues commerciales ne sont absolument pas les langues maternelles des pays sous développés
Cordialement

Deciding on which language to use in a school in P1 is not alwways easy where there are many languages operating. In Papua New Guinea the advice was to choose the language which children play in. They actually learn more from each other than they do from the teacher. I was alarmed in South Sudan to hear that Juba Arabic was not considered as the language of instruction in early years in Juba. This is the language of choice of most children and parents. The prejudice against it is because many do not consider it a real language. This is the language children use on the palyground so this is what they should be first taught. It makes no sense to teach the arabic script with this as they need later to learn English, so they should learn using the Roman script, using Juba Arabic.

Seeing that each pilot program was monitored by experts, I am wondering how much of the marked improvement may be attributable to the presence of expert monitors or trained teacher aides, or to their general helpful suggestions made quite naturally at the same time that they were helping ordinary teachers implement the mother-tongue program. I can remember my own school days and how differently most teachers taught when the principal decided to sit in on a class! Surely *some* of the improvement would have occurred even without the focus on native language teaching. (Not all of it of course. I have no trouble agreeing that reading is best taught as closely connected as possible to the student's spoken language.)

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