La semaine dernière, assise dans une classe de 6e de l’école primaire de Tuyebonso en République démocratique du Congo (RDC), j’écoutais la leçon de géométrie qu’un professeur dynamique dispensait à ses 36 élèves.
Il leur demandait d’identifier et de tracer des angles droits, aigus et obtus en discutant des caractéristiques qui définissent une forme. Les enfants suivaient dans leur manuel, fournis dans le cadre du Projet de Soutien à l’éducation de base (PROSEB) financé par le Partenariat mondial de l'éducation.
Le PROSEB, soutenu par un financement de 100 millions de dollars obtenu auprès du Partenariat mondial, sert à mettre en œuvre le plan intérimaire pour le secteur de l’éducation. Celui-ci vise à augmenter l’accès et l’équité au niveau primaire grâce à la restauration et à la construction de salles de classe, à améliorer la qualité de l’apprentissage par la formation des enseignants et la fourniture de matériel pédagogique, et à renforcer la gestion sectorielle.
Le programme se concentre essentiellement sur les deux provinces les plus démunies en termes de scolarisation, l’Équateur et le Kasaï Occidental, qui présentent l'indice de parité le plus faible et le financement le plus bas, de sources intérieures comme extérieures.
Les nouveaux manuels scolaires et les salles de classe neuves démontrent des progrès
Vingt millions de manuels scolaires ont été distribués dans le pays. Cela semble beaucoup, mais ce n’est pas suffisant. On estime à 12 millions le nombre d’enfants en âge d’être scolarisés dans le primaire en RDC. Un manuel scolaire moyen a une durée de vie d‘environ quatre ans du fait de l’usure.
L’école primaire de Tuyebonso est située à Kananga, dans le Kasaï Occidental. J’ai également visité l’école primaire de Kamilabi, dont six des 14 salles de classe ont été rénovées grâce au PROSEB. Cette restauration constitue la première amélioration connue par l’école depuis sa construction en 1956, quatre ans avant l’indépendance du pays.
Les progrès accomplis ces six derniers mois sont incroyables.
Tandis que seules 12 salles de classe avaient été achevées lors de ma visite d’avril, elles sont à présent plus de 400 dans 75 écoles différentes.
Les enseignants sont engagés et participent au processus politique
Plus de 10 000 inspecteurs et directeurs d’établissements ont été formés, et les réseaux de proximité sont opérationnels.
Les enseignants sont bien davantage engagés dans le processus politique qu’il y a deux ans. Au cours de ma première visite en 2013, les représentants des syndicats d’enseignants que j’avais rencontrés connaissaient peu le Partenariat mondial et savaient peu de choses du plan sectoriel de l’éducation du pays.
La semaine dernière, je les ai trouvés engagés, instruits et informés sur les sujets concernant le secteur. Les programmes de formation à distance des enseignants sont actuellement en cours de développement, et j’ai hâte de constater directement auprès des enseignants, lors de ma prochaine visite, l’impact de cette formation sur leur travail.
Définir la feuille de route de l’éducation pour les dix prochaines années
Les représentants des syndicats que j’ai rencontrés, dont les membres de l’Internationale de l’Éducation, sont impliqués dans l’élaboration du nouveau plan sectoriel de l'éducation qu’ils prévoient d’endosser.
Certaines difficultés demeurent cependant en termes du niveau et du versement de la paie des enseignants. Ces derniers sont progressivement intégrés dans le système formel, ce qui constitue une amélioration, car ils ont désormais accès aux services bancaires dans l'ensemble du pays.
Le pays est en train de finaliser un plan sectoriel de l'éducation de dix ans (2016 – 2025) et se prépare, avec un fort engagement de la part des enseignants et des autres partenaires, à l’élaboration d’une autre requête de financement majeur auprès du Partenariat mondial.
Les parents désirent une meilleure éducation pour leurs enfants
Ce qui m’a le plus frappée au cours des visites d’écoles la semaine dernière et en avril, c'est le niveau d'engagement de la communauté. La résilience et l’engagement des parents pour l’éducation de leurs enfants sont profondément enracinés. Lors des coupes dans le salaire des enseignants au cours des années 80, des coalitions de parents s’étaient formées pour défendre le versement de ces salaires.
Malgré une politique garantissant la gratuité de l'enseignement primaire à tous les enfants, le paiement par les parents de suppléments au salaire des enseignants persiste. Un rapport récent de la Banque mondiale estime que les ménages supportent en moyenne 73 % du fardeau financier de l’éducation d’un enfant. Le gouvernement et les bailleurs représentent quant à eux respectivement 23 % et 4 % des dépenses totales en matière éducation.
C’est ce type de défi que la troisième composante du programme actuel financé par le GPE tente de relever. Mais la réforme dans un pays de la taille de la RDC prend du temps, et j’espère que la nouvelle requête en financement en cours de préparation poursuivra cette œuvre importante.
Le financement du GPE incite aux résultats
Sous le modèle de financement adopté l’an dernier, 70 % du financement pour la mise en œuvre des programmes sont décaissés en soutien à un plan sectoriel chiffré et basé sur les faits probants que les partenaires s’engagent à mettre en œuvre.
Pour bénéficier des 30 % de financement restants, un pays doit identifier des stratégies clés qui permettront une accélération des avancées en termes d’équité, d’efficacité et de résultats de l’apprentissage.
Le décaissement de ces 30 % est lié aux indicateurs de performance qui démontrent la réalité de ces progrès. Je crois que des pays tels que la RDC sont tout à fait ceux qui bénéficieront le plus de ce modèle de financement.
Les besoins de financement en RDC sont immenses
Le secteur éducatif du pays souffre d'un sous-financement chronique. Tandis que le gouvernement a près de doublé la part de son budget dédié à l'éducation au cours des cinq dernières années, le montant dépensé pour le secteur est bien en-deçà des besoins de ce dernier.Le financement compte, mais il nous faut également utiliser au mieux les ressources disponibles. Le renforcement du système de gestion des finances publiques est au cœur de cette question, tout comme l’amélioration de la gouvernance sectorielle.
Rassembler tous les partenaires autour d’une vision partagée pour l’éducation
Je trouve encourageant le fait que la RDC reconnaisse l’importance de l’éducation et en ait fait la « priorité des priorités ». Au cours de ma visite, le Premier Ministre Augustin Ponyo Matata a organisé un événement spécial réunissant tous les partenaires afin de discuter de l’éducation dans le pays.
Maker Mwangu Famba, le Ministre de l’enseignement primaire, a animé une discussion avec les trois autres ministres chargés du secteur éducatif, des représentants de la société civile, des universités, du secteur privé, des bailleurs, des enseignants et des élèves. L’intervenant le plus remarquable était peut-être cette jeune fille de seize ans qui a déclaré que lorsque les filles ont accès à l’école, elles obtiennent de meilleurs résultats que les garçons.
Rien n’importe davantage que l’éducation de la prochaine génération. Les écoles sont des lieux d’apprentissage, mais c'est également là que nous transmettons à la prochaine génération les connaissances et valeurs qui la guideront tout au long de sa vie.
Ce pays qui a frappé mon imagination ne deviendra plus fort que si l’État et tous les partenaires de développement continuent leur engagement à financer le secteur éducatif et à assurer une éducation de qualité équitable et inclusive à tous les enfants.