Le secteur de l’éducation d’Haïti a besoin de notre aide
Alice Albright fait part de ses réflexions sur ses trois jours passés en Haïti, où elle a visité plusieurs écoles dans l'île et a rencontré le Ministre de l’Éducation et les partenaires de développement.
18 février 2015 par Alice Albright, GPE Secretariat
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Lecture : 9 minutes
Élèves de l'école primaire, l'École nationale Charles Belair. Haïti. Credit: GPE/Chantal Rigaud

De retour de mon deuxième voyage en Haïti, le premier avec le Partenariat mondial pour l’éducation, il me coûte toujours autant de devoir accepter qu'à deux petites heures des côtes américaines, se trouve une île où les gens vivent à la limite de la survie. Ceux-ci ont grand besoin de notre soutien.

Haïti est encore occupé à se remettre de l’énorme séisme du 12 janvier 2010 qui a détruit en grande partie la capitale Port-au-Prince, ainsi que les habitations de nombreux Haïtiens, qui n'ont plus aucun accès à la nourriture, à l'eau ou à l'éducation. Près de cinq ans après la tragédie, j’ai pu constater les avancées du pays qui s’est efforcé de dégager les montagnes de décombres, reconstruire et assurer un nouveau logement aux populations déplacées.

Au cours des quelques jours de mon séjour dans l’île, j’ai rencontré le Ministre de l’Éducation et les partenaires de développement, visité des écoles et parlé à des enseignants, des élèves et des administrateurs d’établissement de leurs besoins, de leurs espoirs et de leurs difficultés.

Le message essentiel que je retiens est la ferveur des Haïtiens pour l’éducation, malgré son coût. En Haïti, l’offre éducative publique est en effet limitée, et les écoles publiques ne représentent que 15 à 20 % de l’ensemble des établissements scolaires. Cette situation est le fruit de nombreuses années de sous-développement, crises politiques, conflits et catastrophes naturelles. C’est donc le secteur privé qui s’est saisi du problème, ouvrant une vaste gamme d’établissements scolaires, des institutions à but lucratif aux écoles confessionnelles, avec des frais de scolarité, des programmes scolaires et des niveaux de qualité extrêmement variés.

Une forte volonté d’éduquer

J’ai rencontré plusieurs personnes remarquables au cours de mon séjour. Sœur Lucie, par exemple, directrice d’une école de filles à Saint-Marc. Elle a décidé de fermer l’école le jour de notre visite, à cause des manifestations de la veille au cours desquelles certains manifestants avaient tenté de pénétrer de force dans l'enceinte de l'école pour demander aux élèves de se joindre à la grève. J'ai pu voir combien cette décision de fermeture lui était difficile, mais elle n'avait d'autre choix que d'assurer la sécurité de ses élèves.

J’ai également fait la connaissance d’Hervé Jean Baptiste, directeur du collège mixte Joinvil à Port-au-Prince. M. Jean Baptiste n’est pas enseignant de formation, mais ingénieur. Avec quelques amis motivés, il a cependant ouvert cette école pour offrir une opportunité aux élèves de son quartier.

Il a expliqué que de nombreux élèves étaient issus de familles pauvres ne pouvant payer les frais de scolarité, mais qu’il les acceptait néanmoins. « Il faut les aider » a-t-il dit. Son école reçoit des financements à travers le programme de soutien au frais de scolarité.

Enfin, j'ai été marquée par un homme qui s'est levé au cours d'une réunion communautaire à Nancroix, village isolé à la frontière de la république dominicaine. En créole, il a passionnément défendu la nouvelle école promise par l'État dans le village, expliquant que lui et d’autres acceptaient de cesser leur travail le temps qu’il faudrait pour construire l'école, une fois les matériaux livrés.

Comment le Partenariat mondial aide Haïti

Au Partenariat mondial, nous contribuons au soutien d'Haïti : notre premier financement de 22 millions $US approuvé en 2008 a été rapidement réaffecté suite au séisme de janvier 2010 afin de satisfaire aux besoins immédiats : les fonds ont été utilisés pour financer le salaire des enseignants tandis que le pays se reconstruisait, ainsi que les frais de scolarité de plus de 83  000 enfants afin de leur permettre de reprendre l’école. Grâce à ce financement, 2 800 écoles ont reçu un financement leur permettant de réouvrir leurs portes et de payer les salaires des enseignants, et plus de 60 000 élèves ont bénéficié de repas à l'école de 2010 à 2012.

Avec un nouveau financement de 24,1 millions $US, le Partenariat mondial va poursuivre le paiement des frais de scolarité de plus de 100 000 enfants devant être scolarisés cette année, et 35 000 l’année prochaine. Nous continuerons également à soutenir les programmes alimentaires des écoles, qui bénéficient à 34 000 élèves.

Malgré la poursuite de la grève des enseignants, je remercie le Ministre de l’Éducation et de la Formation professionnelle d’Haïti, M. Nesmy Manigat, d’avoir accordé un entretien à nos partenaires de l’UNESCO et de la Banque mondiale et moi-même, pour nous exposer ses principales priorités pour les prochains mois. Notons que durant le récent remaniement ministériel, M. Nesmy Manigat est un des rares ministres à avoir conservé son poste.

La qualité médiocre de l'apprentissage constitue selon lui une des principales entraves aux progrès du secteur de l’éducation. Selon ses indications, seuls 3 élèves sur 100 achèvent le cycle secondaire sans redoubler. Les autres ne vont pas à l’école ou décrochent en cours de scolarité. « Il est urgent et crucial de réformer entièrement les programmes scolaires proposés à nos enfants, de la maternelle au lycée », a-t-il déclaré.

Les pays fragiles ou en situation de conflit nécessitent un soutien spécifique

Le Ministre désire s'engager auprès des partenaires de développement pour trouver des solutions, notamment au moyen d’une réforme des programmes scolaires et d’un solide processus d’accréditation, à la fois pour les enseignants des établissements non publics et les établissements eux-mêmes. Ces établissements ont récemment reçu des cartes d’identité et se sont vus accorder deux ans pour se mettre en conformité avec la loi : toutes les écoles doivent remplir une demande d’accréditation et satisfaire à un ensemble de critères, tels que la liste complète des enseignants, le profil des directeurs, des enseignants, etc.

Sur un total de 60 pays soutenus par le Partenariat mondial, Haïti est un des 28 pays en situation de fragilité ou émergeant d’un conflit. Ces pays sont confrontés à des difficultés particulières supplémentaires sur la voie du développement, et c’est pourquoi notre partenariat a élaboré des politiques spécifiques pour les aider. Le GPE leur fournit une assistance technique pour l’élaboration d’un plan de l’éducation transitoire lorsque ceux-ci sont dans l’incapacité de préparer une stratégie globale à long terme.

Le Partenariat mondial répond également rapidement aux situations d’urgence en facilitant la réaffectation rapide des financements afin de s'attaquer aux problèmes les plus urgents, comme dans le cas d'Haïti suite au séisme.

J’ai quitté Haïti, encouragée par la résilience dont font preuve ses habitants et leur ferveur envers l’éducation, inspirée par la détermination du Ministre à traiter des difficultés les plus pressantes, mais inquiète du fait que cinq ans après une des pires crises humanitaires de l'histoire, la communauté internationale se détourne d'un pays ayant encore cruellement besoin d'aide extérieure.

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Merci pouur cet article pertinent

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