Éducation des filles au Ghana : lutter contre les obstacles au-delà de la parité filles-garçons

L’accès des filles à l’éducation s’améliore progressivement à travers le monde. Cependant, selon l’expérience de la coalition nationale pour l’éducation au Ghana, l’accès n’est que la première étape vers la transformation des schémas de genre dans le système éducatif formel du pays.

07 octobre 2021 par Clara Lindhard Neltoft, Education Out Loud
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Lecture : 5 minutes
Des jeunes filles dans une école au Ghana. Crédit : Oxfam Ibis
Des jeunes filles dans une école au Ghana.
Credit: Oxfam Ibis

Ce blog a également été publié sur le site de L'Éducation à voix haute.

Selon les nombreuses données sur la parité entre les sexes recueillies par Equal Measures 2030, en 2019, le Ghana occupait la 7ème parmi les pays d’Afrique subsaharienne en matière de parité entre les sexes dans l’éducation, avec un score de 61 %.

Le pays a connu une transformation rapide et une nette amélioration de l’accès des filles à l’éducation au cours des dernières décennies. Cependant, bien que le Ghana ait atteint une parité presque totale entre les sexes en matière de scolarisation dans l'enseignement primaire et secondaire en 2019, les filles sont toujours sous-représentées dans certaines matières, et nombreuses sont celles qui n'achèvent pas leur scolarité.

L’Afrique saharienne est la région la moins bien notée en matière de parité entre les sexes dans l’éducation avec un score global de 54 %, contre une moyenne mondiale de 75 %. Cependant, il faut tout de même rappeler qu’ils existent toujours de nombreux obstacles à l’éducation des filles - qui vont bien au-delà des difficultés d’accès - et ce, pas seulement en Afrique subsaharienne, mais dans le monde entier.

« Nous avons atteint nos objectifs en matière de scolarisation et nous nous battons maintenant pour la rétention et la qualité des résultats. Nous constatons un énorme changement négatif s’agissant de la parité entre les sexes entre le secondaire et l’enseignement supérieur. Quelque chose se passe entre ces deux niveaux. Il y a comme une rupture quelque part entre les deux » explique Mme Dinah Adiko, spécialiste du genre et de l’inclusion, et membre du comité technique de la Coalition pour la campagne nationale d'éducation du Ghana (GNECC), l’une des nombreuses coalitions nationales pour l’éducation soutenues par L’Éducation à voix haute.

Des normes de genre problématiques à répétition dans le système éducatif

Selon le le Rapport sur l’égalité des sexes 2020 de l’UNESCO, la scolarisation des filles n’a cessé d’évoluer au fil du temps. Cependant, il existe encore de grandes inégalités de genre dans l’enseignement supérieur et dans les matières liées aux sciences, à la technologie, à l’ingénierie et aux mathématiques (STIM) par exemple. Le Ghana ne fait pas exception.

À l’heure où nous nous rapprochons d’un monde où la parité entre les sexes en matière d’inscriptions à différents niveaux des système éducatif semble être devenu une réalité, l’absence de filles dans certaines filières est frappante. Pour la GNECC, c’est la preuve que garantir l’accès formel à l’éducation n’est que la première étape pour briser les normes et barrières liés au genre à l’intérieur du système éducatif :

« Dans le cadre du processus visant à encourager les filles à aller à l'école, le système a pensé à rendre les écoles plus attrayantes conformément à ce qui se faisait pour les filles à l'époque, à les initier à l'économie domestique, aux soins infirmiers et à la cuisine. Nous avons pris les rôles traditionnels des hommes et des femmes et les avons introduits dans le système éducatif formel. Et maintenant, nous nous demandons où sont les filles dans les STEM. Nous nous sommes trompés et c'est maintenant à nous
de réparer cela ».

Dinah Adiko

Au-delà des statistiques en matière de scolarisation, la GNECC analyse également les pratiques de classe pour comprendre les défis que rencontrent les filles à l’école.

Toujours selon Mme Adiko : « Le matériel et les ressources d'enseignement et d'apprentissage sont fortement biaisés. Ils véhiculent beaucoup de normes sociales et d'attentes envers les filles et les garçons, respectivement. Dans les programmes scolaires, les images illustrant des politiciens, des avocats et des personnes à responsabilités montrent très majoritairement des hommes. Si vous regardez ensuite les personnes qui s'occupent des enfants, ce sont des femmes, presque toujours dépeintes dans des rôles domestiques. Le message est recyclé et renforcé au point que les filles commencent à se voir sous cet angle et à se cantonner aux limites que la société leur a imposées ».

Changer les mentalités en vulgarisant l’idée d’une éducation pour toutes les filles

Le Ghana a réussi à augmenter rapidement la scolarisation des filles dans le primaire et le secondaire au cours des dernières décennies. Le gouvernement ghanéen a mené une campagne médiatique à l’échelle nationale dans les années 1980 et 1990 ciblant les communautés et les incitant à envoyer leurs filles à l’école. Cette campagne a été à l’origine de l’augmentation de ces taux de scolarisation.

« Le message était si convaincant que même sans comprendre pourquoi les filles devaient aller à l'école, c'est devenu la nouvelle norme. C’était à la mode d'envoyer ses filles à l'école » affirme, tout sourire, Mme Adiko.

En mai 2021, la GNECC a participé à une table ronde sur l’éducation des filles organisée par le Haut-commissariat de Grande-Bretagne au Ghana, en préparation du Sommet mondial sur l’Éducation. Au cours des échanges, la GNECC a plaidé pour qu’une plus grande attention soit accordée aux filles ayant des besoins spéciaux dans l’espace scolaire public au Ghana.

Les filles ayant des besoins spéciaux se trouvent à un carrefour de désavantages et de défis. Il est donc essentiel que le système éducatif ghanéen leur porte une plus grande attention et crée les meilleures conditions pour que toutes les filles se sentent en sécurité et en confiance à l'école, et poursuivent leur scolarité.

La GNECC met en œuvre un certain nombre de projets visant à rendre les espaces scolaires plus sûrs pour les filles. Son expérience démontre par exemple que la plupart des infrastructures des écoles publiques ne sont pas assez inclusives pour les filles qui ont leurs règles ou pour les filles en situation de handicap ou celles ayant d’autres besoins particuliers. En mettant en place de telles structures et en travaillant avec les communautés, la GNECC constate que les attitudes changent :

« Beaucoup de nos efforts ont permis de faire comprendre aux parents, aux enseignants et même aux garçons que les règles, par exemple, sont une chose normale. Finalement, ils ont commencé à soutenir les filles au lieu de se moquer d'elles. Les efforts de plaidoyer nous aident vraiment à avoir un impact et à influencer les comportements et les perceptions », explique Isaac Awua-Boateng, coordinateur national de la GNECC.

La GNECC s’efforce également de mettre fin à la violence basée sur le genre en milieu scolaire, source d’insécurité pour les filles et une des raisons qui les poussent à abandonner leurs études. En créant des réseaux de soutien entre paires, la GNECC a constaté un changement significatif et une diminution de la violence à l’égard des filles dans les communautés et les zones où elle travaille.

Comment changer les structures ?

Le gouvernement du Ghana est fortement conscient des problèmes qui subsistent en matière de disparité entre les sexes et des conditions qui affectent les filles et les garçons à l'école. Malgré cette prise de conscience et l’adoption du Plan stratégique de l’éducation pour la période 2018-2030 qui accorde une place particulière à l’égalité entre les sexes, des difficultés persistent, notamment quant à la mise en œuvre et l'engagement de tous les acteurs pour réaliser les ambitions du plan.

« Notre pays avance progressivement vers la parité entre les sexes et la résolution des problèmes auxquels les filles font face dans le système éducatif. C’est là qu’intervient la société civile et la GNECC. La GNECC fait pression sur le gouvernement pour qu’il réagisse, offre des opportunités et des solutions, et veille à l’amélioration de l’éducation des filles au Ghana », déclare enfin Mme Dinah Adiko.

« Si vous voulez briser le plafond de verre, ne vous contentez pas de le fendre. Brisez-le. »

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