Les mêmes chances pour tous : de la parité à l'égalité
Dans un contexte humanitaire plus que tout autre, l'éducation peut s'avérée être une bouée de sauvetage pour les enfants. Pourtant, elle reste malheureusement inaccessible pour des millions d’entre eux. Pour les filles déplacées en particulier, l'éducation peut être protectrice et responsabilisante. Mais jusqu’ici, rien ne joue en leur faveur.
À l'échelle mondiale, seul un adolescent sur quatre atteint le secondaire et, pour dix garçons réfugiés inscrits, il y a moins de sept filles. À Dadaab, il existe des disparités entre les sexes à tous les niveaux : 7 % des filles seulement poursuivent leurs études dans le secondaire, contre 22 % des garçons.
Au rythme des progrès actuels, on estime qu'en 2030, pour les enfants vivant dans des situations de crise, 1 fille sur 5 ne sera pas capable de lire une phrase simple (en anglais).
Des millions d’enfants à travers le monde sont sur la voie de l’échec en matière d’apprentissage, les obstacles liés au sexe contribuant à marginaliser davantage les filles.
Alors, comment pouvons-nous nous attaquer aux obstacles liés à la scolarisation, à la participation et à la progression scolaire dans des contextes humanitaires ? Bien qu'une action accélérée pour faire progresser la parité entre les sexes soit essentielle, il est nécessaire de mettre davantage l'accent sur l'égalité des sexes dans et par l'éducation, afin de garantir que les enfants bénéficient pleinement des avantages de l'éducation.
Outils pratiques pour une éducation sensible aux questions de genre en situation d'urgence
En réponse au besoin d'orientations pratiques sur la promotion de l'égalité des sexes dans l'éducation en situation d’urgence (EiE), le Réseau inter-agences pour l'éducation dans les situations d'urgence (INEE) et l'Initiative des Nations Unies pour l'éducation des filles (UNGEI) ont lancé cette année la Note d'orientation de l'INEE sur le genre.
S'appuyant sur l'édition 2010 du Guide de poche sur le genre, la note d'orientation a été élaborée à l'intention des décideurs, des praticiens et de toutes les personnes impliquées dans l'initiative EiE dans le cadre de la préparation aux situations d'urgence, de la réponse ou du relèvement, afin de garantir que la programmation tient compte de la spécificité des sexes.
Reflétant la nature changeante des crises et de l’évolution du paysage de l’aide, la note d’orientation présente une série de stratégies, d’outils et d’approches nouvelles visant à placer l’égalité des sexes au cœur de l’EiE.
Formulées sur la base de normes minimales de l'INEE, les stratégies présentées promeuvent une programmation tenant compte de la dimension de genre en termes de participation, de coordination et d'évaluation ; qui fait progresser l’égalité des sexes en matière d’accès, de pratique de l’enseignement, de programmes d’études et d’apprentissage ; et soutient les politiques, la planification et le financement sensibles au genre. Des études de cas fondées sur des preuves et provenant de 14 pays montrent comment ces mesures peuvent être intégrées de manière pratique dans tous les aspects de l'EiE.
Changement de discours : le cas du projet Kenya Equity in Education
Une de ces études de cas décrit le Kenya Equity in Education Project (KEEP) dirigé par l’EUMC et financé par le programme Girls Education challenge du Ministère britannique en charge du développement international (DFiD). Le projet met l'accent sur les résultats de l'apprentissage et la rétention de plus de 20 000 filles des camps de réfugiés de Dadaab et Kakuma et des communautés d'accueil.
Une enquête menée en 2013 auprès de familles de communautés de réfugiés a révélé que 1,7 % d’entre elles seulement considéraient l'éducation comme un investissement précieux pour les filles. En établissant un réseau de mobilisateurs communautaires à plein temps, incluant de nombreux anciens élèves soutenus par le KEEP, le projet s'attaque aux obstacles liés au genre, tels que les tâches domestiques et les mariages précoces, et renforce le soutien à l'éducation et aux aspirations des filles par le biais de l'engagement des familles.
Les mobilisateurs communautaires sont également formés pour travailler avec les chefs religieux et politiques locaux, les encourageant à défendre l’éducation des filles.
KEEP travaille également avec de jeunes femmes réfugiées telles que Fatuma, qui ont poursuivi des études supérieures au Canada dans le cadre du Programme d’étudiants réfugiés de l’EUMC et sont prêtes à retourner, en tant que volontaires, dans leur ancien pays d’asile pour partager leurs expériences et leurs parcours éducatifs. Ces jeunes femmes puissantes sont un témoignage vivant de ce qu’il est possible de faire lorsque les filles parviennent à s’épanouir pleinement grâce à l’éducation.
En 2015, des recherches liées au projet KEEP ont montré une augmentation de 13 % du nombre de parents qui croient au pouvoir de transformation de l'éducation des filles. La deuxième phase du projet a débuté en 2017. En 2019, on a signalé une réduction de 25 % de la proportion de filles passant au moins un quart de leur journée à faire des travaux ménagers et une augmentation des résultats d'apprentissage en matière d'alphabétisation (16,1 points) et numératie (5,3 points) de base.
Des études de cas telles que celles-ci de quelle manière la prise en compte de l’égalité de genre dans les programmes éducatifs peut changer la donne pour les filles qui grandissent dans des contextes touchés par la crise, renforçant leur résilience et leur capacité à reconstruire leur vie et façonner leur communauté.
Mettre le genre au cœur de l'EiE offre les meilleures perspectives possibles pour promouvoir un relèvement durable et l'égalité des sexes en tant qu'objectifs qui se renforcent mutuellement. Nous espérons que la nouvelle note d'orientation de l'INEE sur le genre aidera à mieux outiller ceux qui se trouvent en première ligne de ce travail.