Du bruit à l’action : plus de pression pour un financement véritablement accru de l'éducation

Collaborer entre partenaires est essentiel pour s'assurer que les engagements pris par les dirigeants mondiaux lors de l'Assemblée générale des Nations Unies se transforment en actions qui mènent à une éducation de qualité pour tous les enfants et les adultes. La société civile doit maintenir la pression pour s'assurer que les promesses faites soient tenues.

09 octobre 2017 par Shaharazad Abuel-Ealeh
|
Lecture : 11 minutes
Un élève levant la main pour répondre à une question. Ecole de Nyamachaki dans le comté de Nyeri au Kenya. Crédit: GPE/Kelley Lynch
Un élève levant la main pour répondre à une question. Ecole de Nyamachaki dans le comté de Nyeri au Kenya.

L’éducation est à l’affiche de nombreux événements de haut niveau organisées par les Nations unies, mais l’Assemblée générale de cette année met véritablement l'accent sur le secteur – et particulièrement sur le financement d'une éducation inclusive, équitable, gratuite et de qualité.

Depuis fort longtemps, la CME et ses membres s'efforcent de fournir des financements au niveau national et international, et le changement entrepris cette année par les Nations unies afin de se concentrer explicitement sur le financement pour renforcer les systèmes éducatifs publics, attendu depuis si longtemps, a été bien accueilli. La société civile est cohérente dans son message, désormais largement reconnu : celui-ci déclare l’éducation comme un droit fondamental. Par ailleurs, l’ODD 4 soutient le programme complet de développement durable : ne pas remplir cet objectif risque en effet de faire échouer l’ensemble du programme. Deux années après le début de la période d’Éducation 2030, il est à présent temps d’agir : il est de notre devoir de financer l’éducation.

Comme nous le savons, la France et le Sénégal animeront conjointement la conférence de refinancement du Partenariat mondial pour l’éducation en février 2018. Les Présidents Emmanuel Macron et Macky Sall l’ont personnellement annoncé au cours de l’événement de haut niveau « Financer l’avenir : Éducation 2030 ». Cet événement primordial, organisé par la Norvège et le Malawi, ainsi que la France et le Sénégal, a vu, entre autres, le Secrétaire-Général des Nations unies Antonio Guterres, la lauréate du Prix Nobel de la Paix Malala Yousafzai, le Premier Ministre Erna Solberg de Norvège et le Président Peter Mutharika du Malawi, venir à la tribune pour s'engager à soutenir à la fois l'augmentation du financement de l'éducation mais également l’appel lancé aux autres à en faire autant.

Un coup de pouce bienvenu pour l’éducation en situation d’urgence

Un petit nombre de nouvelles annonces de contribution a été fait au cours de l’événement ; la conférence de février étant désignée comme le moment privilégié pour les engagements envers le GPE, tous les engagements de cet événement des Nations unies se sont tournés vers l'éducation en situation d'urgence :

  • L’Union européenne : promesse de 13,2 millions de dollars supplémentaires au Fonds L’Éducation sans délai.
  • Le Danemark : nouvel engagement de 16,1 millions de dollars au Fonds L’Éducation sans délai.
  • Dubaï Cares : promesse de 500 000 dollars au Fonds L’Éducation sans délai.

Par ailleurs, le Président Macky Sall a réitéré l’engagement du Sénégal à consacrer 25 % de son budget intérieur à l’éducation.

Financer durablement l’éducation : renforcer la mobilisation des ressources intérieures

Nous avons également organisé un événement majeur pendant l'AGNU, axé sur la justice fiscale, afin d'obtenir un financement durable de l'éducation au niveau intérieur, en contrepartie de la focalisation sur les bailleurs au cours de plusieurs autres événements liés à l’éducation pendant l’AGNU.

Organisé par la CME, Education International et l’Alliance mondiale pour la Justice fiscale, en accord avec ActionAid, RESULTS, Light for the World, l’Open Society Foundations, le Conseil International d’Éducation des adultes et Oxfam, un « Financement durable de l’éducation » a souligné le fait que l'essentiel du financement – 97 % – doit provenir des budgets intérieurs. Pourtant, sans une action radicale pour accroître l’ensemble des ressources intérieures, la promesse de consacrer 20 % du budget national à l’éducation, conformément aux engagements pris dans le Cadre d’action pour Éducation 2030, ne pourra pas permettre de réaliser la totalité du programme, nombre de budgets intérieurs étant en effet totalement insuffisants dès le départ.

Les intervenants ont tous souligné la nécessité critique d’un effort global pour trouver de nouvelles ressources de financement de l'éducation.

Le Dr Shermaine Barrett, Vice-Présidente du Conseil International d’Éducation des adultes pour les Caraïbes, a rappelé aux participants que l’ODD 4 allait au-delà de l’éducations dans les écoles ; l’alphabétisation des adultes est constamment laissée de côté dans les débats internationaux sur l’éducation – oubli d’autant plus criant lorsqu’il s’agit de financement.

Panel de la session « Education au financement durable » au cours de l'AGNU

Panel de la session « Education au financement durable » au cours de l'AGNU

Crédit photo: GCE

Le Professeur Sachs et le Président de l’Alliance mondiale pour la justice fiscale, Dereje Alemayehu, ont précisé que ce financement existait déjà : il s’agit en effet de l’argent qui échappe aux États du fait de l'évasion fiscale, des paradis fiscaux et d’une réglementation fiscale injuste. Comme l’ont souligné Irina Bokova et Alice Albright, la société civile doit continuer à exiger que les gouvernements soient chargés de garantir non seulement l’identification des ressources mais leur allocation et leur dépense afin que soit entièrement mise en œuvre la vision d’une éducation de qualité équitable, inclusive et gratuite pour tous, ainsi que des possibilités d’apprentissage tout au long de la vie.

Et ensuite ?

Après cette solide démonstration de soutien au financement de l’éducation, il nous incombe à tous de maintenir la pression sur les pouvoirs publics afin que les paroles se traduisent par des actes. Ceci doit impliquer un partenariat opérationnel entre les États champions et fournisseurs d’aide, les acteurs de l’éducation tels que le GPE, les coalitions nationales de la société civile, les syndicats d'enseignants, les milieux universitaires, les militants individuels en faveur de l’éducation et les ONG internationales - chacun mobilisant ses forces pour exploiter au mieux les opportunités qui se présentent à nous dans les prochains mois.

Les citoyens des pays représentés dans les événements organisés par les Nations unies en septembre doivent effectuer un suivi auprès de leur Chef d’État et ministres – nous devons montrer clairement qu’il ne suffit pas d’intervenir à la tribune.

Parallèlement, les réunions annuelles de la Banque mondiale doivent bientôt se tenir à Washington DC : la société civile doit saisir la double occasion du soutien affiché au cours de l'AGNU et du tout premier Rapport sur le Développement dans le monde de la Banque mondiale exclusivement axé sur l’éducation pour veiller à ce que le financement de l’éducation soit à l’ordre du jour des ministres des finances.

Il est urgent de se saisir du problème de la crise de l'apprentissage

La conférence de refinancement du GPE ne peut être considérée de façon isolée. Elle doit plutôt être vue comme le point de départ essentiel d'un accroissement par les États des contributions financières à l’éducation au sein d’efforts continus de sensibilisation au financement intérieur comme à celui provenant des bailleurs.

Un Bulletin d’information récent de l’ISU dresse quelques constats choquants. Cent trente-trois millions d’enfants en âge de fréquenter le primaire et le premier cycle du secondaire sont soit non scolarisés, soit susceptibles de décrocher avant l’achèvement de leur cycle – et ce chiffre s’ajoute à celui des 142 millions d’enfants en âge de fréquenter le second cycle du secondaire, qui sont non scolarisés. Cependant, même ces chiffres combinés sont bien loin des 484 millions d’enfants scolarisés qui ne bénéficient pas d’une éducation de qualité. Au total, cela fait les trois quarts d'un milliard d'enfants qui ne bénéficient pas d’une éducation de qualité, voire d'une éducation. Un autre Bulletin d’information récent de l’ISU a déterminé que 750 millions d’adultes (dont 102 millions âgés de 15 à 24 ans) n’étaient pas capables de lire ou d’écrire.

Une grande partie de la situation repose sur une question d’argent : pour bâtir une infrastructure éducative pour tous les niveaux et âges, pour former et payer les enseignants et fournir les matériels et ressources pédagogiques. Ayant lancé le Programme Éducation 2030 et fixé l’ODD 4 il y a deux ans, ces chiffres seuls doivent nous servir d’appel à l’action.

La société civile maintiendra la pression sur les États pour que ceux-ci accroissent le financement global de l’éducation, et sur les pays donateurs pour inclure le GPE dans l'ensemble de leurs engagements, mais nous devons œuvrer tous ensemble pour que le bruit retentissant fait par les États pendant l’Assemblée Générale des Nations unies se transforme en une action encore plus retentissante. Nous devons nous engager à saisir cette occasion pour sécuriser des engagements financiers encore plus importants afin que chaque adulte et chaque enfant puisse exercer son droit à l'éducation.

Lire aussi

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas divulguée. Tous les champs sont requis

Le contenu de ce champ sera maintenu privé et ne sera pas affiché publiquement.

Comments

  • Aucune balise HTML autorisée.
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.