Les preuves étayées par des données concernant l’effet du changement climatique sur les résultats/le financement de l'éducation et vice versa sont actuellement peu nombreuses.
Toutefois, compte tenu des pressions de plus en plus fortes exercées sur les gouvernements des pays à faible revenu pour s'adapter au changement climatique et en atténuer les effets, il est essentiel de comprendre les effets du changement climatique sur le financement de l'éducation et d'identifier les innovations et les bonnes pratiques pour pouvoir financer des systèmes éducatifs intégrant le climat.
Dans un premier temps, pour mieux comprendre cette relation, nous avons travaillé avec Dalberg pour effectuer une analyse documentaire des recherches actuelles et recenser les données disponibles.
Les principales conclusions de ce travail initial sont, entre autres, les suivantes :
Les catastrophes d'origine climatique affectent déjà de manière considérable l'éducation des enfants, en particulier des filles.
Au lendemain d’une catastrophe climatique, l'éducation des enfants est affectée à la fois directement (infrastructures scolaires endommagées, blessures physiques empêchant de se rendre à l’école) et indirectement (manque d'aliments nutritifs affectant la concentration en classe).
Bon nombre de ces effets sont plus prononcés chez les filles, en particulier dans les ménages les plus pauvres des pays à faible revenu. Par exemple, certains parents peuvent être réticents à envoyer leurs filles dans des établissements scolaires temporaires pour des raisons de sécurité et il incombe souvent aux filles d’assumer une plus grande part des tâches ménagères supplémentaires résultant des catastrophes.
Bien que les ménages priorisent l'éducation même après une catastrophe, qu'elle soit d'origine climatique ou autre, lorsqu’ils sont confrontés à une pression financière importante ou à des menaces existentielles perçues, ces derniers ont tendance à réduire leurs dépenses en faveur de l’éducation.
L'éducation est très souvent négligée dans les initiatives des gouvernements et les efforts en matière d'aide visant à lutter contre le changement climatique et à financer des opérations de secours aux sinistrés.
La plupart des gouvernements ne semblent pas tenir compte de l'éducation dans leurs investissements consacrés au changement climatique et aux catastrophes. Même si les bailleurs de fonds reconnaissent davantage l'importance de l'éducation, l'allocation de leurs fonds ne reflète pas cette reconnaissance.
Les données provenant de la base de données SNPC de l'OCDE semblent indiquer qu'en 2020 l'aide en faveur du changement climatique dirigée vers l'éducation ne représentait qu’environ 1,3 % de l'aide bilatérale totale déployée par les pays du CAD pour lutter contre le changement climatique.
L’augmentation de l'aide extérieure en faveur de la lutte contre le changement climatique est privilégiée, tandis que l'aide à l'éducation diminue, mais les conséquences sur les dépenses et les investissements du gouvernement dans le secteur de l'éducation ne sont pas claires.
La proportion de l'aide publique au développement (APD) destinée à la lutte contre le changement climatique a augmenté de manière constante, passant de 21,7 % en 2013 à 33,4 % en 2020, tandis que la proportion de l'APD destinée à l'éducation a diminué de manière constante, passant de 11,7 % en 2010 à 9,7 % en 2020.
Même s'il est reconnu que le changement climatique entraînera une forte hausse des coûts pour les gouvernements tout en réduisant potentiellement les recettes fiscales, aucune analyse de cette relation n’a été effectuée à ce jour dans les pays à faible revenu, ni des conséquences sur le développement à plus long terme.
Les mesures des gouvernements visant à renforcer l'importance du rôle de l'éducation dans l'adaptation au changement climatique et l'atténuation de ses effets sont également limitées, tout comme les mesures visant à intégrer les considérations climatiques dans le secteur de l'éducation.
Il semble que les gouvernements soient enclins à prendre des engagements dans des contextes volontaires, par exemple en signant la Déclaration de Berlin sur l'éducation au développement durable.
En revanche, l'éducation ne joue pas encore un rôle prépondérant dans les situations qui exigent un certain niveau de responsabilité, comme les contributions déterminées au niveau national (CDN). Les mesures concrètes des gouvernements dans ce domaine sont également limitées dès lors que la plupart des plans sectoriels de l’éducation ou des programmes scolaires nationaux n’intègrent pas de manière significative le changement climatique.
D’après une enquête réalisée à l’échelle mondiale portant sur 68 pays fortement exposés aux catastrophes, près de 60 % des pays interrogés ont intégré des éléments de réduction des risques de catastrophe ou de réponse aux catastrophes dans leur plan sectoriel de l'éducation, mais les détails ont tendance à être très limités.
On observe également d'importants écarts entre les régions. En effet, les programmes scolaires nationaux d'Afrique subsaharienne et d'Océanie intègrent beaucoup plus le changement climatique.
Le changement climatique a de graves répercussions sur le financement de l'éducation, dès lors qu’il suscite des investissements supplémentaires.
Les financements limités des gouvernements, des ménages et des bailleurs de fonds peuvent être réorientés vers d'autres secteurs au détriment de l'éducation pour répondre aux urgences climatiques et aux catastrophes dues au changement climatique qui se manifestent lentement.
Compte tenu des pressions de plus en plus fortes exercées sur les gouvernements pour s'adapter au changement climatique et en atténuer les effets, il est primordial de mieux comprendre les effets du changement climatique sur le financement de l'éducation.
L'éducation est un pilier sous-estimé mais essentiel pour lutter contre le changement climatique, qui recèle une opportunité à la fois pour s’adapter au changement climatique et pour en atténuer les effets.
Des systèmes d’éducation solides peuvent renforcer la capacité des élèves et de leurs communautés à s'adapter et à répondre au changement climatique, à agir comme des acteurs du changement et à préparer les jeunes aux futures économies vertes ainsi qu’aux futures carrières dans le domaine de l'adaptation au changement climatique.
Toutefois, pour créer des systèmes éducatifs tenant compte des réalités climatiques, les gouvernements et la communauté internationale devront accroître leurs investissements. Ceci est davantage nécessaire pour moderniser les infrastructures scolaires de façon à les rendre résistantes au changement climatique, améliorer les systèmes de données pour assurer le suivi et sensibiliser aux risques, renforcer la formation des enseignants et les programmes scolaires, tout en garantissant aux enfants un enseignement de qualité qui leur permettra d'acquérir ultérieurement des compétences « vertes ».
Quelle est la prochaine étape ?
Save the Children, le GPE et d'autres partenaires lancent actuellement la deuxième phase du projet, en réalisant une analyse des données et des études de cas dans différents pays, et publieront un rapport final au printemps.
Grâce à ce travail commun, nous évaluons les preuves et les données disponibles pour comprendre les effets du changement climatique sur le financement de l'éducation et pour identifier les innovations et les bonnes pratiques en vue de financer des systèmes éducatifs intégrant le climat.
Nous espérons que cela permettra d’intensifier les recherches à ce sujet et d’encourager les gouvernements et les bailleurs de fonds à considérer l'éducation comme un pilier essentiel de la lutte contre le changement climatique.
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