Financement de l'éducation en situation de crise : Où en sommes-nous ?

Mobiliser des financements suffisants pour l'éducation des enfants dans les situations de crise est essentiel pour faire face à la crise mondiale de l'éducation. Un nouveau document du Hub mondial de Genève pour l'éducation dans les situations d'urgence met en lumière 7 éléments qui requièrent l'attention de la communauté internationale à l'approche du Sommet de l'avenir prévu cette année lors de l'Assemblée générale des Nations Unies.

18 juillet 2024 par Petra Heusser, Geneva Global Hub for Education in Emergencies, Damian Lilly, et Margot Thierry
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Lecture : 5 minutes
Des élèves participant à des activités de lecture de poèmes à l'école primaire de Quanbee, dans la commune de HlaingBwe, dans l'État de Kayin, lors d'une visite d'observation des interventions de formation continue des enseignants (school-based in-service teacher education - SITE) financées par le SMBC dans l'État de Kayin, au Myanmar. Crédit : UNICEF/UN0406612/Htet
Des élèves participant à des activités de lecture de poèmes à l'école primaire de Quanbee, dans la commune de HlaingBwe, dans l'État de Kayin, lors d'une visite d'observation des interventions de formation continue des enseignants (school-based in-service teacher education - SITE) financées par le SMBC dans l'État de Kayin, au Myanmar.
Credit: UNICEF/UN0406612/Htet

Aujourd'hui, 224 millions d'enfants en âge d'être scolarisés sont pris dans des situations de crises et requièrent une éducation de qualité. Ce chiffre comprend 72 millions d'enfants qui ne sont pas du tout scolarisés.

Malgré les engagements pris pour donner la priorité au soutien à l'éducation dans les situations de crise, de nombreux bailleurs de fonds réduisent leur financement au secteur de l'éducation qui continue de souffrir d'un sous-financement chronique et d'un manque de priorité.

Le document du Hub ESU identifie des idées clés pour remédier au déficit chronique de financement de l'éducation et couvre des problèmes persistants, mais aussi des opportunités.

Des problèmes persistants

Le financement de l'éducation dans les contextes humanitaires a diminué en 2023 pour atteindre 1,12 milliard de dollars, soit une baisse de 4 % par rapport à l'année précédente.

Pour la première fois depuis plus d'une décennie, cette baisse marque une interruption de la longue tendance à l'augmentation annuelle. Cette baisse de 4 % est inférieure à celle du financement humanitaire global, qui a chuté de 18 % en 2023, mais elle a tout de même eu un impact significatif sur l'éducation, un secteur constamment sous-financé par rapport à d'autres.

Les pays où l'éducation des enfants est la plus menacée sont en même temps ceux où les secteurs de l'éducation sont les plus sous-financés.

En 2023, l'indice de risque pour l'éducation de Save the Children a identifié 11 pays comme présentant des risques « extrêmes » ou « élevés » pour l'éducation. Ces pays figuraient parmi les endroits où le secteur de l'éducation enregistrait un sous-financement critique.

Les besoins en matière d'éducation dans le cadre de l'appel humanitaire mondial des Nations Unies sont également tombés à 1,7 milliard de dollars en 2024, soit une baisse de 26 % par rapport à l'année précédente, dans le cadre d'un exercice de « fixation des limites » mené par le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA) dans l'Aperçu de la situation humanitaire dans le monde.

Le secteur de l'éducation a été le secteur le plus touché, même si sa part de financement a augmenté pour atteindre 5,1 % en 2023.

Malgré les engagements politiques pris depuis 2019, l’éducation ne fait toujours pas partie des priorités des fonds humanitaires gérés par l’OCHA, avec seulement 1,7 % des ressources du Fonds central d’intervention d’urgence alloué à l’éducation en 2023.

Des opportunités pour combler le déficit de financement

L'aide au développement consacrée au secteur de l'éducation dans les pays touchés par la fragilité et les crises a augmenté ces dernières années, la proportion de l'aide publique au développement dans ces contextes passant de 6,4 % en 2017 à 7,2 % en 2022.

Cette évolution met en évidence la nécessité d'adopter davantage d'approches en matière de financement et de mise en œuvre de programmes d'éducation qui soulignent les interdépendances entre les secteurs et la coordination entre les acteurs du secteur humanitaire et ceux du développement.

Le soutien et les engagements politiques étant essentiels pour garantir le financement de l'éducation dans les situations d'urgence, les fonds dédiés à l'éducation tels que le GPE et Éducation sans délai jouent un rôle crucial. Non seulement ils servent de catalyseurs pour obtenir des financements supplémentaires, mais ils peuvent également combler le fossé entre l'aide humanitaire et l'aide au développement grâce à une coordination au niveau mondial et national.

Le GPE est un fonds de développement et un partenariat dédié à l'éducation dans les pays à faible revenu. En 2023, 40 % des pays partenaires du GPE étaient touchés par la fragilité ou les conflits. Éducation sans délai est un fonds mondial humanitaire qui soutient l'éducation dans les situations d'urgence et les crises prolongées dont 53,7 % des financements en 2023 provenaient du secteur du développement.

Il est complexe de séparer les besoins et les ressources « humanitaires » de ceux du « développement » dans de nombreuses situations, en particulier dans les pays qui luttent pour mettre en place des systèmes éducatifs plus efficaces et équitables et qui sont également touchés par la fragilité et les crises. Mais pour les enfants qui bénéficient de leurs programmes, cette séparation ne se fait pas ressentir : il s'agit seulement de savoir s'il existe une école sûre où aller, avec des enseignants formés et un soutien pédagogique approprié, aujourd'hui, demain et à l'avenir.

Le pont entre le développement et l'aide humanitaire doit être construit depuis ces deux entités.

C'est pourquoi une coordination étroite entre le GPE et Éducation sans délai est si importante pour soutenir l'éducation en temps de crise : une coordination qui est ancrée dans les pratiques des deux fonds pour aligner les partenaires de l'éducation à travers des mécanismes de financement et qui est éprouvée dans des pays partenaires tels que l’Afghanistan et le Soudan du Sud.

Financement de l’action climatique et éducation

Les acteurs de l'éducation disposent d'un important potentiel inexploité d'accès au financement climatique pour mettre en place des systèmes éducatifs résilients et intégrant le climat dans les pays touchés par des crises.

L'initiative BRACE, lancée en 2023 lors de la COP28 par le GPE, le Fonds vert pour le climat et Save the Children, vise à renforcer la résilience climatique des communautés par le biais du secteur de l'éducation. En commençant par 70 millions de dollars alloués au Cambodge, au Soudan du Sud et aux Tonga, l'initiative financera des activités telles que la construction d'écoles plus sûres et mieux adaptées au climat en suivant le Cadre global pour la sécurité des écoles.

De telles initiatives ont un potentiel important. En 2021, sur l'ensemble des financements pour le développement liés au climat, seuls 1,5 % (soit au total 1,5 milliard de dollars) ont été alloués au secteur de l'éducation (dont 761,9 millions de dollars alloués à des contextes en situation de fragilité).

Le GPE travaille également avec Save the Children, l'UNESCO et l'Institut international de planification de l'éducation (IIPE) de l'UNESCO pour promouvoir l'intégration de l'adaptation au changement climatique et de la viabilité environnementale dans les budgets du secteur de l'éducation par le biais de son Initiative d'appui technique aux systèmes éducatifs intégrant le climat. Le programme est axé sur le renforcement des capacités des ministères en charge de l'Éducation et de la coordination intersectorielle en matière de politique et de programmation pour le climat et l'environnement.

Les mécanismes de financement de l’action climatique doivent consacrer une part équitable du financement à l'éducation, car cela peut conduire à investir pour un rendement plus élevé de l'action climatique et à construire des systèmes éducatifs résilients intégrant le climat qui profitent à tous les enfants touchés par les crises.

Nous devons tous contribuer à donner la priorité à l'éducation dans les situations de crise

Avec un financement humanitaire des principaux bailleurs de fonds mis à rude épreuve en 2024, il est essentiel d'assurer un soutien financier continu à l'éducation des enfants et des jeunes touchés par les situations de crise et de déplacement.

En maintenant la dynamique de la dernière décennie, les bailleurs de fonds et les parties prenantes de l'éducation dans les situations d'urgence doivent s'appuyer sur les opportunités décrites dans le document du Hub ESU dont un soutien financier continu et accru aux fonds mondiaux pour l'éducation existants, une plus grande coordination entre le financement humanitaire et le financement du développement et la reconnaissance du potentiel du financement du climat pour le secteur de l'éducation.

Pour financer l'éducation en temps de crise, des efforts de la part de tous les partenaires sont nécessaires pour s'assurer que les ressources limitées sont utilisées de manière efficace et ciblée là où les besoins sont les plus importants.

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Ce document fait suite aux rapports phares 2022 et 2023 du Hub mondial de Genève pour l'éducation dans les situations d'urgence (Hub ESU) sur le financement de l'ESU et sur l'ESU et le changement climatique.

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