Financer l'intégration des réfugiés dans les systèmes éducatifs nationaux : ce que nous ignorons

Vu l’engagement croissant en faveur de l’inclusion des réfugiés et des preuves limitées dont on dispose sur ce qui fonctionne, le moment est venu de remettre en question les hypothèses sur la manière de financer des systèmes éducatifs inclusifs pour les réfugiés, afin de garantir que les investissements futurs répondent aux besoins immédiats et à long terme de tous les apprenants.

25 janvier 2024 par Arianna Pacifico
|
Lecture : 5 minutes
Les élèves de l'école publique Bourj Hammoud à Beyrouth, au Liban, lèvent la main pour répondre à une question pendant une leçon. Les deux tiers des élèves de cette école sont libanais et un tiers sont syriens. Crédit : Dominic Chavez/Banque mondiale
Les élèves de l'école publique Bourj Hammoud à Beyrouth, au Liban, lèvent la main pour répondre à une question pendant une leçon. Les deux tiers des élèves de cette école sont libanais et un tiers sont syriens.
Credit: Dominic Chavez/Banque mondiale

Dans un contexte où les déplacements forcés sont en augmentation, l'intégration des réfugiés dans les systèmes éducatifs des pays d'accueil est devenue une priorité politique mondiale visant à améliorer l'accès à l'éducation et la qualité de l'enseignement.

Les annonces de contributions faites lors du Forum mondial sur les réfugiés, y compris celles du GPE, témoignent d'une réelle volonté à soutenir les élèves réfugiés et les communautés d'accueil via les systèmes nationaux.

Compte tenu de l'engagement croissant en faveur de l'inclusion des réfugiés et des éléments concrets limités dont nous disposons sur ce qui fonctionne, le moment est venu de remettre en question les hypothèses sur la manière de financer les systèmes éducatifs inclusifs pour les réfugiés afin de garantir que les investissements futurs répondent aux besoins immédiats et à long terme de tous les élèves.

Les questions suivantes découlent d'une étude de cas comparative et qualitative que j'ai menée au Liban et en Turquie et indiquent les domaines dans lesquels il convient de poursuivre les recherches.

Comment assurer la viabilité à long terme des investissements dans l'éducation des réfugiés par le biais des systèmes éducatifs des pays d'accueil ?

Les politiques d'inclusion prévoient que la participation des élèves refugiés aux systèmes nationaux soutiendra un financement durable et prévisible pour leur éducation. Cependant, il existe souvent des obstacles politiques importants au transfert des services destinés aux réfugiés dans les budgets nationaux et une marge de manœuvre fiscale limitée pour canaliser davantage de fonds vers l'éducation dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire qui accueillent 76 % des réfugiés dans le monde.

En même temps, dans les contextes tributaires des bailleurs de fonds, on ne sait pas si ces derniers parviendront à fournir un financement adéquat, prévisible et à long terme pour l'éducation des réfugiés, obligeant les gouvernements d'accueil à faire plus avec moins.

Bien que les engagements des bailleurs de fonds soutiennent l'énorme pression exercée sur les systèmes éducatifs de la Turquie et du Liban, les deux pays ont connu des réductions du financement international en raison de crises concurrentes (pandémie de COVID-19, guerre en Ukraine, etc.) ainsi que des réductions de l'aide publique au développement (APD) liées au ralentissement économique mondial et aux changements de dirigeants dans les pays donateurs en faveur de gouvernements qui privilégient les dépenses intérieures plutôt que les dépenses extérieures.

Il existe ainsi un fossé qui ne change pas entre le soutien mondial à l'inclusion des réfugiés fondé sur la réalité des déplacements prolongés (67 % des réfugiés vivent en exil depuis plus de cinq ans) et les limites sous-jacentes des bailleurs de fonds à s'engager dans un soutien à plus long terme pour les réfugiés.

L'incapacité des pays d'accueil à planifier un financement adéquat à long terme est un obstacle de taille à une éducation de qualité pour les réfugiés.

Que signifie partager la responsabilité de l'éducation des réfugiés ?

Les cadres mondiaux qui promeuvent l'inclusion sont basés sur le principe de longue date du partage des responsabilités, selon lequel les pays d'accueil ne doivent pas assumer seuls les responsabilités liées à l'accueil des réfugiés.

L'éducation des élèves réfugiés coûte souvent plus cher parce que ces derniers ont besoin d'un soutien supplémentaire pour pouvoir accéder à l'éducation et apprendre (par exemple, des cours de langue, des programmes d'apprentissage accéléré, un soutien psychosocial).

Les cadres d'évaluation des coûts pour l'éducation inclusive des réfugiés doivent également inclure les communautés d'accueil vulnérables. Comme il faut davantage d'écoles, de salles de classe et d'enseignants, l'intégration des réfugiés nécessite un financement pour les infrastructures et les coûts récurrents (tels que les salaires des enseignants) que peu de bailleurs de fonds sont disposés et capables de fournir.

En tant que tels, les accords de partage des responsabilités doivent répondre à l'objectif principal du Pacte mondial sur les réfugiés : réduire la pression financière sur les pays d'accueil et envisager un soutien à l'éducation au-delà du financement, en s'attaquant par exemple aux causes sous-jacentes du déplacement, en promouvant des solutions durables, notamment en développant la réinstallation des communautés de réfugiés, et en apportant une assistance technique pour soutenir les priorités des gouvernements d'accueil en matière d'éducation.

Un accord sur ce que signifie le partage des responsabilités en matière d'éducation des réfugiés est nécessaire pour éviter que le secteur de l'éducation ne se rende complice d'un « dumping des responsabilités » ou du transfert de la responsabilité des réfugiés vers des pays moins riches et dotés de systèmes éducatifs plus faibles, sans mesures compensatoires adéquates.

Comment le financement de l'éducation peut-il encourager non seulement l'accès à la scolarité, mais aussi l'appartenance, les liens et la cohésion ?

L'inclusion se justifie par l'amélioration de la cohésion sociale et l'atténuation des conflits dans les pays d'accueil. Cependant, au Liban et en Turquie, l'éducation des réfugiés dans les écoles nationales a parfois exacerbé les tensions entre les groupes en raison de la répartition inéquitable de l'aide et des préoccupations accrues quant à l'identité et à la qualité de l'école.

Selon des études, la manière dont les politiques d'inclusion sont mises en œuvre peut entraver les liens sociaux des apprenants, leur sentiment d'appartenance et leur capacité à se sentir représentés dans la classe.

Dans les politiques mondiales et nationales, le terme « inclusion » fait le plus souvent référence à l'accès aux écoles nationales, aux programmes d'études et à la certification. Cependant, des approches de longue date soulignent que l'inclusion est un processus dynamique à double sens qui exige que les réfugiés et les communautés d'accueil s'adaptent.

Cette approche est conforme aux fondements de la recherche sur la consolidation de la paix : la reconnaissance de la diversité et des identités favorise les attitudes, les institutions et les structures qui soutiennent les sociétés pacifiques.

Les systèmes éducatifs nationaux sont des instruments fondamentaux dans la construction d’une nation, utilisés pour forger les identités, les cultures et les langues nationales. Cependant, ils peuvent représenter un obstacle significatif à l'appartenance, l'interdépendance et la cohésion sociale lorsque ces visions n'intègrent pas les réfugiés.

Comment l'investissement dans l'intégration des réfugiés peut-il renforcer les systèmes éducatifs ?

Le soutien à l'inclusion peut renforcer les systèmes éducatifs en améliorant les infrastructures scolaires, les systèmes de données, le renforcement des capacités, la gouvernance, la gestion financière et la qualité de l'éducation. Ensemble, ces changements au sein d’un système éducatif peuvent conduire à une utilisation plus efficace et stratégique des ressources, se traduisant à son tour par des économies supplémentaires.

Cependant, l'action internationale et le financement en faveur de l’inclusion des réfugiés ne renforcent pas nécessairement l'efficacité ou les capacités institutionnelles des systèmes éducatifs. Au Liban, par exemple, les promesses d'investissement de plus de 300 millions de dollars pour transformer le système éducatif grâce à un accès accru et équitable, à l'amélioration des acquis scolaires et à une gestion plus solide au niveau de l'école n'ont pas été tenues.

Cela souligne le besoin d’examiner soigneusement comment les investissements en matière d’éducation peuvent conduire à des objectifs éducatifs à long terme, l’influence de la coordination des bailleurs de fonds, l’architecture et les politiques sur le fonctionnement des ministères et comment le financement peut soutenir l’inclusion en prenant compte de la réalité politique, économique et sociale des gouvernements des pays d’accueil.

Les questions soulevées ici visent à stimuler la réflexion sur le financement de l'éducation en faveur de l'intégration des réfugiés et à soutenir l’alignement du potentiel de l'investissement mondial sur les promesses de responsabilité partagée.

Des études sont encore nécessaires pour identifier des voies réalistes pour un financement pérenne qui : ne retombe pas sur les communautés d'accueil (souvent déjà vulnérables), peut répondre aux besoins immédiats et à long terme des systèmes éducatifs nationaux alignés sur leurs priorités et peut renforcer les capacités institutionnelles pour répondre aux crises par le biais de partenariats fiables et transparents.

Compte tenu de l'aggravation des crises actuelles, de la pénurie de ressources et de la politisation des migrations, des études sont également nécessaires pour comprendre comment les approches de financement incluant les réfugiés peuvent à la fois promouvoir l'appartenance et les relations sociales positives au sein des systèmes éducatifs des pays d'accueil et remédier aux inégalités mondiales.

En savoir plus sur les engagements pris par le GPE lors du forum mondial sur les réfugiés.

#####

Lire les autres blogs de cette série sur l'importance d'inclure les réfugiés dans les systèmes éducatifs

Lire aussi

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas divulguée. Tous les champs sont requis

Le contenu de ce champ sera maintenu privé et ne sera pas affiché publiquement.

Comments

  • Aucune balise HTML autorisée.
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.